Pour éviter la disparition de documents scientifiques sur le climat sous l'administration Trump, la résistance s’organise. Les scientifiques ont lancé l'opération de sauvetage #Data Refuge. Interview de Margaret Janz, de l’Université de Pennsylvanie.
A la minute où Donald Trump était investi 45e président des Etats-Unis le 20 janvier, le nouveau site de la Maison Blanche expurgeait le plan d'action de lutte contre le changement climatique (Climate Action Plan) mis en place par son prédécesseur, Barack Obama et promettait aux Américains d'"éliminer" ce plan "dangereux" et "inutile".
Cela fait plusieurs semaines que les scientifiques spécialistes du climat redoutaient cette attaque en règle de la part de la nouvelle administration Trump hostile à la lutte contre le changement climatique. Par peur de voir englouties des données climatiques accumulées pendant des décennies dès le 20 janvier 2017, des scientifiques ont donc anticipé et organisé un sauvetage à l'échelle du pays. L’Université de Pennsylvanie (Etats-Unis) a lancé une opération de sauvegarde des données, baptisée #DataRefuge. Tout scientifique se sentant concerné peut ainsi mettre à l’abri ses données dans des serveurs indépendants, internationaux. Margaret Janz, bibliothécaire chargée des données de l’Université de Pennsylvanie, répond à Sciences et Avenir
Sciences et Avenir : Le nouveau site de la Maison Blanche a effacé le plan d’action climat, le remplacement par un appel à l’éliminer. Est-ce le pire scénario qui se réalise pour vous ?
Margaret Janz : ce n'est certainement pas le scénario que nous voulions, mais le pire aurait été que toutes les données disparaissent la première journée. Nous espérons que notre travail de sauvegarde aidera - même si ce n'est qu'une petite goutte d'eau - à modérer les effets négatifs de l'intention de « tuer » le Plan d'action pour le changement climatique de la nouvelle administration.
Pourquoi protéger les données sur le climat ?
À chaque nouvelle administration présidentielle, les sites Web du gouvernement changent. Et l'Histoire récente des États-Unis fournit de multiples exemples de cas où l’accès public à des informations gouvernementales a été altéré. Les expériences canadiennes et australiennes ont illustré à quel point l'accès à l'information scientifique peut être réduit rapidement. En effet, leurs administrations réfutent le changement climatique et sont favorables au pétrole, au gaz et aux intérêts du charbon. En Australie, sous la bannière de Tony Abbott, le financement de la science a été considérablement réduit, certains programmes ont été éliminés complètement et le poste du ministre des Sciences a été aboli. Dans le cadre de l'administration Harper au Canada, de nouvelles règles ont été mises en place pour permettre aux scientifiques d'obtenir la permission de parler aux médias ou au public - processus qui a pris beaucoup de temps et qui a souvent été refusé. Le financement et les programmes ont été coupés, de nombreuses bibliothèques scientifiques gouvernementales ont été fermées.
Les données scientifiques seraient donc clairement menacées aux Etats-Unis ?
Pour administrer les principales agences fédérales qui recueillent et diffusent des données cruciales sur le climat et l'environnement, le président-élu Donald Trump a nommé des hommes niant les faits du changement climatique : Scott Pruitt pour l'EPA (Environmental Protection Agency), l’ancien gouverneur du Texas Rick Perry pour le ministère de l'Énergie. Ils ont dit pour l’essentiel qu’ils démontreraient leur pouvoir en démantelant des missions de base des organismes qu’ils doivent diriger. Ce qui rend plus probable l'hypothèse que les données publiques puissent être retirées.
N’êtes-vous pas paranoïaques ?
Les enjeux sont trop élevés et l'incertitude de la situation est tout simplement trop énorme. Nous sommes tous fermement convaincus qu’il vaut mieux prévenir que guérir et nous travaillons donc avec un large réseau de collaborateurs à essayer de préserver l'accessibilité, autant que possible, des données climatiques et environnementales existantes. C'est l'objectif de #DataRefuge, un projet dont le but est de s'assurer que les données aient un abri.
Quelle est votre stratégie ?
Nous nous sommes engagés à utiliser un modèle décentralisé dans lequel les données recueillies migreront dans des serveurs situés dans de nombreux endroits aux États-Unis et à l'étranger. Nous nous inspirons du projet indépendant End of Term Harvest (La récolte de fin de mandat) qui sauvegarde des données des sites web gouvernementaux lors des passations de pouvoir présidentiel, qui utilise déjà un processus sécurisé très fiable.
Nous organisons des évènements "DataRescue" où nous identifions et sauvegardons les données. Depuis le 18 janvier, ces événements ont alimenté 7229 sites Web dans les archives Internet, capturé plus d'1,5 téraoctet de données et identifié 1259 jeux de données ciblées à récupérer. Ceci ne comprend pas le travail qui a été fait à l'événement LA DataRescue qui a eu lieu le 20 Janvier ou l'événement Indianapolis DataRescue qui a eu lieu le 19 Janvier.De nouveaux évènements Data Rescue ont été programmés Ann Arbor (Jan. 27-28) and New York City (Feb 4).On peut trouver toutes les informations sur le blog de la PPEH
Qui a répondu à votre appel jusqu’à présent ?
Nous avons eu des centaines d’offres d’aide et de soutien. Pas seulement des scientifiques du climat mais aussi des sciences humaines, des bibliothécaires, archivistes, des informaticiens et d’autres, et aussi du secteur privé.
Elena Sender - Sciences et avenir
A la minute où Donald Trump était investi 45e président des Etats-Unis le 20 janvier, le nouveau site de la Maison Blanche expurgeait le plan d'action de lutte contre le changement climatique (Climate Action Plan) mis en place par son prédécesseur, Barack Obama et promettait aux Américains d'"éliminer" ce plan "dangereux" et "inutile".
Cela fait plusieurs semaines que les scientifiques spécialistes du climat redoutaient cette attaque en règle de la part de la nouvelle administration Trump hostile à la lutte contre le changement climatique. Par peur de voir englouties des données climatiques accumulées pendant des décennies dès le 20 janvier 2017, des scientifiques ont donc anticipé et organisé un sauvetage à l'échelle du pays. L’Université de Pennsylvanie (Etats-Unis) a lancé une opération de sauvegarde des données, baptisée #DataRefuge. Tout scientifique se sentant concerné peut ainsi mettre à l’abri ses données dans des serveurs indépendants, internationaux. Margaret Janz, bibliothécaire chargée des données de l’Université de Pennsylvanie, répond à Sciences et Avenir
Sciences et Avenir : Le nouveau site de la Maison Blanche a effacé le plan d’action climat, le remplacement par un appel à l’éliminer. Est-ce le pire scénario qui se réalise pour vous ?
Margaret Janz : ce n'est certainement pas le scénario que nous voulions, mais le pire aurait été que toutes les données disparaissent la première journée. Nous espérons que notre travail de sauvegarde aidera - même si ce n'est qu'une petite goutte d'eau - à modérer les effets négatifs de l'intention de « tuer » le Plan d'action pour le changement climatique de la nouvelle administration.
Pourquoi protéger les données sur le climat ?
À chaque nouvelle administration présidentielle, les sites Web du gouvernement changent. Et l'Histoire récente des États-Unis fournit de multiples exemples de cas où l’accès public à des informations gouvernementales a été altéré. Les expériences canadiennes et australiennes ont illustré à quel point l'accès à l'information scientifique peut être réduit rapidement. En effet, leurs administrations réfutent le changement climatique et sont favorables au pétrole, au gaz et aux intérêts du charbon. En Australie, sous la bannière de Tony Abbott, le financement de la science a été considérablement réduit, certains programmes ont été éliminés complètement et le poste du ministre des Sciences a été aboli. Dans le cadre de l'administration Harper au Canada, de nouvelles règles ont été mises en place pour permettre aux scientifiques d'obtenir la permission de parler aux médias ou au public - processus qui a pris beaucoup de temps et qui a souvent été refusé. Le financement et les programmes ont été coupés, de nombreuses bibliothèques scientifiques gouvernementales ont été fermées.
Les données scientifiques seraient donc clairement menacées aux Etats-Unis ?
Pour administrer les principales agences fédérales qui recueillent et diffusent des données cruciales sur le climat et l'environnement, le président-élu Donald Trump a nommé des hommes niant les faits du changement climatique : Scott Pruitt pour l'EPA (Environmental Protection Agency), l’ancien gouverneur du Texas Rick Perry pour le ministère de l'Énergie. Ils ont dit pour l’essentiel qu’ils démontreraient leur pouvoir en démantelant des missions de base des organismes qu’ils doivent diriger. Ce qui rend plus probable l'hypothèse que les données publiques puissent être retirées.
N’êtes-vous pas paranoïaques ?
Les enjeux sont trop élevés et l'incertitude de la situation est tout simplement trop énorme. Nous sommes tous fermement convaincus qu’il vaut mieux prévenir que guérir et nous travaillons donc avec un large réseau de collaborateurs à essayer de préserver l'accessibilité, autant que possible, des données climatiques et environnementales existantes. C'est l'objectif de #DataRefuge, un projet dont le but est de s'assurer que les données aient un abri.
Quelle est votre stratégie ?
Nous nous sommes engagés à utiliser un modèle décentralisé dans lequel les données recueillies migreront dans des serveurs situés dans de nombreux endroits aux États-Unis et à l'étranger. Nous nous inspirons du projet indépendant End of Term Harvest (La récolte de fin de mandat) qui sauvegarde des données des sites web gouvernementaux lors des passations de pouvoir présidentiel, qui utilise déjà un processus sécurisé très fiable.
Nous organisons des évènements "DataRescue" où nous identifions et sauvegardons les données. Depuis le 18 janvier, ces événements ont alimenté 7229 sites Web dans les archives Internet, capturé plus d'1,5 téraoctet de données et identifié 1259 jeux de données ciblées à récupérer. Ceci ne comprend pas le travail qui a été fait à l'événement LA DataRescue qui a eu lieu le 20 Janvier ou l'événement Indianapolis DataRescue qui a eu lieu le 19 Janvier.De nouveaux évènements Data Rescue ont été programmés Ann Arbor (Jan. 27-28) and New York City (Feb 4).On peut trouver toutes les informations sur le blog de la PPEH
Qui a répondu à votre appel jusqu’à présent ?
Nous avons eu des centaines d’offres d’aide et de soutien. Pas seulement des scientifiques du climat mais aussi des sciences humaines, des bibliothécaires, archivistes, des informaticiens et d’autres, et aussi du secteur privé.
Elena Sender - Sciences et avenir