"Publish or perish." Publier ou mourir. La règle impitoyable qui s'applique aux chercheurs, évalués à l'aune du nombre d'articles acceptés par des revues spécialisées, constitue-t-elle un pousse-au-crime ? C'est ce que tend à montrer une enquête sur le plagiat scientifique, relatée dans l'édition du jeudi 24 janvier de l'une des plus éminentes de ces revues, Nature.
Le délit n'est pas toujours facile à établir. Car la ligne blanche qui, dans toute littérature, scientifique ou non, sépare le simple emprunt du pillage éhonté, n'est pas clairement tracée. Reprendre - en citant ses sources - des données déjà publiées, mettre à jour un article à la lumière de nouveaux résultats, ou encore le traduire - en mentionnant l'original - dans une autre langue, n'a rien de répréhensible.
Il n'en va pas de même lorsque l'auteur copie le travail d'un confrère sans lui apporter la moindre plus-value, se démarque lui-même ou fait paraître un même texte dans plusieurs journaux. Une pratique d'autant plus condamnable que, s'agissant de comptes rendus d'essais cliniques, par exemple, la duplication a pour effet de leur donner un crédit indu.
Pour mesurer la fréquence de ces indélicatesses, deux chercheurs du Southwestern Medical Center de l'université du Texas, Mounir Errami et Harold Garner, ont ausculté une base documentaire médicale américaine - Medline - où sont indexés, avec des résumés, 17 millions d'articles publiés dans plus de 5 000 revues de quelque 80 pays.
DOUBLONS MIS EN LIGNE
Ils l'ont passée au crible d'un moteur de recherche, eTBLAST, capable de repérer les "similitudes". En se focalisant sur les 7 millions d'articles les plus cités, ils ont repéré un peu plus de 70 000 cas de "haute ressemblance". Ce qui, compte tenu des limites du logiciel, leur fait estimer le nombre de plagiats à plus de 200 000, sur les 17 millions d'articles référencés. Pas loin de 3 % !
Un examen chronologique, sur les trente dernières années, montre que ces manquements à la déontologie augmentent au même rythme que le nombre total de publications. Le volume croissant de ces dernières rendant plus faible le risque, pour les copistes en mal d'inspiration, d'être démasqués.
Les 70 000 articles suspectés d'être des doublons ont été mis en ligne, au vu et su de la communauté scientifique
(http://spore.swmed.edu/dejavu). Huit pays - Allemagne, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni -, qui totalisent 75 % des citations de Medline, sont aussi les principaux pourvoyeurs de copistes.
Pour deux d'entre eux, la Chine et le Japon, la proportion de plagiats est environ deux fois supérieure à leur contribution à la base documentaire. Ce que les auteurs, diplomates, justifient par de possibles "différences culturelles et éthiques".
La meilleure parade, suggèrent-ils, serait que les éditeurs se dotent de moteurs de détection automatique des contrefaçons. La crainte d'être couverts d'opprobre par leurs pairs dissuaderait alors les imitateurs, à l'exception "des plus déterminés et des plus habiles" d'entre eux.
- Le Monde
Le délit n'est pas toujours facile à établir. Car la ligne blanche qui, dans toute littérature, scientifique ou non, sépare le simple emprunt du pillage éhonté, n'est pas clairement tracée. Reprendre - en citant ses sources - des données déjà publiées, mettre à jour un article à la lumière de nouveaux résultats, ou encore le traduire - en mentionnant l'original - dans une autre langue, n'a rien de répréhensible.
Il n'en va pas de même lorsque l'auteur copie le travail d'un confrère sans lui apporter la moindre plus-value, se démarque lui-même ou fait paraître un même texte dans plusieurs journaux. Une pratique d'autant plus condamnable que, s'agissant de comptes rendus d'essais cliniques, par exemple, la duplication a pour effet de leur donner un crédit indu.
Pour mesurer la fréquence de ces indélicatesses, deux chercheurs du Southwestern Medical Center de l'université du Texas, Mounir Errami et Harold Garner, ont ausculté une base documentaire médicale américaine - Medline - où sont indexés, avec des résumés, 17 millions d'articles publiés dans plus de 5 000 revues de quelque 80 pays.
DOUBLONS MIS EN LIGNE
Ils l'ont passée au crible d'un moteur de recherche, eTBLAST, capable de repérer les "similitudes". En se focalisant sur les 7 millions d'articles les plus cités, ils ont repéré un peu plus de 70 000 cas de "haute ressemblance". Ce qui, compte tenu des limites du logiciel, leur fait estimer le nombre de plagiats à plus de 200 000, sur les 17 millions d'articles référencés. Pas loin de 3 % !
Un examen chronologique, sur les trente dernières années, montre que ces manquements à la déontologie augmentent au même rythme que le nombre total de publications. Le volume croissant de ces dernières rendant plus faible le risque, pour les copistes en mal d'inspiration, d'être démasqués.
Les 70 000 articles suspectés d'être des doublons ont été mis en ligne, au vu et su de la communauté scientifique
(http://spore.swmed.edu/dejavu). Huit pays - Allemagne, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni -, qui totalisent 75 % des citations de Medline, sont aussi les principaux pourvoyeurs de copistes.
Pour deux d'entre eux, la Chine et le Japon, la proportion de plagiats est environ deux fois supérieure à leur contribution à la base documentaire. Ce que les auteurs, diplomates, justifient par de possibles "différences culturelles et éthiques".
La meilleure parade, suggèrent-ils, serait que les éditeurs se dotent de moteurs de détection automatique des contrefaçons. La crainte d'être couverts d'opprobre par leurs pairs dissuaderait alors les imitateurs, à l'exception "des plus déterminés et des plus habiles" d'entre eux.
- Le Monde
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