Suite au signalement de deux cas de décès pour lesquels la consommation de boisson énergisante est suspecte, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) souhaite une collaboration plus active avec les médecins ("Boissons énergisantes : L’ANSES appelle les professionnels de santé à lui transmettre les effets indésirables qui seraient portés à leur connaissance", 6 juin 2012).
Un dispositif de nutrivigilance, mis en place depuis 2008, a, en effet, rapporté 24 cas d’effets indésirables pour lesquels les boissons énergisantes sont incriminées. Pour 13 d’entre eux, "un lien de causalité possible ou probable a pu être établi". Pas bon signe tout ça…
Les effets indésirables en question : effets cardiologiques (tachycardie) et/ou neurologiques (crises épilepsies, paresthésies, tremblements, vertiges) et/ou psychiatriques (angoisses, agitation, confusion). Rajoutons à cela trois cas d’AVC et deux cas d’arrêts cardiaques (dont un mortel) ! Cependant, le lien avec la consommation de boissons énergisantes n’a pu être clairement établi…
Taurine, ingrédient stimulant et dangereux
Ainsi la consommation de boissons énergisantes serait-elle dangereuse pour la santé ? Pourquoi une telle incertitude subsiste encore aujourd’hui ?
Pour bien comprendre, il faut d’abord définir le terme "boisson énergisante", ce qui est difficile car il n’y a aucun cadre réglementaire. D’après l’Anses, les boissons énergisantes sont des boissons permettant de stimuler le système nerveux grâce à des ingrédients stimulants : la taurine, la caféine, le guarana, le ginseng, des vitamines….
Si on prend une canette de Red Bull, une des plus célèbres boissons énergisantes, on peut lire dans la liste des ingrédients : taurine et D-glucurono-gamma-lactone. Ce sont ces deux ingrédients qui seraient dangereux. La taurine et la D-glucurono-gamma-lactone sont des molécules que l’on trouve également naturellement, bien qu’en quantité beaucoup plus faible, dans des produits alimentaires.
D'avis défavorable en avis défavorable
En 1996, le CSHPF (Conseil supérieur d’hygiène publique de France) a émis un avis défavorable sur les boissons énergisantes, telles que le Red Bull : l’innocuité des boissons énergisantes contenant de la taurine (4000 mg/L) et du glucuronolactone (2400 mg/L) ne peut pas être certifiée. Sur la base de cet avis défavorable, la commercialisation du Red Bull a été interdite pendant 13 ans.
Pendant 13 ans, la marque a saisi l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) à plusieurs reprises dans l’espoir d’un avis favorable. À quatre reprises, l’Afssa a émis un avis défavorable
En 2001, l’évaluation de l’emploi de diverses substances nutritives et de caféine dans une boisson présentée comme "énergisante" conclut que "l’autorisation d’emploi de ces diverses substances n’est pas acceptable, leur innocuité aux concentrations préconisées par le pétitionnaire n’étant pas démontrée".
En 2003, les études expérimentales apportent des "éléments de suspicion de toxicité rénale pour la D-glucurono-g-lactone et d’effets neuro-comportementaux indésirables, sinon durables du moins transitoires, de la taurine. Enfin, l’effet de la taurine sur la glande thyroïde mériterait d’être approfondi."
En janvier 2006, l’avis apporte une nouvelle analyse des résultats des études de toxicocinétique et de toxicité subaiguë de la taurine et de la D-glucuronolactone chez le rat en raison de biais méthodologiques évoqués par la marque. En l’absence de nouvelles données, l’agence reste sur sa position précédente.
En novembre 2006, l’agence réitère ses doutes quant à l’innocuité de la boisson qui combinerait "plusieurs agents susceptibles de générer des troubles neurophysiques". Des études complémentaires sont nécessaires afin de lever ou confirmer les doutes sur les risques cardiovasculaires, néphrotoxiques, et neurologiques. Les risques liés à la consommation de la boisson d’une part lors d’une activité sportive (risque cardiovasculaire) et, d’autre part, à la consommation concomitante d’alcool (potentialisation des effets de l’alcool) sont évoqués. Par application du principe de précaution, l’Afssaréaffirme donc son avis défavorable quant à l’innocuité de la boisson en question.
Commercialisation : de la version sans taurine à l'originale
L’histoire ne s’arrête pas là : fin 2007, la marque a porté plainte contre la France contre l’interdiction de la commercialisation du produit. Elle s’appuie pour cela sur la réglementation européenne qui stipule l’obligation de démontrer la toxicité du produit.
Avril 2008 voit sortir une version allégée du Red Bull dans laquelle la taurine est remplacée par un autre acide aminé, l’arginine. Sous la pression, la France finit toutefois par céder et le Red Bull est commercialisé dans sa formule originale en juillet de la même année. Les mentions "déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes" et "à consommer avec modération" doivent être apposées sur le produit.
Et depuis ? L’Efsa (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) a émis un avis scientifique en 2009 sur l’innocuité de la taurine et de la D-glucurono-gamma-lactone en tant qu’ingrédients individuels de boissons énergisantes. D’après ce rapport, la dose sans effet indésirable observé (DSEIO) est de 1000 mg par kg de poids corporel et par jour pour les deux substances :
"Cette marge de sécurité est suffisante pour les personnes ayant une consommation régulière moyenne ou élevée de boissons énergétiques, c’est-à-dire qui absorbent en moyenne respectivement 125 mL (0,5 cannette) et 350 mL (1,4 cannette) par personne par jour."
Effets non démontrés
Alors le Red Bull, dangereux ou pas… ? La commercialisation du Red Bull ne signifie pas que les boissons énergisantes ne sont pas dangereuses pour la santé, mais seulement que les effets des boissons énergisantes n’ont pas encore été démontrés. C’est l’exemple parfait de la pression qu’un lobbying peut exercer sur les pouvoirs publics. Les recommandations des instances sanitaires sont alors ignorées… le dispositif de nutrivigilance et l’appel aux médecins devraient permettent d’avoir plus de données.
On en revient à la question principale : boire ou ne pas boire de boissons énergisantes ? Au même titre que l’alcool, les boissons énergisantes peuvent avoir des effets sur la santé.
Si vous ne pouvez pas vous passer de ce type de boisson, n’oubliez pas le maître mot : "à consommer avec modération" ! Et surtout évitez les boissons énergisantes lors d’une activité sportive (des boissons adaptées existent) et l’association avec l’alcool (le fameux vodka-Red Bull)… Ces modes de consommation sont, d’après des travaux de l’Anses qui paraîtront cet automne, en augmentation. 27% des consommateurs de moins de 35 ans associent, au moins de temps en temps, les boissons énergisantes à de l'alcool.
![](http://referentiel.nouvelobs.com/wsfile/0781339741243.jpg)
Le Nouvel Observateur
Un dispositif de nutrivigilance, mis en place depuis 2008, a, en effet, rapporté 24 cas d’effets indésirables pour lesquels les boissons énergisantes sont incriminées. Pour 13 d’entre eux, "un lien de causalité possible ou probable a pu être établi". Pas bon signe tout ça…
Les effets indésirables en question : effets cardiologiques (tachycardie) et/ou neurologiques (crises épilepsies, paresthésies, tremblements, vertiges) et/ou psychiatriques (angoisses, agitation, confusion). Rajoutons à cela trois cas d’AVC et deux cas d’arrêts cardiaques (dont un mortel) ! Cependant, le lien avec la consommation de boissons énergisantes n’a pu être clairement établi…
Taurine, ingrédient stimulant et dangereux
Ainsi la consommation de boissons énergisantes serait-elle dangereuse pour la santé ? Pourquoi une telle incertitude subsiste encore aujourd’hui ?
Pour bien comprendre, il faut d’abord définir le terme "boisson énergisante", ce qui est difficile car il n’y a aucun cadre réglementaire. D’après l’Anses, les boissons énergisantes sont des boissons permettant de stimuler le système nerveux grâce à des ingrédients stimulants : la taurine, la caféine, le guarana, le ginseng, des vitamines….
Si on prend une canette de Red Bull, une des plus célèbres boissons énergisantes, on peut lire dans la liste des ingrédients : taurine et D-glucurono-gamma-lactone. Ce sont ces deux ingrédients qui seraient dangereux. La taurine et la D-glucurono-gamma-lactone sont des molécules que l’on trouve également naturellement, bien qu’en quantité beaucoup plus faible, dans des produits alimentaires.
D'avis défavorable en avis défavorable
En 1996, le CSHPF (Conseil supérieur d’hygiène publique de France) a émis un avis défavorable sur les boissons énergisantes, telles que le Red Bull : l’innocuité des boissons énergisantes contenant de la taurine (4000 mg/L) et du glucuronolactone (2400 mg/L) ne peut pas être certifiée. Sur la base de cet avis défavorable, la commercialisation du Red Bull a été interdite pendant 13 ans.
Pendant 13 ans, la marque a saisi l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) à plusieurs reprises dans l’espoir d’un avis favorable. À quatre reprises, l’Afssa a émis un avis défavorable
En 2001, l’évaluation de l’emploi de diverses substances nutritives et de caféine dans une boisson présentée comme "énergisante" conclut que "l’autorisation d’emploi de ces diverses substances n’est pas acceptable, leur innocuité aux concentrations préconisées par le pétitionnaire n’étant pas démontrée".
En 2003, les études expérimentales apportent des "éléments de suspicion de toxicité rénale pour la D-glucurono-g-lactone et d’effets neuro-comportementaux indésirables, sinon durables du moins transitoires, de la taurine. Enfin, l’effet de la taurine sur la glande thyroïde mériterait d’être approfondi."
En janvier 2006, l’avis apporte une nouvelle analyse des résultats des études de toxicocinétique et de toxicité subaiguë de la taurine et de la D-glucuronolactone chez le rat en raison de biais méthodologiques évoqués par la marque. En l’absence de nouvelles données, l’agence reste sur sa position précédente.
En novembre 2006, l’agence réitère ses doutes quant à l’innocuité de la boisson qui combinerait "plusieurs agents susceptibles de générer des troubles neurophysiques". Des études complémentaires sont nécessaires afin de lever ou confirmer les doutes sur les risques cardiovasculaires, néphrotoxiques, et neurologiques. Les risques liés à la consommation de la boisson d’une part lors d’une activité sportive (risque cardiovasculaire) et, d’autre part, à la consommation concomitante d’alcool (potentialisation des effets de l’alcool) sont évoqués. Par application du principe de précaution, l’Afssaréaffirme donc son avis défavorable quant à l’innocuité de la boisson en question.
Commercialisation : de la version sans taurine à l'originale
L’histoire ne s’arrête pas là : fin 2007, la marque a porté plainte contre la France contre l’interdiction de la commercialisation du produit. Elle s’appuie pour cela sur la réglementation européenne qui stipule l’obligation de démontrer la toxicité du produit.
Avril 2008 voit sortir une version allégée du Red Bull dans laquelle la taurine est remplacée par un autre acide aminé, l’arginine. Sous la pression, la France finit toutefois par céder et le Red Bull est commercialisé dans sa formule originale en juillet de la même année. Les mentions "déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes" et "à consommer avec modération" doivent être apposées sur le produit.
Et depuis ? L’Efsa (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) a émis un avis scientifique en 2009 sur l’innocuité de la taurine et de la D-glucurono-gamma-lactone en tant qu’ingrédients individuels de boissons énergisantes. D’après ce rapport, la dose sans effet indésirable observé (DSEIO) est de 1000 mg par kg de poids corporel et par jour pour les deux substances :
"Cette marge de sécurité est suffisante pour les personnes ayant une consommation régulière moyenne ou élevée de boissons énergétiques, c’est-à-dire qui absorbent en moyenne respectivement 125 mL (0,5 cannette) et 350 mL (1,4 cannette) par personne par jour."
Effets non démontrés
Alors le Red Bull, dangereux ou pas… ? La commercialisation du Red Bull ne signifie pas que les boissons énergisantes ne sont pas dangereuses pour la santé, mais seulement que les effets des boissons énergisantes n’ont pas encore été démontrés. C’est l’exemple parfait de la pression qu’un lobbying peut exercer sur les pouvoirs publics. Les recommandations des instances sanitaires sont alors ignorées… le dispositif de nutrivigilance et l’appel aux médecins devraient permettent d’avoir plus de données.
On en revient à la question principale : boire ou ne pas boire de boissons énergisantes ? Au même titre que l’alcool, les boissons énergisantes peuvent avoir des effets sur la santé.
Si vous ne pouvez pas vous passer de ce type de boisson, n’oubliez pas le maître mot : "à consommer avec modération" ! Et surtout évitez les boissons énergisantes lors d’une activité sportive (des boissons adaptées existent) et l’association avec l’alcool (le fameux vodka-Red Bull)… Ces modes de consommation sont, d’après des travaux de l’Anses qui paraîtront cet automne, en augmentation. 27% des consommateurs de moins de 35 ans associent, au moins de temps en temps, les boissons énergisantes à de l'alcool.
![](http://referentiel.nouvelobs.com/wsfile/0781339741243.jpg)
Le Nouvel Observateur