Un terrible poids sur de frêles épaules… Les enfants atteints du sida, l’autre face du mal
Un petit bout d’homme à peine plus haut que trois pommes, sous son bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, je devine ses cheveux noir corbeau comme ses yeux qui pétillent et brillent lorsqu’il lève furtivement la tête vers moi. À mon geste de lui caresser la joue, il enfonce aussitôt son visage contre les jambes de sa maman, qu’il enserre de ses deux bras.
Je fais mine de me désintéresser de lui quelques instants. Croyant avoir déjoué l’attention des adultes qui sont dans la pièce, avec ses petites jambes de deux ans et demi, Nassim se précipite alors vers la porte pour s’échapper.
Sa maman promptement le retient et, comme pour s’excuser, dit : “Il est trop turbulent !” Le médecin qui suit Nassim et ses parents intervient : “Il va bien Nassim ! Il est un peu comme chez lui ici.”
Comme tous les enfants de son âge, Nassim a du mal à tenir en place. En fait, ce prénom de Nassim est celui que nous avons choisi de lui donner dans ce reportage, de même pour sa maman que nous appellerons simplement Nadia. Nous n’en dirons pas plus, sinon qu’ils sont originaires de l’intérieur du pays.
Il s’agit en l’occurrence de préserver et protéger l’anonymat de Nassim et de tous les enfants et parents dont nous relaterons la souffrance, les attentes et le terrible isolement qui les enserrent comme un étau, faisant de leur vie au quotidien une épreuve permanente.
Et pour cause. Au service infectieux du CHUO, nous avons été à la rencontre des enfants atteints du sida, ces dizaines d’enfants et de nourrissons qui sont nés porteurs du virus HIV, contractés lors de la grossesse de leur mère.
C’est là, dans notre pays, et non pas ailleurs en Afrique ou en Asie, la face cachée du sida qui pèse si lourdement sur les frêles épaules d’enfants âgés de 1 an à 13 ans.
Peur et isolement
Nassim est le seul rescapé d’une fratrie de quatre garçons et filles qui sont tous décédés, probablement d’infections provoquées par le VIH. Les trois frères et sœurs n’on pas atteint l’année.
Pour les parents, Nassim est une victoire, un miracle, un espoir qui pourtant chaque jour doit leur rappeler le visage, l’odeur et la chaleur des trois autres bébés qui ne sont plus là.
Quelle souffrance pour ces parents.
De condition modeste, ils ne diront pas un mot de leur douleur, de leur peur et de la culpabilité qui les ronge pourtant. Leurs seules paroles ont été de demander une main tendue. “Dites-leur de nous aider pour les médicaments, le transport…”, explique d’une voix basse le père de Nassim.
“On nous oblige à venir chaque mois pour prendre un quota de médicaments de 30 jours. Je dépense 900 DA aller-retour à chaque fois sans compter les autres médicaments, les analyses que l’on doit faire chez un privé… C’est très dur.
Ils ne comprennent pas ici. Pourquoi ne veulent-ils pas nous donner un quota de 3 mois de médicaments comme à Alger ?” Aujourd’hui, Nadia s’inquiète d’un rhume persistant chez Nassim.
Les résultats de la charge virale qu’ils ont effectuée à l’extérieur sont bons mais il n’empêche, l’inquiétude est comme marquée au fer rouge sur le visage des parents. Eux aussi sont séropositifs, ils n’ont découvert cela qu’après la naissance de Nassim.
Un médecin, alerté par leur parcours médical, les oriente vers le service infectieux d’Oran. Le diagnostic tombera brutalement. Le virus HIV a ainsi fait irruption dans leur vie, c’est presque le sceau de la honte qu’ils traînent et portent depuis.
Car pour ce couple et pour tous ceux que nous avons rencontrés, c’est dans le secret le plus total qu’ils vivent avec leur séropositivité, se privant même de leur droit au remboursement de peur que ne soit découverte leur infection.
Alors que Nassim se calme un moment, grâce à un paquet de gaufrettes, ses parents prennent auprès du médecin les dernières explications pour lui administrer les anti-rétroviraux. En ce moment, la forme pédiatrique est indisponible. La moitié d’un comprimé pour adulte, c’est ce qu’il faudra donner à Nassim plusieurs fois dans la journée.
Sans parler à vrai dire de pénurie, les approvisionnements sont par à-coup, les médicaments changent souvent… ne sont pas en quantités suffisantes… Plus grave, par le passé, faute de médicaments disponibles la trithérapie s’est transformée en bithérapie, d’où peut-être le développement de la maladie chez certains.
De tous les responsables que nous avons sollicités au CHUO pour comprendre cette situation, aucun n’a daigné nous recevoir. Le malaise règne à l’évidence. Un autre couple passe en consultation, il a pris la route à 6 heures pour être parmi les premiers.
Cette fois-ci encore les parents n’avaient jamais fait de dépistage au HIV. Dans les bras de la maman, une petite fille de 6 mois bien emmitouflée et qui dort paisiblement. C’est une petite Nawel qui a déjà trois frères, dont Mohammed porteur du VIH, n’a pas encore 3 ans.
Les deux aînés n’ont rien. Les parents devant nous ne se demandent plus pourquoi ? Comment ? Pour l’heure, ils veulent être rassurés quant à leur propre état, celui de leur garçon et de la petite dernière. En effet, la maman a suivi un traitement durant toute sa grossesse qui semble avoir porté ses fruits.
“Nawal n’a rien. Soyez tranquilles, pour l’instant, tout va bien”, explique le médecin. Mohamed est pesé, ausculté, il semble un peu fatigué, il tousse… Sa mère lui tend sa sucette qui l’apaise. Une fois de plus durant l’entretien médical, les parents soulèvent la question de la disponibilité des anti-rétroviraux.
Le père se plaint de l’accueil froid au service, du mépris qu’il ressent, des billets de salle qu’il faut à chaque fois chercher… Et d’évoquer que chaque mois, pour chaque consultation, c’est une journée de travail manquée et les remarques de son patron.
Demain, il faudra un mensonge de plus, une excuse de plus pour se justifier. Surtout tout faire pour que personne n’ait de soupçon.Le médecin nous explique qu’à chaque consultation, ce sont les mêmes scènes qui se répètent. “La plupart du temps, les parents ont d’énormes difficultés financières et recherchent une aide
Un petit bout d’homme à peine plus haut que trois pommes, sous son bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, je devine ses cheveux noir corbeau comme ses yeux qui pétillent et brillent lorsqu’il lève furtivement la tête vers moi. À mon geste de lui caresser la joue, il enfonce aussitôt son visage contre les jambes de sa maman, qu’il enserre de ses deux bras.
Je fais mine de me désintéresser de lui quelques instants. Croyant avoir déjoué l’attention des adultes qui sont dans la pièce, avec ses petites jambes de deux ans et demi, Nassim se précipite alors vers la porte pour s’échapper.
Sa maman promptement le retient et, comme pour s’excuser, dit : “Il est trop turbulent !” Le médecin qui suit Nassim et ses parents intervient : “Il va bien Nassim ! Il est un peu comme chez lui ici.”
Comme tous les enfants de son âge, Nassim a du mal à tenir en place. En fait, ce prénom de Nassim est celui que nous avons choisi de lui donner dans ce reportage, de même pour sa maman que nous appellerons simplement Nadia. Nous n’en dirons pas plus, sinon qu’ils sont originaires de l’intérieur du pays.
Il s’agit en l’occurrence de préserver et protéger l’anonymat de Nassim et de tous les enfants et parents dont nous relaterons la souffrance, les attentes et le terrible isolement qui les enserrent comme un étau, faisant de leur vie au quotidien une épreuve permanente.
Et pour cause. Au service infectieux du CHUO, nous avons été à la rencontre des enfants atteints du sida, ces dizaines d’enfants et de nourrissons qui sont nés porteurs du virus HIV, contractés lors de la grossesse de leur mère.
C’est là, dans notre pays, et non pas ailleurs en Afrique ou en Asie, la face cachée du sida qui pèse si lourdement sur les frêles épaules d’enfants âgés de 1 an à 13 ans.
Peur et isolement
Nassim est le seul rescapé d’une fratrie de quatre garçons et filles qui sont tous décédés, probablement d’infections provoquées par le VIH. Les trois frères et sœurs n’on pas atteint l’année.
Pour les parents, Nassim est une victoire, un miracle, un espoir qui pourtant chaque jour doit leur rappeler le visage, l’odeur et la chaleur des trois autres bébés qui ne sont plus là.
Quelle souffrance pour ces parents.
De condition modeste, ils ne diront pas un mot de leur douleur, de leur peur et de la culpabilité qui les ronge pourtant. Leurs seules paroles ont été de demander une main tendue. “Dites-leur de nous aider pour les médicaments, le transport…”, explique d’une voix basse le père de Nassim.
“On nous oblige à venir chaque mois pour prendre un quota de médicaments de 30 jours. Je dépense 900 DA aller-retour à chaque fois sans compter les autres médicaments, les analyses que l’on doit faire chez un privé… C’est très dur.
Ils ne comprennent pas ici. Pourquoi ne veulent-ils pas nous donner un quota de 3 mois de médicaments comme à Alger ?” Aujourd’hui, Nadia s’inquiète d’un rhume persistant chez Nassim.
Les résultats de la charge virale qu’ils ont effectuée à l’extérieur sont bons mais il n’empêche, l’inquiétude est comme marquée au fer rouge sur le visage des parents. Eux aussi sont séropositifs, ils n’ont découvert cela qu’après la naissance de Nassim.
Un médecin, alerté par leur parcours médical, les oriente vers le service infectieux d’Oran. Le diagnostic tombera brutalement. Le virus HIV a ainsi fait irruption dans leur vie, c’est presque le sceau de la honte qu’ils traînent et portent depuis.
Car pour ce couple et pour tous ceux que nous avons rencontrés, c’est dans le secret le plus total qu’ils vivent avec leur séropositivité, se privant même de leur droit au remboursement de peur que ne soit découverte leur infection.
Alors que Nassim se calme un moment, grâce à un paquet de gaufrettes, ses parents prennent auprès du médecin les dernières explications pour lui administrer les anti-rétroviraux. En ce moment, la forme pédiatrique est indisponible. La moitié d’un comprimé pour adulte, c’est ce qu’il faudra donner à Nassim plusieurs fois dans la journée.
Sans parler à vrai dire de pénurie, les approvisionnements sont par à-coup, les médicaments changent souvent… ne sont pas en quantités suffisantes… Plus grave, par le passé, faute de médicaments disponibles la trithérapie s’est transformée en bithérapie, d’où peut-être le développement de la maladie chez certains.
De tous les responsables que nous avons sollicités au CHUO pour comprendre cette situation, aucun n’a daigné nous recevoir. Le malaise règne à l’évidence. Un autre couple passe en consultation, il a pris la route à 6 heures pour être parmi les premiers.
Cette fois-ci encore les parents n’avaient jamais fait de dépistage au HIV. Dans les bras de la maman, une petite fille de 6 mois bien emmitouflée et qui dort paisiblement. C’est une petite Nawel qui a déjà trois frères, dont Mohammed porteur du VIH, n’a pas encore 3 ans.
Les deux aînés n’ont rien. Les parents devant nous ne se demandent plus pourquoi ? Comment ? Pour l’heure, ils veulent être rassurés quant à leur propre état, celui de leur garçon et de la petite dernière. En effet, la maman a suivi un traitement durant toute sa grossesse qui semble avoir porté ses fruits.
“Nawal n’a rien. Soyez tranquilles, pour l’instant, tout va bien”, explique le médecin. Mohamed est pesé, ausculté, il semble un peu fatigué, il tousse… Sa mère lui tend sa sucette qui l’apaise. Une fois de plus durant l’entretien médical, les parents soulèvent la question de la disponibilité des anti-rétroviraux.
Le père se plaint de l’accueil froid au service, du mépris qu’il ressent, des billets de salle qu’il faut à chaque fois chercher… Et d’évoquer que chaque mois, pour chaque consultation, c’est une journée de travail manquée et les remarques de son patron.
Demain, il faudra un mensonge de plus, une excuse de plus pour se justifier. Surtout tout faire pour que personne n’ait de soupçon.Le médecin nous explique qu’à chaque consultation, ce sont les mêmes scènes qui se répètent. “La plupart du temps, les parents ont d’énormes difficultés financières et recherchent une aide
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