Jean-Marc Dupuis
Imaginez que vous puissiez, en arrêtant de consommer certains aliments, réduire vos cellules cancéreuses à la famine...
Votre tumeur en pleine croissance, serait brutalement stoppée. Privée de nourriture, elle se mettrait à dépérir, rétrécir, puis disparaître.
Selon certains chercheurs, ce rêve peut dans certains cas devenir une réalité. Car voici de quoi les cellules cancéreuses ont besoin pour vivre :
Les cellules peuvent fonctionner avec deux carburants différents
Les cellules ont deux carburants à leur disposition : le glucose et les acides gras.
Les cellules doivent brûler ces carburants pour les transformer en énergie cellulaire (ATP, ou adénosine triphosphate).
Elles ont pour cela besoin d'oxygène, apporté par la respiration et par le sang.
A l'intérieur de la cellule, le carburant et l'oxygène sont brûlés au sein des mitochondries, de mini-usines électriques à l'intérieur des cellules, pour produire l'énergie cellulaire.
Les mitochondries peuvent fonctionner soit avec de l'oxygène et du glucose, soit avec de l'oxygène et des acides gras.
Quand l'oxygène vient à manquer
Mais les mitochondries n'ont pas toujours assez d'oxygène à disposition. Par exemple, quand vous courrez très vite et que vous êtes essoufflé, vos cellules manquent d'oxygène.
Heureusement, vous pouvez continuer malgré tout à courir parce que vos cellules sont aussi capables de produire de l'énergie sans oxygène : par fermentation.
La fermentation permet aux cellules de fonctionner en l'absence d'oxygène. Toutefois, la fermentation ne marche qu'avec le glucose, pas avec les acides gras.
Les cellules cancéreuses accros au glucose
Les cellules cancéreuses, qui sont très agressives, qui se reproduisent rapidement, et qui sont très nombreuses au même endroit, utilisent prioritairement la fermentation pour fonctionner.
La fermentation n'étant pas possible avec les acides gras, cela veut dire que les cellules cancéreuses ont un énorme besoin de glucose.
Elles ont besoin de 20 fois plus de glucose qu'une cellule saine. A tel point que le scanner PET peut servir à voir le cancer dans l'organisme, uniquement en regardant les cellules qui consomment le plus de glucose.
Les cellules cancéreuses sont dépendantes au glucose. La seule chose qui les intéresse, c'est de trouver du glucose à tout prix, comme un toxicomane ; et comme celui-ci, elles ne tiennent plus compte de leur environnement.
Si elles n'ont que des acides gras à disposition, elles se retrouvent en famine. La production d'énergie cellulaire baisse. Les cellules cancéreuses perdent de leur agressivité et de leur capacité à se multiplier.
Ce n'est pas le cas des autres cellules du corps (cerveau, cœur et autres muscles) qui, elles, peuvent vivre uniquement grâce aux acides gras, car leur comportement est moins frénétique.
Cancer en cascade
Le glucose est donc le carburant des cellules cancéreuses. Mais manger beaucoup de sucre accroît votre risque de cancer par d'autres voies :
la fermentation du glucose par les cellules produit de l'acide lactique qui provoque une acidification des tissus cancéreux, qui favorise encore la croissance de la tumeur ;
plus vous mangez de sucre, plus votre taux de sucre sanguin monte et plus votre pancréas fabrique d'insuline. Or, l'insuline stimule la production d'une molécule appelée Insulin-like growth factor-1 (IGF), une puissante hormone responsable de la prolifération des cellules saines mais aussi cancéreuses.
C'est ce qui a amené des chercheurs à proposer un régime sans aucun glucide, appelé régime cétogène, pour aider les patients cancéreux.
Le régime sans glucides contre le cancer
En 2007, le Dr Melanie Schmidt et le biologiste Ulrike Kämmerer, à l'hôpital de Wüzburg, en Allemagne, ont mené une étude clinique avec des patients malades du cancer. Ils leur ont fait suivre un régime très pauvre en glucides, riche en graisses et riche en protéines, appelé régime cétogène. Pas de sucres, pas de céréales, pas de gâteaux, pas de pâtes, pas de riz, pas de pommes de terre, très peu de fruits, uniquement de la viande grasse, des poissons gras, des œufs entiers, des noix, de l'huile d'olive, de l'huile de lin et quelques légumes.
Ce n'était pas une nouveauté d'ailleurs. Déjà, en 1924, le Dr Otto H. Warburg (Prix Nobel en 1931) avait publié ses observations sur les tumeurs : « Une alimentation riche en glucides a un profond effet stimulant de la croissance des cellules cancéreuses. »
Les deux chercheurs de Würzburg se sont cependant heurtés à un écueil : l'hôpital ne les a autorisés à tester le régime cétogène que sur les patients ayant épuisé toutes les thérapies conventionnelles contre le cancer : chirurgie, radiations, chimiothérapie, et même les thérapies alternatives comme l'hyperthermie et l'autohémothérapie (sang veineux réinjecté par voie musculaire).
Cela signifie que les patients étaient en très mauvaise santé. Ils souffraient de cancer des ovaires, du sein, des glandes parotides, des os, du pancréas, de la thyroïde, de l'œsophage et de tumeurs du système nerveux agressives, résistant aux traitements classiques. Deux d'entre eux sont morts en moins d'un mois après le début de l'étude, un autre a abandonné parce qu'il trouvait trop pénible de se priver de boissons sucrées et de céréales et six autres ont arrêté pour des raisons personnelles. Deux autres patients ont quitté prématurément l'étude en raison d'une brusque aggravation de leur état de santé.
Toutefois, pour cinq patients qui ont respecté le régime sans glucides pendant trois mois, les résultats se sont révélés positifs. Les patients sont restés en vie, leur condition physique s'est stabilisée ou s'est améliorée, leur tumeur a arrêté de grossir et la maladie s'est stabilisée.
L'efficacité du régime cétogène réside dans le suivi rigoureux d'une alimentation la plus pauvre possible en glucides. Lorsque les glucides viennent à manquer, le corps produit des corps cétoniques dérivés des graisses qui peuvent fournir de l'énergie au corps et au cerveau mais qui est peu utilisable par les cellules cancéreuses. Or, dans l'étude des chercheurs de Würzburg, seuls deux patients sont parvenus à réduire suffisamment leur consommation de glucides alimentaires pour produire beaucoup de corps cétoniques. Ces résultats préliminaires sont donc tout à fait remarquables et les chercheurs y voient déjà une solution alternative pour le traitement du cancer, sans attendre le stade terminal de la maladie [1].
Imaginez que vous puissiez, en arrêtant de consommer certains aliments, réduire vos cellules cancéreuses à la famine...
Votre tumeur en pleine croissance, serait brutalement stoppée. Privée de nourriture, elle se mettrait à dépérir, rétrécir, puis disparaître.
Selon certains chercheurs, ce rêve peut dans certains cas devenir une réalité. Car voici de quoi les cellules cancéreuses ont besoin pour vivre :
Les cellules peuvent fonctionner avec deux carburants différents
Les cellules ont deux carburants à leur disposition : le glucose et les acides gras.
Les cellules doivent brûler ces carburants pour les transformer en énergie cellulaire (ATP, ou adénosine triphosphate).
Elles ont pour cela besoin d'oxygène, apporté par la respiration et par le sang.
A l'intérieur de la cellule, le carburant et l'oxygène sont brûlés au sein des mitochondries, de mini-usines électriques à l'intérieur des cellules, pour produire l'énergie cellulaire.
Les mitochondries peuvent fonctionner soit avec de l'oxygène et du glucose, soit avec de l'oxygène et des acides gras.
Quand l'oxygène vient à manquer
Mais les mitochondries n'ont pas toujours assez d'oxygène à disposition. Par exemple, quand vous courrez très vite et que vous êtes essoufflé, vos cellules manquent d'oxygène.
Heureusement, vous pouvez continuer malgré tout à courir parce que vos cellules sont aussi capables de produire de l'énergie sans oxygène : par fermentation.
La fermentation permet aux cellules de fonctionner en l'absence d'oxygène. Toutefois, la fermentation ne marche qu'avec le glucose, pas avec les acides gras.
Les cellules cancéreuses accros au glucose
Les cellules cancéreuses, qui sont très agressives, qui se reproduisent rapidement, et qui sont très nombreuses au même endroit, utilisent prioritairement la fermentation pour fonctionner.
La fermentation n'étant pas possible avec les acides gras, cela veut dire que les cellules cancéreuses ont un énorme besoin de glucose.
Elles ont besoin de 20 fois plus de glucose qu'une cellule saine. A tel point que le scanner PET peut servir à voir le cancer dans l'organisme, uniquement en regardant les cellules qui consomment le plus de glucose.
Les cellules cancéreuses sont dépendantes au glucose. La seule chose qui les intéresse, c'est de trouver du glucose à tout prix, comme un toxicomane ; et comme celui-ci, elles ne tiennent plus compte de leur environnement.
Si elles n'ont que des acides gras à disposition, elles se retrouvent en famine. La production d'énergie cellulaire baisse. Les cellules cancéreuses perdent de leur agressivité et de leur capacité à se multiplier.
Ce n'est pas le cas des autres cellules du corps (cerveau, cœur et autres muscles) qui, elles, peuvent vivre uniquement grâce aux acides gras, car leur comportement est moins frénétique.
Cancer en cascade
Le glucose est donc le carburant des cellules cancéreuses. Mais manger beaucoup de sucre accroît votre risque de cancer par d'autres voies :
la fermentation du glucose par les cellules produit de l'acide lactique qui provoque une acidification des tissus cancéreux, qui favorise encore la croissance de la tumeur ;
plus vous mangez de sucre, plus votre taux de sucre sanguin monte et plus votre pancréas fabrique d'insuline. Or, l'insuline stimule la production d'une molécule appelée Insulin-like growth factor-1 (IGF), une puissante hormone responsable de la prolifération des cellules saines mais aussi cancéreuses.
C'est ce qui a amené des chercheurs à proposer un régime sans aucun glucide, appelé régime cétogène, pour aider les patients cancéreux.
Le régime sans glucides contre le cancer
En 2007, le Dr Melanie Schmidt et le biologiste Ulrike Kämmerer, à l'hôpital de Wüzburg, en Allemagne, ont mené une étude clinique avec des patients malades du cancer. Ils leur ont fait suivre un régime très pauvre en glucides, riche en graisses et riche en protéines, appelé régime cétogène. Pas de sucres, pas de céréales, pas de gâteaux, pas de pâtes, pas de riz, pas de pommes de terre, très peu de fruits, uniquement de la viande grasse, des poissons gras, des œufs entiers, des noix, de l'huile d'olive, de l'huile de lin et quelques légumes.
Ce n'était pas une nouveauté d'ailleurs. Déjà, en 1924, le Dr Otto H. Warburg (Prix Nobel en 1931) avait publié ses observations sur les tumeurs : « Une alimentation riche en glucides a un profond effet stimulant de la croissance des cellules cancéreuses. »
Les deux chercheurs de Würzburg se sont cependant heurtés à un écueil : l'hôpital ne les a autorisés à tester le régime cétogène que sur les patients ayant épuisé toutes les thérapies conventionnelles contre le cancer : chirurgie, radiations, chimiothérapie, et même les thérapies alternatives comme l'hyperthermie et l'autohémothérapie (sang veineux réinjecté par voie musculaire).
Cela signifie que les patients étaient en très mauvaise santé. Ils souffraient de cancer des ovaires, du sein, des glandes parotides, des os, du pancréas, de la thyroïde, de l'œsophage et de tumeurs du système nerveux agressives, résistant aux traitements classiques. Deux d'entre eux sont morts en moins d'un mois après le début de l'étude, un autre a abandonné parce qu'il trouvait trop pénible de se priver de boissons sucrées et de céréales et six autres ont arrêté pour des raisons personnelles. Deux autres patients ont quitté prématurément l'étude en raison d'une brusque aggravation de leur état de santé.
Toutefois, pour cinq patients qui ont respecté le régime sans glucides pendant trois mois, les résultats se sont révélés positifs. Les patients sont restés en vie, leur condition physique s'est stabilisée ou s'est améliorée, leur tumeur a arrêté de grossir et la maladie s'est stabilisée.
L'efficacité du régime cétogène réside dans le suivi rigoureux d'une alimentation la plus pauvre possible en glucides. Lorsque les glucides viennent à manquer, le corps produit des corps cétoniques dérivés des graisses qui peuvent fournir de l'énergie au corps et au cerveau mais qui est peu utilisable par les cellules cancéreuses. Or, dans l'étude des chercheurs de Würzburg, seuls deux patients sont parvenus à réduire suffisamment leur consommation de glucides alimentaires pour produire beaucoup de corps cétoniques. Ces résultats préliminaires sont donc tout à fait remarquables et les chercheurs y voient déjà une solution alternative pour le traitement du cancer, sans attendre le stade terminal de la maladie [1].
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