La Chine est devenue un acteur majeur et incontournable du cyberespace, avec une volonté claire d’exister, de développer ses outils stratégiques et de ne pas dépendre technologiquement d’autres nations pour maîtriser au mieux l’information stratégique. Bien que le régime ait développé d’importantes cybercapacités, elles semblent moins centralisées, coordonnées et maîtrisées que ce que les discours sur la menace chinoise laissent à croire. Dans le brouillard juridico-stratégique du cyberespace, la Chine pousse cependant son avantage en menant des offensives de basse intensité et une politique de renseignement et d’influence qui témoigne de sa volonté de fomenter les outils de sa puissance et de se positionner comme un acteur avec lequel il faudra compter.
A l’heure où les grandes puissances occidentales multiplient les initiatives et les investissements pour développer une stratégie cohérente face aux cybermenaces, la Chine fait paradoxalement figure de leader. Sa capacité à intégrer la dimension cyber dans tous les domaines stratégiques de sa montée en puissance - aussi bien militaire, que politique ou économique - impressionne, inquiète et suscite en réaction de vifs débats qui révèlent les contradictions et les fragmentations de la réflexion stratégique occidentale, dans un contexte de tensions géopolitiques qui rappelle le temps de la guerre froide.
Partie tardivement dans la course au développement de l’Internet, la Chine a en effet compensé son handicap technologique par le développement rapide d’une stratégie compréhensive qui s’appuie sur les principes de l’art ancestral de la guerre, notamment la volonté de développer une supériorité informationnelle aussi bien offensive que défensive.
L’élaboration de la cyberstratégie de la Chine
Sur le plan intérieur, le régime s’est montré particulièrement créatif en matière de censure et de propagande, usant d’un savant alliage de technologie de pointe, de pratiques éprouvées d’oppression politique (intimidation, collaboration forcée, délation, surveillance, répression), d’un arsenal juridique et d’offensives de communication pour museler l’opposition collective et contrôler le contenu.
L’impératif de survie du régime autoritaire a stimulé la réflexion stratégique des dirigeants en la matière. D’entrée, le gouvernement a pris le contrôle de la distribution de la connectivité et par la force d’attractivité de sa croissance économique, a contraint les entreprises américaines à développer la technologie de filtrage permettant de contrôler l’information en circulation, construisant ainsi une véritable muraille du Net autour du pays. La Chine s’est dotée d’une patrouille de l’Internet, a contraint les fournisseurs d’accès à fournir les coordonnées des utilisateurs, a fermé des cybercafés dans l’irrégularité par centaines et s’est donné les moyens de couper ou ralentir le trafic vers les serveurs politiquement incorrects, dont le célèbre Google.
Aussi sophistiquée soient-elles, les méthodes n’ont pas résisté à la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs, passé de 137 à 538 millions en 6 ans. Mais là encore le régime n’a cessé de s’adapter. Une étude récente [1] montre que désormais, la stratégie de censure ne vise plus à empêcher l’opposition de critiquer le parti et ses dirigeants, y compris de façon virulente, mais à l’empêcher de s’organiser collectivement. Le régime est ainsi capable de trouver, analyser et tout simplement supprimer de l’Internet les propos qui représentent, renforcent ou encouragent la mobilisation ciale. Sa cohésion interne est aussi un enjeu pour son existence sur la scène internationale. Elle a également su soumettre les acteurs internationaux (notamment américains) à ses velléités de contrôle. On se souvient du bras de fer avec Google en 2010 suite à des intrusions répétées sur des messageries Gmail de dissidents chinois.
Face à la supériorité militaire des Etats-Unis, le régime a choisi l’approche asymétrique, menant une offensive tous azimuts visant à exploiter toutes les ressources du cyberespace, dans une optique de modernisation de son armée. Elle vise à recueillir, par des voies légales ou illégales, de l’information de haut niveau scientifique, technologique, économique mais aussi politique et stratégique (veille, intelligence, intrusions, espionnage).
Le maître mot est « informationisation », une conception stratégique de l’information qui se trouve désormais au cœur de tous les supports de l’expression de la puissance chinoise. La maîtrise de l’information est devenue prioritaire et indissociable de tous les autres domaines, aussi bien militaires que politiques ou économiques. Avoir la capacité de recueillir par de multiples sources, recouper, vérifier l’information pour s’assurer de sa fiabilité, mais aussi de la manipuler, la déformer, la transformer pour tromper ou faire douter l’adversaire, autant de techniques ancestrales qui avec l’interconnexion croissante des réseaux et la rapidité de circulation de l’information des prennent des proportions inédites. Les opérations sur les réseaux d’information et de communication sont désormais indissociables de tout conflit et de toute opération militaire. Cette stratégie explicitée dans l’ouvrage Unrestricted Warfare (la guerre sans limite) de deux anciens colonels de l’Armée de
Libération Populaire, Qiao Liang and Wang Xiangsui, publié en anglais en 1999, a renforcé les inquiétudes sur les cybercapacités de la Chine.
A l’heure où les grandes puissances occidentales multiplient les initiatives et les investissements pour développer une stratégie cohérente face aux cybermenaces, la Chine fait paradoxalement figure de leader. Sa capacité à intégrer la dimension cyber dans tous les domaines stratégiques de sa montée en puissance - aussi bien militaire, que politique ou économique - impressionne, inquiète et suscite en réaction de vifs débats qui révèlent les contradictions et les fragmentations de la réflexion stratégique occidentale, dans un contexte de tensions géopolitiques qui rappelle le temps de la guerre froide.
Partie tardivement dans la course au développement de l’Internet, la Chine a en effet compensé son handicap technologique par le développement rapide d’une stratégie compréhensive qui s’appuie sur les principes de l’art ancestral de la guerre, notamment la volonté de développer une supériorité informationnelle aussi bien offensive que défensive.
L’élaboration de la cyberstratégie de la Chine
Sur le plan intérieur, le régime s’est montré particulièrement créatif en matière de censure et de propagande, usant d’un savant alliage de technologie de pointe, de pratiques éprouvées d’oppression politique (intimidation, collaboration forcée, délation, surveillance, répression), d’un arsenal juridique et d’offensives de communication pour museler l’opposition collective et contrôler le contenu.
L’impératif de survie du régime autoritaire a stimulé la réflexion stratégique des dirigeants en la matière. D’entrée, le gouvernement a pris le contrôle de la distribution de la connectivité et par la force d’attractivité de sa croissance économique, a contraint les entreprises américaines à développer la technologie de filtrage permettant de contrôler l’information en circulation, construisant ainsi une véritable muraille du Net autour du pays. La Chine s’est dotée d’une patrouille de l’Internet, a contraint les fournisseurs d’accès à fournir les coordonnées des utilisateurs, a fermé des cybercafés dans l’irrégularité par centaines et s’est donné les moyens de couper ou ralentir le trafic vers les serveurs politiquement incorrects, dont le célèbre Google.
Aussi sophistiquée soient-elles, les méthodes n’ont pas résisté à la croissance exponentielle du nombre d’utilisateurs, passé de 137 à 538 millions en 6 ans. Mais là encore le régime n’a cessé de s’adapter. Une étude récente [1] montre que désormais, la stratégie de censure ne vise plus à empêcher l’opposition de critiquer le parti et ses dirigeants, y compris de façon virulente, mais à l’empêcher de s’organiser collectivement. Le régime est ainsi capable de trouver, analyser et tout simplement supprimer de l’Internet les propos qui représentent, renforcent ou encouragent la mobilisation ciale. Sa cohésion interne est aussi un enjeu pour son existence sur la scène internationale. Elle a également su soumettre les acteurs internationaux (notamment américains) à ses velléités de contrôle. On se souvient du bras de fer avec Google en 2010 suite à des intrusions répétées sur des messageries Gmail de dissidents chinois.
Face à la supériorité militaire des Etats-Unis, le régime a choisi l’approche asymétrique, menant une offensive tous azimuts visant à exploiter toutes les ressources du cyberespace, dans une optique de modernisation de son armée. Elle vise à recueillir, par des voies légales ou illégales, de l’information de haut niveau scientifique, technologique, économique mais aussi politique et stratégique (veille, intelligence, intrusions, espionnage).
Le maître mot est « informationisation », une conception stratégique de l’information qui se trouve désormais au cœur de tous les supports de l’expression de la puissance chinoise. La maîtrise de l’information est devenue prioritaire et indissociable de tous les autres domaines, aussi bien militaires que politiques ou économiques. Avoir la capacité de recueillir par de multiples sources, recouper, vérifier l’information pour s’assurer de sa fiabilité, mais aussi de la manipuler, la déformer, la transformer pour tromper ou faire douter l’adversaire, autant de techniques ancestrales qui avec l’interconnexion croissante des réseaux et la rapidité de circulation de l’information des prennent des proportions inédites. Les opérations sur les réseaux d’information et de communication sont désormais indissociables de tout conflit et de toute opération militaire. Cette stratégie explicitée dans l’ouvrage Unrestricted Warfare (la guerre sans limite) de deux anciens colonels de l’Armée de
Libération Populaire, Qiao Liang and Wang Xiangsui, publié en anglais en 1999, a renforcé les inquiétudes sur les cybercapacités de la Chine.
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