Pour l’esprit populaire fertile, les sources minérales sont toutes entourées de légendes mystérieuses. Dans ces récits, souvent fantastiques, interviennent toujours des djinns et des marabouts. Nous vous proposons, ici, une série de ces légendes qui entourent la création de certains hammams et sources en Algérie. Elles font partie du patrimoine national et de la mémoire collective.
La légende de Hammam Melouane Hammam Melouane se trouve à moins de dix kilomètres, vers le sud, de Bougara (ex-Rovigo), dans la wilaya de Blida. Ses eaux chlorées et sodées sont toutes désignées pour traiter les rhumatismes, les algies articulaires, les anciens ulcères, les métrites et… la stérilité. Mais laissons le côté scientifique et curatif du site et interrogeons la mémoire collective sur l’origine de ce hammam. C’était pendant l’époque ottomane ; le bey, qui régnait sur la région, était riche et puissant.
En ces temps-là, la richesse et la puissance étaient deux sœurs jumelles inséparables. Celui qui accédait à l’une avait automatiquement les faveurs de l’autre. Notre bey, en plus de ces deux qualités, avait su acquérir et mériter l’estime de ses administrés. Mais la perfection n’étant pas de ce monde, il avait une fille d’une beauté rare, d’une grâce inégalable qui faisait la fierté de son père et... son malheur à la fois. Elle était clouée au lit par des rhumatismes aigus. Le bey promit une forte récompense à celui qui guérirait son enfant chérie. Les médecins les plus éminents du pays essayèrent de remettre la fillette sur pied, en vain.
La médecine connaissait à cette époque-là quelques carences et les maladies, qui nous paraissent aujourd’hui faciles à traiter, causaient des ravages dans les villages, aidées par la misère et l’ignorance. Les guérisseurs et les charlatans tentèrent leur chance eux aussi. La jeune fille ne ressentait aucune amélioration et son rhumatisme, comme contrarié par tant d’entêtement, se faisait de plus en plus insupportable.
Le bey, affligé, était au bord du désespoir. Dans la région, il y avait une source naturelle, plutôt une sorte de puits fangeux où s’accumulaient les eaux minérales. Les gens venaient s’y baigner et on avait constaté, à plusieurs reprises, que certaines maladies disparaissaient après ces bains. La rumeur arriva jusqu’aux oreilles de ce père désespéré. Il accompagna en personne sa fille malade et lui fit prendre une série de bains dans cette source miraculeuse. La guérison fut immédiate. Les rhumatismes disparurent, et l’enfant, débarrassée de sa maladie entravante, se mit à courir, à jouer et à remplir de joie, de bonheur et de fierté le cœur de son père.
Reconnaissant, l’homme construisit une «kobba» près du puits, à l’endroit où était enterré Sidi Slimane, fondateur et protecteur de la source. Près de la source, il y avait des dépôts rouge-ocre. Pour les habitants de la région, ces dépôts avaient certainement une origine et une signification magiques, mais la légende ne retint que les miracles réalisés par cette eau aux vertus curatives. Pourquoi avoir alors cité ces dépôts multicolores ? Si la légende ne s’est pas trop attardée sur ce point, elle ne l’a pas tout à fait ignoré non plus, puisque ce site porte aujourd’hui le nom, ô combien évocateur, de Hammam Melouane (bain coloré).
La légende Hammam Bou Hanifia
La création de ce bain remonterait au temps des «foutouhate». L’armée arabe, qui avait pour mission de répandre la religion musulmane en Afrique et en Europe, venait de sillonner presque la totalité du sol de l’actuelle Algérie et devait se diriger après l’Afrique du Nord vers l’Espagne. Près de Mascara, elle se vit dans l’obligation de livrer une bataille sans merci aux autochtones. Les pertes furent importantes dans les deux camps. Dans l’armée musulmane, il y avait un guerrier, un saint homme nommé Bou Hanifia. Il voyait ses camarades tomber comme des mouches autour de lui. Il y avait partout, sur le champ de bataille, des blessés et des morts.
Les gémissements s’élevaient des corps encore en vie. Bou Hanifia, lui-même, était gravement atteint. Il leva les mains vers le ciel et, s’adressant au Créateur, dit : «O Dieu ! Le Miséricordieux! O Toi, Le Plus Clément parmi les cléments ! Aie pitié de ceux qui n’aspirent qu’à te servir ! Ecoute les souffrances de ces hommes qui, pour faire entendre Ta parole, n’ont pas hésité à affronter un ennemi plus important en nombre et un pays dont l’accès leur est difficile !» Bou Hanifia était encore à genoux, les paumes ouvertes et tournées vers le ciel, le regard enflammé et le corps tendu et offert à Dieu dans une sincère adoration, quand un événement inattendu, un miracle, eut lieu.
Le Seigneur et Maître du monde accéda aux prières pleines d’ardeur de cet homme pieux. Le cheval du général en chef frappa le sol de ses sabots à plusieurs reprises. Et l’on vit, avec stupeur, jaillir à cet endroit des sources chaudes. Bou Hanifia se prosterna à deux reprises, le front contre le sol, en signe de remerciement, puis, s’adressant à ses compagnons, il leur demanda d’appliquer cette eau chaude sur leurs blessures. Ils s’exécutèrent. L’effet fut instantané. Les hommes se relevèrent. Ils étaient tous guéris, seul le saint Bou Hanifia rendit l’âme, le sourire aux lèvres. Il fut rappelé à Dieu parmi les bienheureux.
Le chef militaire, très affligé par la mort de ce valeureux guerrier et cet homme hors du commun, ordonna qu’on l’enterrât à l’endroit-même où le miracle eut lieu. On construisit, ensuite, un village autour de ce tombeau et on lui donna le nom de Sidi Bou Hanifia. Les eaux chaudes de ce qui est aujourd’hui Hammam Bou Hanifia ont gardé leur réputation curative. Les gens viennent des quatre coins de l’Algérie pour puiser dans ces sources sacrées, la guérison et le repos. Et, après une série de bains dans ces ondes curatives, ils repartent, tel le chef militaire, en pleine forme.
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