La petite fille sur la photo
L’esprit baigné de doux souvenirs, je regarde sur une photo, le portrait d’une petite fille aux cheveux ébouriffés et au regard triste. Elle était très belle et sa beauté était particulière. A la finesse des traits de son visage s’ajoutait le reflet de la sensibilité de son cœur et la naïveté de son âme. Je contemple longuement cette photo en noir et blanc, prise il y a de cela bien longtemps, et je reconnais la petite fille. Je ne la vois pas sourire, comme le font généralement les filles de son âge. Je reconnais la petite fille tourmentée, avec qui je jouais quand j’étais enfant, et j’ai compris que ce regard triste m’était destiné, il était réprobateur.
Je me souviens, il fut un temps, dans une humble demeure, vivait une jeune fille qui se prenait pour une princesse. Elle confectionnait des poupées en les habillant de morceaux de tissus, ramassés ça et là, gambadait dans l’arrière cour de sa maison ou jouait, parfois dans le jardin, avec son frère. Elle remplissant l’air de cette joie enfantine que connaissent toutes les maisons. Cette fille ne connaissait de la vie que son palais, son jardin d’Eden et son titre de princesse. Elle pouvait se contenter de ça et se considérait la plus heureuse des petites filles. Je me souviendrai toujours de cette fille à qui j’ai fait, sans le dire, la promesse de ne jamais la laisser seule et d’être toujours auprès d’elle. Et même si je devais parcourir le monde, je reviendrai la chercher et je la protégerai et je l’aimerai.
Bien des années plus tard, la petite fille est devenue femme et elle est restée toujours aussi belle. Je peux le voir sur une photo récente, une photo en couleur cette fois. Je vois le visage d’une femme séduisante qui me sourit, mais je n’y vois plus la même sérénité. A bien la regarder, elle n’est plus tout à fait la même et je ne sais pour quelle raison le sourire, que je décèle à la commissure de ses lèvres, ne me convainc plus. Je suis parti pour longtemps et la solitude avait eu raison d’elle. Le jour où j’étais revenu pour la retrouver, quelques années plus tard, quelques années trop tard, la petite fille avait perdu son innocence.
Les yeux gonflés de larmes, je repris la photo en noir et blanc. Je ne voulais garder de la petite fleur de mon cœur que l’image que j’ai toujours eu d’elle. Et je lui promis de la retrouver, un jour, ailleurs, loin de ce qui pourrait, encore, souiller son âme et la mienne. Et je lui promis que le monde serait meilleur après la mort, car la mort est salvatrice quand elle met fin à nos souffrances et qu’elle est, parfois, le seul rempart à nos peines. Et bien qu’elle nous sépare, toujours, de ceux qui nous sont chers, elle nous réunit aussi avec les personnes que nous avons tant aimées. Et je lui promis que nous redeviendrons, comme avant, elle la petite fille et moi le petit garçon d’antan. Et nous nous retrouverons dans les champs, courant cheveux dans le vent, comme avant. Et nous remplirons l’air de nos cris et de nos rires, comme avant. Et nous serons heureux car libres et nous serons heureux car nous aurons retrouvé nos cœurs d’enfants, tout comme avant. Et nous nous mettrons sous l’arbre, face au soleil qui illuminera nos visages et nos sourires sincères. Et je la prendrai dans mes bras pour ne plus la quitter. Et je mettrai sa petite main sur ma poitrine afin qu’elle sente les battements fragiles de mon cœur, qui ne palpitera désormais que pour elle. Et elle me pardonnera mon absence et je lui pardonnerai son égarement. Et nous serons alors en paix car elle aura retrouvé, enfin, sa moitié et j’aurai retrouvé, enfin, mon âme sœur.
A la douceur que j’ai perdue…
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