Manquant de plus en plus de main-d'oeuvre, les fermiers nippons ont recours à de gros drones Yamaha pour traiter leurs rizières et leurs champs de blé.
Si Uber régale, cet été, les médias avec des opérations marketing de livraison de crèmes glacées par drone dans la marina de Singapour et si Amazon promet d'éventuelles distributions de colis par drone dans un futur proche, un seul secteur économique a déjà vraiment intégré, depuis des années, les petits aéronefs télécommandés dans son équilibre économique : c'est le monde agricole. « Le marché de l'usage commercial de drones va croître jusqu'à 1,7 milliard de dollars en 2025, porté par plusieurs applications, spécialement dans l'agriculture », prédisent les analystes de Lux Research.
Particulièrement à la pointe sur cette innovation, le Japon a commencé ses recherches dans le secteur dès 1983, lorsque le gouvernement nippon a demandé à Yamaha Motor de concevoir un appareil capable de pulvériser les champs sans pilote embarqué et de se substituer ainsi aux campagnes d'épandage de pesticides par avion ou hélicoptère, que les populations vivant près des zones traitées avaient de plus en plus de mal à tolérer. Six ans plus tard, le R-50 était lancé. Le petit hélicoptère télécommandé, de 3,6 mètres de long, pouvait emporter 20 kilos de produit et traiter un champ de riz en quinze fois moins de temps qu'une équipe humaine.
Pallier le manque de bras
Depuis, ses successeurs - le Rmax, qui peut emporter 28 kilos de charge et voler plus de 45 minutes, et le plus récent, le Fazer - se sont imposés sur des centaines d'exploitations du pays produisant du riz, des pommes de terre ou encore du blé. « 2.700 drones Yamaha sont actuellement en service dans le pays et l'on estime que 36 % des rizières du Japon sont désormais pulvérisées par nos engins », explique Ryoko Ota, de Yamaha Motor.
Confrontées, comme le reste du pays, à un effondrement démographique précipité, les campagnes ont vu dans cette technologie une occasion inespérée de compenser le manque de main-d'oeuvre et de limiter les travaux agricoles les plus pénibles pour les paysans, dont la moyenne d'âge est désormais de soixante-six ans dans l'Archipel.
Avant de pouvoir traiter leurs récoltes ou ensemencer avec leurs drones, qui, tout équipés, coûtent environ 13 millions de yens (95.000 euros), les fermiers doivent suivre les cours de la Sky Tech Academy de Yamaha, qui proposent une formation théorique, du « vol » en simulateur puis deux semaines d'entraînement sur les appareils en compagnie d'un moniteur.
Misant sur cette technologie, les agronomes commencent, eux, à équiper différents types de drones de capteurs et de caméras pour améliorer les rendements agricoles des exploitations du pays. « Nous faisons voler chaque jour, au-dessus d'un même point, un drone pour obtenir des images en couleurs ou en infrarouge des canopées afin d'adapter ensuite les quantités d'engrais ou d'eau nécessaires à chaque zone d'une même parcelle », explique Masayuki Hirafuji, du Naro, un institut de recherche agricole basé à Hokkaido.
Poussés par leur gouvernement, les acteurs nippons tentent maintenant d'imposer leurs solutions à l'international. Ayant déjà vendu ses aéronefs en Australie ou encore en Corée du Sud, Yamaha vient enfin d'obtenir, en mai dernier, de l'Administration fédérale de l'aviation (FAA) le droit d'exploiter ses drones agricoles aux Etats-Unis, où il espère une envolée rapide de ses ventes. Le groupe assure que le Fazer serait l'appareil idéal pour traiter les vignes américaines et françaises, quelque peu vallonnées.
Yann Rousseau, Les Echos