dir sort - Adrar inu , un nouvel album solo après 20 ans de silence. Le quatrième seulement en un peu plus de 40 ans de carrière, mais l’influence d’Idir et son immense talent en font un événement très attendu par un public disséminé aux quatre coins du globe. Egal à lui-même, l’auteur d’Avava Inouva offre à son public onze précieux bijoux. Des textes de toute beauté, ciselés dans des mélodies aériennes, fragiles, que l’artiste a puisées dans le répertoire kabyle ancien ou le patrimoine universel. A l’image du chanteur citoyen du monde, l’album Adrar Inu, (Ma montagne), affirme un ancrage profond dans les racines de la culture kabyle et une ouverture sur l’universel.
-Un nouvel album solo, après 20 ans de silence pour un chanteur attendu comme le Messie. Que ressentez-vous en ce moment ? De l’angoisse, de la joie, du soulagement, de la peur ou alors c’est tout cela à la fois ?
J’éprouve tout d’abord un grand soulagement. C’est un disque que je devais produire depuis très longtemps au regard de mes engagements avec ma maison de disques, mais moi j’étais dans une période un peu spéciale. Comme je n’ai pas choisi mon métier, mais plutôt lui qui m’a choisi, je ne chante que ce qui me touche. Donc, tout ce que j’ai chanté, je l’ai déjà vécu. Dans les deux ou trois disques que j’ai déjà sortis, j’avais l’impression d’avoir tout dit. Et comme je ne suis pas du genre à me dire : «demain matin, je prends mon stylo et je compose une chanson», je me suis dit : «continuons comme ça».
Je ne voyais pas ce que je pouvais dire de plus. Puis, en regardant un peu le paysage musical, surtout de la chanson kabyle, on remarque qu’il y a beaucoup de gens fiers de leur culture mais qui, il me semble, n’ont pas une connaissance complète des traditions musicales ou des mécanismes musicaux de la composition. Les changements survenus sont intéressants, mais j’ai pensé qu’il serait également intéressant de revenir à la base, à ses racines musicales, aux sources rythmiques anciennes du chant et de la danse, puis, à partir de là, ça sera à tout un chacun d’innover selon ses goûts et sa culture.
-C’est donc un album qui signe votre retour aux sources…
Oui. J’ai décidé de retourner aux sources rythmiques traditionnelles en utilisant des instruments anciens uniquement et avec les frappes traditionnelles. J’ai quand même beaucoup de documents sonores anciens ; des Idhebalen des Ath Abbes, de Da Kaci Iboudraren et de ces gens-là. Les Ath Abbes, par exemple, ont beaucoup ramené de frappes chaouies ou du constantinois et les ont transformées à leur manière. C’est ce que j’ai voulu donner dans deux ou trois chansons comme un retour aux sources. Ailleurs, c’est plutôt moi qui m’exprime dans ce que j’ai vécu dans mon adolescence ou ma jeunesse, de reprendre quelques thèmes qui me sont chers, plus quelques petites touches personnelles comme la chanson sur la Tayemmats, la maman…
-Est-ce que l’album sort en même temps en Algérie et en France ?
En tout cas, en France, la date prévue est le 4 février. Si ça se trouve, en Algérie, il est déjà sorti (rires)…
-Je vous rassure, il n’est pas encore sur le marché…
Voilà, normalement c’est la même date de sortie en Algérie.
-Idir, le Kabyle universel, a choisi Adrar Inu, (Ma montagne), comme titre de l’album. C’est une référence à ces racines et à ces valeurs que vous avez toujours défendues. Etes-vous conscient d’en être devenu l’un des porte-drapeau à travers le monde ?
Mon Dieu ! Question difficile ! (rires). Si je suis venu à la chanson, c’est parce que j’étais un enfant révolté, dans une Algérie championne du non-alignement, phare du tiers-monde, la mecque des révolutionnaires dans les années 1970, autant l’Algérie prônait les droits des peuples, autant on était brimés dans notre identité parce que nous, dans notre culture maternelle, on ne se sentait pas représentés. En ce qui me concerne, je me rappelle, je devais expliquer à ma mère ce qu’on disait au journal télévisé en arabe pour qu’elle sache ce qui se passait dans son propre pays.
Ce qui était quand même un comble pour des gens qui avaient participé au combat libérateur de leurs pays. Il y avait donc un sentiment de révolte, et ce sentiment-là moi je l’ai exprimé à travers la chanson. J’ai toujours été attaché à cette revendication légitime de la reconnaissance de notre identité. Mais je ne la revendique pas comme une identité gelée, je la vis, elle est en moi et il faut convaincre les autres qu’elle doit être reconnue parce qu’elle fait partie intégrante du territoire sur lequel on vit.
Quand je suis arrivé en France dans les années 1970, j’ai continué à vivre ma culture au sein de ma famille, de mon foyer, parce que je ne peux pas vivre autrement. Je ne savais pas faire autrement. Quant à être représentant d’une culture, c’est difficile…
-C’est un fardeau trop lourd à porter ?
Oui, ce serait trop lourd à porter, car il faudrait contenter tout le monde. Malgré ma maigre discographie, je suis arrivé à vivre de mon métier sans être ni riche ni pauvre. Je ne pourrai donc pas représenter des gens qui ne vivent pas dans les mêmes conditions que moi, mais je suis content de voir qu’il y a des gens avec lesquels j’ai fait un bout de chemin et avec lesquels je partage des idées, et là il n’y a aucun problème. Chaque fois qu’il s’est agi de faire quelque chose, gala de soutien ou autre, on l’a fait selon nos modestes moyens.
-Depuis des années, vous vous êtes produit partout dans le monde sauf dans cette Algérie, et surtout dans cette Kabylie que vous semblez encore porter viscéralement en vous. Quelles sont les raisons de cette absence ? Peut-on espérer un jour voir Idir sur scène en Algérie ?
Bien sûr que je viendrai. Par le passé, on avait un contexte particulier, notamment dans les années 1990. Que pouvais-je apporter, moi qui ne suis que chanteur, dans un terrible contexte comme celui des années 1990 ? dans les années 1980, je devais faire une tournée en Kabylie. On devait se produire à la maison de la culture de Tizi Ouzou, puis on nous a proposé le stade Oukil Ramdane, vu le nombre de personnes qui venaient acheter leur billet, et comme il y avait des travaux au stade, j’avais compris que ce n’était pas tout à fait possible malgré la bonne volonté et les bonnes intentions des uns et des autres.
Par la suite, l’Algérie s’est libéralisée, on partait chanter sous l’égide de x ou y, mais, personnellement, je ne pouvais pas me permettre de ne pas être libre de toute chapelle. Parce qu' être dans la ligne d’un clan, d’un parti ou d’une chapelle, revenait à aliéner sa liberté de parole et de pensée. Donc, voilà, je n’ai absolument aucun a priori. Je vais chanter partout dans le monde et à plus forte raison dans mon propre pays.
-Donc, on pourrait bientôt vous voir sur scène ici en Algérie…
Bien sûr. Il n’y a aucun problème. Pas de souci.
-Si on revenait un petit peu en arrière, au début des années 1970, c’était encore le moyen-âge musical en Algérie, et un certain Idir arrive comme un ovni, avec des sonorités et une approche nouvelles. Quel a donc été le cheminement qui a produit Idir ?
Le cheminement est venu par ce contexte que je viens d’évoquer. On était fier, on recevait Fidel Castro, Che Guevara, on était porté par le vent de l’histoire, mais d’un autre côté, notre culture maternelle n’avait aucune existence légale alors qu’elle devait venir en premier. Dans les années 50', il y a eu une tentative de faire de la musique ouverte. Les gens faisaient du jazz, c’était l’époque des rythmes exotiques, rumba..., ils étaient beaucoup plus avancés que dans les années qui ont suivi.
Donc, à l’époque, on pouvait avoir tout un orchestre, des violons, un piano, des guitares, mais tout cela était horizontal parce que tout le monde faisait exactement la même chose, et tout le monde suivait la voie en un truc linéaire, du début de la chanson jusqu’à la fin. Par la suite, Cherif Kheddam a apporté une autre approche de la musique, avec des répliques, des tons, etc. Nous on a été élevés au biberon de la folk song des années 70'. C’était l’époque de Cat Stevens, Joan Baez qui est d’ailleurs venue en Algérie, Simon and Garfunkel, Moustaki, etc.
-Qu’est-ce que vous a apporté cette nouvelle époque et cette nouvelle culture musicale ?
Une nouvelle manière de concevoir une chanson avec une guitare au lieu des 25 ou 30 instruments. Avec une guitare et des arpèges qui soutiennent plus verticalement cette fois-ci parce qu’il y a une basse, etc. Donc, il suffisait simplement d’accorder la voix à la guitare, puis c’était bon. Moi, je suis arrivé avec ma première chanson, Arsed Ayidhass, et l’astuce que j’avais trouvée était qu’au lieu de faire une rythmique française ou anglaise, je jouais de la guitare comme si je jouais du bendir, donc il y avait une harmonie, plus un rythme. Avec Avava Inouva, il y avait une voix de fille, une voix de garçon et deux guitares et ça remplissait complètement le paysage musical et mélodique. Elle se suffisait à elle-même parce qu'en plus des arpèges, le solo faisait la mélodie. C’était amplement suffisant en termes de qualité et de quantité. Donc, il y a avait un changement. Et ce contexte dans lequel j’étais m’a aidé énormément.
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-Un nouvel album solo, après 20 ans de silence pour un chanteur attendu comme le Messie. Que ressentez-vous en ce moment ? De l’angoisse, de la joie, du soulagement, de la peur ou alors c’est tout cela à la fois ?
J’éprouve tout d’abord un grand soulagement. C’est un disque que je devais produire depuis très longtemps au regard de mes engagements avec ma maison de disques, mais moi j’étais dans une période un peu spéciale. Comme je n’ai pas choisi mon métier, mais plutôt lui qui m’a choisi, je ne chante que ce qui me touche. Donc, tout ce que j’ai chanté, je l’ai déjà vécu. Dans les deux ou trois disques que j’ai déjà sortis, j’avais l’impression d’avoir tout dit. Et comme je ne suis pas du genre à me dire : «demain matin, je prends mon stylo et je compose une chanson», je me suis dit : «continuons comme ça».
Je ne voyais pas ce que je pouvais dire de plus. Puis, en regardant un peu le paysage musical, surtout de la chanson kabyle, on remarque qu’il y a beaucoup de gens fiers de leur culture mais qui, il me semble, n’ont pas une connaissance complète des traditions musicales ou des mécanismes musicaux de la composition. Les changements survenus sont intéressants, mais j’ai pensé qu’il serait également intéressant de revenir à la base, à ses racines musicales, aux sources rythmiques anciennes du chant et de la danse, puis, à partir de là, ça sera à tout un chacun d’innover selon ses goûts et sa culture.
-C’est donc un album qui signe votre retour aux sources…
Oui. J’ai décidé de retourner aux sources rythmiques traditionnelles en utilisant des instruments anciens uniquement et avec les frappes traditionnelles. J’ai quand même beaucoup de documents sonores anciens ; des Idhebalen des Ath Abbes, de Da Kaci Iboudraren et de ces gens-là. Les Ath Abbes, par exemple, ont beaucoup ramené de frappes chaouies ou du constantinois et les ont transformées à leur manière. C’est ce que j’ai voulu donner dans deux ou trois chansons comme un retour aux sources. Ailleurs, c’est plutôt moi qui m’exprime dans ce que j’ai vécu dans mon adolescence ou ma jeunesse, de reprendre quelques thèmes qui me sont chers, plus quelques petites touches personnelles comme la chanson sur la Tayemmats, la maman…
-Est-ce que l’album sort en même temps en Algérie et en France ?
En tout cas, en France, la date prévue est le 4 février. Si ça se trouve, en Algérie, il est déjà sorti (rires)…
-Je vous rassure, il n’est pas encore sur le marché…
Voilà, normalement c’est la même date de sortie en Algérie.
-Idir, le Kabyle universel, a choisi Adrar Inu, (Ma montagne), comme titre de l’album. C’est une référence à ces racines et à ces valeurs que vous avez toujours défendues. Etes-vous conscient d’en être devenu l’un des porte-drapeau à travers le monde ?
Mon Dieu ! Question difficile ! (rires). Si je suis venu à la chanson, c’est parce que j’étais un enfant révolté, dans une Algérie championne du non-alignement, phare du tiers-monde, la mecque des révolutionnaires dans les années 1970, autant l’Algérie prônait les droits des peuples, autant on était brimés dans notre identité parce que nous, dans notre culture maternelle, on ne se sentait pas représentés. En ce qui me concerne, je me rappelle, je devais expliquer à ma mère ce qu’on disait au journal télévisé en arabe pour qu’elle sache ce qui se passait dans son propre pays.
Ce qui était quand même un comble pour des gens qui avaient participé au combat libérateur de leurs pays. Il y avait donc un sentiment de révolte, et ce sentiment-là moi je l’ai exprimé à travers la chanson. J’ai toujours été attaché à cette revendication légitime de la reconnaissance de notre identité. Mais je ne la revendique pas comme une identité gelée, je la vis, elle est en moi et il faut convaincre les autres qu’elle doit être reconnue parce qu’elle fait partie intégrante du territoire sur lequel on vit.
Quand je suis arrivé en France dans les années 1970, j’ai continué à vivre ma culture au sein de ma famille, de mon foyer, parce que je ne peux pas vivre autrement. Je ne savais pas faire autrement. Quant à être représentant d’une culture, c’est difficile…
-C’est un fardeau trop lourd à porter ?
Oui, ce serait trop lourd à porter, car il faudrait contenter tout le monde. Malgré ma maigre discographie, je suis arrivé à vivre de mon métier sans être ni riche ni pauvre. Je ne pourrai donc pas représenter des gens qui ne vivent pas dans les mêmes conditions que moi, mais je suis content de voir qu’il y a des gens avec lesquels j’ai fait un bout de chemin et avec lesquels je partage des idées, et là il n’y a aucun problème. Chaque fois qu’il s’est agi de faire quelque chose, gala de soutien ou autre, on l’a fait selon nos modestes moyens.
-Depuis des années, vous vous êtes produit partout dans le monde sauf dans cette Algérie, et surtout dans cette Kabylie que vous semblez encore porter viscéralement en vous. Quelles sont les raisons de cette absence ? Peut-on espérer un jour voir Idir sur scène en Algérie ?
Bien sûr que je viendrai. Par le passé, on avait un contexte particulier, notamment dans les années 1990. Que pouvais-je apporter, moi qui ne suis que chanteur, dans un terrible contexte comme celui des années 1990 ? dans les années 1980, je devais faire une tournée en Kabylie. On devait se produire à la maison de la culture de Tizi Ouzou, puis on nous a proposé le stade Oukil Ramdane, vu le nombre de personnes qui venaient acheter leur billet, et comme il y avait des travaux au stade, j’avais compris que ce n’était pas tout à fait possible malgré la bonne volonté et les bonnes intentions des uns et des autres.
Par la suite, l’Algérie s’est libéralisée, on partait chanter sous l’égide de x ou y, mais, personnellement, je ne pouvais pas me permettre de ne pas être libre de toute chapelle. Parce qu' être dans la ligne d’un clan, d’un parti ou d’une chapelle, revenait à aliéner sa liberté de parole et de pensée. Donc, voilà, je n’ai absolument aucun a priori. Je vais chanter partout dans le monde et à plus forte raison dans mon propre pays.
-Donc, on pourrait bientôt vous voir sur scène ici en Algérie…
Bien sûr. Il n’y a aucun problème. Pas de souci.
-Si on revenait un petit peu en arrière, au début des années 1970, c’était encore le moyen-âge musical en Algérie, et un certain Idir arrive comme un ovni, avec des sonorités et une approche nouvelles. Quel a donc été le cheminement qui a produit Idir ?
Le cheminement est venu par ce contexte que je viens d’évoquer. On était fier, on recevait Fidel Castro, Che Guevara, on était porté par le vent de l’histoire, mais d’un autre côté, notre culture maternelle n’avait aucune existence légale alors qu’elle devait venir en premier. Dans les années 50', il y a eu une tentative de faire de la musique ouverte. Les gens faisaient du jazz, c’était l’époque des rythmes exotiques, rumba..., ils étaient beaucoup plus avancés que dans les années qui ont suivi.
Donc, à l’époque, on pouvait avoir tout un orchestre, des violons, un piano, des guitares, mais tout cela était horizontal parce que tout le monde faisait exactement la même chose, et tout le monde suivait la voie en un truc linéaire, du début de la chanson jusqu’à la fin. Par la suite, Cherif Kheddam a apporté une autre approche de la musique, avec des répliques, des tons, etc. Nous on a été élevés au biberon de la folk song des années 70'. C’était l’époque de Cat Stevens, Joan Baez qui est d’ailleurs venue en Algérie, Simon and Garfunkel, Moustaki, etc.
-Qu’est-ce que vous a apporté cette nouvelle époque et cette nouvelle culture musicale ?
Une nouvelle manière de concevoir une chanson avec une guitare au lieu des 25 ou 30 instruments. Avec une guitare et des arpèges qui soutiennent plus verticalement cette fois-ci parce qu’il y a une basse, etc. Donc, il suffisait simplement d’accorder la voix à la guitare, puis c’était bon. Moi, je suis arrivé avec ma première chanson, Arsed Ayidhass, et l’astuce que j’avais trouvée était qu’au lieu de faire une rythmique française ou anglaise, je jouais de la guitare comme si je jouais du bendir, donc il y avait une harmonie, plus un rythme. Avec Avava Inouva, il y avait une voix de fille, une voix de garçon et deux guitares et ça remplissait complètement le paysage musical et mélodique. Elle se suffisait à elle-même parce qu'en plus des arpèges, le solo faisait la mélodie. C’était amplement suffisant en termes de qualité et de quantité. Donc, il y a avait un changement. Et ce contexte dans lequel j’étais m’a aidé énormément.
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