Naissance de la chanson paillarde et subversive en Algérie
Lvachir Vouchlaghem (Lvachir aux longues moustaches), tel est le pseudonyme de celui dont les chansons circulent actuellement, en toute clandestinité, parmi les Kabyles d'Algérie et de France. Evidemment, pour les écouter, il ne faut pas les chercher dans les librairies, mais sur la toile (voici son site).
Pourquoi un tel mystère ?
C'est très simple : Lvachir est le premier chanteur kabyle qu'on ne peut véritablement pas écouter, dans l'état actuel des consciences, avec sa mère ou sa soeur. La propension de gros mots, tout crus, qu'il lâche par phrase en font un cas à part dans la création artistique algérienne contemporaine. Mais surtout, au niveau symbolique, Lvachir représente sans aucun doute le plus grand attentat jamais organisé contre la morale kabyle conventionnelle. La morale (dite islamique, conservatrice ou ancestrale) qui étouffe cette région est sensiblement la même pour tout le Maghreb. C'est pourquoi j'ai pris le parti de traduire en français ce poète grivois qui ne cache pas sa volonté de briser les chaînes qui entravent le plaisir et de changer un ordre social entièrement bâti sur la négation de la sexualité des vivants. Mieux encore, Lvachir ne lâche pas de simples propos crus pour déplaire. Au contraire, tout en renfermant un subtil travail musical, ses chansons, à l’instar de Sawt Ennissa (traduite ci-dessous sous le titre La révolution des femmes), sont souvent animées par une véritable pensée politique subversive. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons vivement qu’il publie son album. En attendant, savourons sa musique et écoutons ses textes ! (même en traduction).
La révolution des femmes
(Saout ennissa)
[Youyous]
Voici les femmes, telles des ogresses
Qui affluent des montagnes
Cuisses et sein nus
Elles ne viennent pas pour cueillir des fèves
Elles [crient et] jurent par ce qu'elles ont enduré
Par les quantités d'eau qu'elles ont puisées
Par les coups qu'elles ont reçus
Qu'elles briseront les chaînes
Celui qui a un coeur sombre
Crains que ce ne soit pas une partie de plaisir
Celui qui a un coeur sombre
Crains l’embrasement pour cette fois
« Allez vous faire foutre avec votre honneur
Oh vous les dominateurs arrogants
Vous nous avez exclues de l'Assemblée [de village]
Et vous nous avez condamnées à la procréation et aux travaux de lavage
La membrane que nous portons entre nos jambes
Vous en avez fait votre honneur
Si la nuit [de noces] il arrive que son sang ne coule pas
Vous restituez la marchandise à son propriétaire »
[Refrain]
Celui qui a un coeur sombre
Crains que ce ne soit pas une partie de plaisir
Celui qui a un coeur sombre
Crains l’embrasement pour cette fois
[Une femme:] « Ceci est ma vie ô père
J'en fais ce que je veux
Tel est mon plaisir, monsieur Tout-le-monde
Celui qui n'est pas content qu'il aille au diable
Regardez braves gens, vous m'aviez injustement traitée, sans craindre Dieu
Aujourd'hui, c'est fini
Je n'accepte personne comme Maître
Laissez moi à mon chemin, celui qui ose se mettre en travers
Moi je cogne
Je cogne, je sème le désordre »
Tel est le chant de celles qui étaient accablées et réduites au silence
« Aujourd'hui nous nous retirons dans les montagnes,
Sachez que ce n'est pas pour nous cacher
Mais pour rester entre femmes [et vous laisser tout seuls]
Et si le désir du sang [de la vierge] vous prenait
Enculez-vous entre vous ! »
[Refrain]
Celui qui a un coeur sombre
Crains que ce ne soit pas une partie de plaisir
Celui qui a un coeur sombre
Crains l’embrasement pour cette fois
[Refrain x 3]
Ca va s’embraser cette fois
Ce ne sera pas une partie de plaisir
Lvachir Vouchlaghem
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