L'Amour Dieu ou le Soufisme
Leïla Zouggari
"Quand l’homme et la femme deviennent un, tu es ce un. Quand les unités sont effacées, tu es cette unité. Tu as façonné ce “je” et ce “nous” afin de pouvoir jouer au jeu de l’adoration avec toi-même, afin que tous les “je”, les “tu” deviennent une seule âme, et soient à la fin submergés dans le Bien Aimé”.
Jalla eddine er Rûmi, le saint de Konya
Dans sa quête du « Bonheur » l’être humain n’épargnera aucun effort, il ira à la rencontre de ses semblables pour chercher l’autre dans le dessein de former un couple et de fonder une famille, il créera des cercles d’amitié pour échapper à sa solitude. Pour assouvir son intellect il ira à la conquête du savoir. Et pour son autosatisfaction il s’investira dans son travail ou il suivra ses instincts… La recherche du Bien Être est donc une ouverture. Cette expansion porte en elle-même le germe du divin qui signifie « ramener » l’être humain à sa source : « Dieu ».
L’Islam comme religion universelle, s’inscrivant dans la révélation abrahamique et prêchant un humanisme d’équité et de justice sociale est d’un culte aisé et adaptable à tout temps et à tout lieu, n’en déplaise aux sclérosés. Il serait une voie de transcendance, la voie d’accès au « Bonheur » ou le chemin du spirituel comme le spécifie le Coran : « Celui qui espère Dieu, le délai de la rencontre avec Dieu est imminent ». (S. L’araignée, V. 5)
Certes, pour un cartésien, ceci sous-entend la division de l’être humain entre ses désirs « réels » et son « imagination ». Mais le discursif n’a-t-il pas été remis en question par ses apôtres et dans son propre fief, les sciences dites exactes ? Ce qui renforce d’autant plus l’Islam, dans sa vision de complémentarité entre l’Objet et de l’Esprit ; une religion à dimension spirituelle dans le sens jungien du terme.
Dans cette quête de soi et de « Dieu », le soufisme, dans ses différentes pratiques de l’Union et de l’Amour, est une des multiples voies qu’offre l’Islam pour quiconque. L’ascension vers le divin et l’élévation à des degrés différents de « Savoir » n’est pas l’apanage de quelques élus mais à la portée de tout être humain doué de patience car nous portons tous en nous cette union tant désirée.
L’islam ou l’Universalité
Loin de se cantonner dans le cultuel pur, l’Islam se soucie de l’Intelligence du cœur et des élans de l’âme. Les pratiques religieuses de cette religion abrahamique sont une union du croyant avec lui-même et avec ses semblables pour se transcender vers Dieu. La prière est une médiation solitaire pour retrouver « Dieu » mais c’est aussi un acte social qui met l’être en relation avec « l’Inconscient social », comme le dit C.G. Jung, qui implique l’humanité entière. L’Islam ne s’apparente ni au capitalisme, ni au socialisme. Du premier, il condamne le gain et le profit au détriment du pauvre ; du second il surpasse la trilogie à savoir : l’assurance du minimum vital, le nivellement des classes et la sécurité du travail prolétaire.
La religion mohammedienne fait primer le social sur l’acte religieux même ; car elle défend les droits du citoyen quels que soient sa race, sa religion ou son sexe comme le confirme la parole du Prophète : (pbsl) « Si vous êtes juge de vos semblables, rendez justice en toute équité » et « Il n’y a pas de différence entre arabe et persan sauf en droiture et dans la profondeur de sa foi », comme d’ailleurs le proclame Zacharia : « Rendez des jugement de vérité... N’opprimez pas la veuve et l’orphelin l’étranger et le pauvre ». (Lévitique. Chapitre XIX)
L’Islam qui se proclame de l’universalisme abrahamique a toujours considéré comme frères les juifs et les chrétiens « Ahl Dhima » qu’il a protégés et s’il y a eu guerre contre les frères chrétiens au temps du Prophète, l’Histoire mentionne bien comment les chrétiens de la Syrie l’avait eux-mêmes déclarée en tuant ceux qui avaient opté pour la nouvelle religion. Le Coran dit : « Combattez dans le chemin de ceux qui vous combattent et n’agressez point », car il n’y a « pas de contrainte dans la religion ». (S. 11, V. 19)
L’Islam porte en lui-même son renouvellement grâce au large éventail de l’interprétation que lui confère le génie de la langue arabe et à ses optiques humanistes. Tous les apports des autres civilisations sont considérés comme un enrichissement car il n’y a pas de civilisation supérieure ni de civilisation inférieure d’où sa propagation spontanée que l’Histoire omet souvent de mentionner. De plus la majorité des peuples de confession musulmane n’est pas arabe mais plutôt asiatique, sans oublier que l’Islam est solidaire des autres religions du livre même s’il les contrecarre sur certains points comme la Trinité dans la religion chrétienne.
Moïse, Jésus et Mohammed, apôtres vénérés sont les promoteurs d’une pensée divine source du Bonheur humain. Mais les manipulations humaines ont faussé l’idéalisme suprême de ces religions révélées d’où sont découlées tant de périodes sombres.
L’Islam, cependant, demeure une éthique humaniste où la prise en compte du subjectif prime sur l’objectivisme actif de l’Occident.
L’Islam et la complémentarité
Le congrès tenu à Pékin sur les sciences avait déjà ébranlé l’antagonisme entre sujet et matière dans les sciences dites exactes. Dans le mode cartésien la réalité quotidienne est perçu en termes d’objets séparés, d’espace à trois dimensions et de temps linéaire contrairement à la vision islamique où le temps et l’espace sont transcendés dans une osmose de complémentarité de l’objet et de l’esprit.
Dans les sciences physiques le principe de complémentarité qui a été emprunté à la psychologie vient d’être introduit par Niels Bohr et W. Heisenberg, lequel a déclaré : « La limitation cartésienne a profondément pénétré l’esprit humain durant les trois siècles qui suivirent Descartes, et il faudra longtemps avant qu’elle ne soit remplacée par une attitude vraiment différente à l’égard du problème de la réalité. »
En effet, cette loi permet à l’être humain d’appréhender le paradoxal pour que l’imaginaire s’estompe afin de céder la place au réel : « Allah » pour le soufi ou « Dieu » pour tout adepte de la philosophie qui s’oppose au positivisme comme celle de Bergson. Avicenne et Ibn Arabi précisent que quand l’être humain, dans son élan vers Dieu, fera appel au sensuel en s’éloignant du discursif exagérément virtuel alors le voile se lèvera pour céder la passage du « Malkout » ou le royaume divin.
L’Amour et la Connaissance
Arrêtons nous un instant au mot Soufisme ou suffisme – qu’importe la transcription latine ou la prononciation de ce mot d’origine arabe – où la voyelle n’est pas discriminatoire.
« Attasaouf » est un nom passif celui qui subit l’action de « souf » la laine rude par opposition à la soie et au coton symbole d’opulence et de douceur. Le nom vient aussi de la référence commune à tout pratiquant de la « Tariqua » – la conduite, dont le Prophète qui était un soufi et s’habillait de souf pour s’isoler et méditer avant la révélation et qui l’est resté jusqu’à sa mort. Il a mené une vie de d’abstinence, de prière, de pureté et d’Amour pour ses femmes, son voisinage, ses semblables et Dieu. Il est considéré comme le premier maître de « Attasaouf ».
En effet le soufi se rend à Dieu dans un dépouillement total dégagé de toute velléité. Seuls, la Crainte de Dieu, le renoncement au monde, le jeûne, la prière et la veille nocturne caractérisent ces ascètes. C’est l’élan d’Amour vers le Créateur, cette soif absolue de l’amoureux transi pour l’objet de son amour – « Ach-chawq » le désir et le manque de « Huwa » « Lui » – qui est présent chez le soufi, et dont il désire « la Face de Dieu ». Tel est le premier pas sur le sentier sûfi.
Alors commence le voyage de l’âme. Roûmi dit : « Dans le cœur passe une image : ‘Retourne vers ta source’. Le cœur s’enfuit de tous côtés, loin du monde des couleurs et des parfums, en criant : ‘ Où donc est la source ? ‘ et en déchirant ses vêtements par amour ».
La Beauté divine est alors perçue comme l’essence du « Tout » beau et du « Tout » harmonieux. Dans les panégyriques soufis, celle-ci est souvent représentée par un personnage féminin, Leïla, Maya, Nafissa, etc. ; l’Amour spirituel, l’Elixir divin et l’Ivresse des amoureux sont des symboles que les soufis utilisent pour dépeindre leurs états âmes. Et ils sont rompus à décrire avec exactitude leurs sensations même dans la vie courante.
Dans le cadre d’un raisonnement cartésien/newtonien, de tels états paraissent relever de la psychose or, il n’existe, pour l’instant, que cette référence pour décrire la santé mentale. Cédons la parole à S. Grof : « Une personne fonctionnant exclusivement sur le mode cartésien, peut être exempte de symptômes manifestes, mais ne peut pas être considéré comme mentalement saine. De tels individus mènent une vie centrée sur leur ego et la compétition, orientée vers un but. Ils ont tendance à être incapable de tirer satisfaction des activités ordinaires et ils sont éloignés de leur monde intérieur. Pour ces gens […] aucun degré de richesse, de pouvoir ou de célébrité n’apportera de satisfaction authentique. »
En effet, les humains comme les plus infimes particules sont une complémentarité.
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Leïla Zouggari
"Quand l’homme et la femme deviennent un, tu es ce un. Quand les unités sont effacées, tu es cette unité. Tu as façonné ce “je” et ce “nous” afin de pouvoir jouer au jeu de l’adoration avec toi-même, afin que tous les “je”, les “tu” deviennent une seule âme, et soient à la fin submergés dans le Bien Aimé”.
Jalla eddine er Rûmi, le saint de Konya
Dans sa quête du « Bonheur » l’être humain n’épargnera aucun effort, il ira à la rencontre de ses semblables pour chercher l’autre dans le dessein de former un couple et de fonder une famille, il créera des cercles d’amitié pour échapper à sa solitude. Pour assouvir son intellect il ira à la conquête du savoir. Et pour son autosatisfaction il s’investira dans son travail ou il suivra ses instincts… La recherche du Bien Être est donc une ouverture. Cette expansion porte en elle-même le germe du divin qui signifie « ramener » l’être humain à sa source : « Dieu ».
L’Islam comme religion universelle, s’inscrivant dans la révélation abrahamique et prêchant un humanisme d’équité et de justice sociale est d’un culte aisé et adaptable à tout temps et à tout lieu, n’en déplaise aux sclérosés. Il serait une voie de transcendance, la voie d’accès au « Bonheur » ou le chemin du spirituel comme le spécifie le Coran : « Celui qui espère Dieu, le délai de la rencontre avec Dieu est imminent ». (S. L’araignée, V. 5)
Certes, pour un cartésien, ceci sous-entend la division de l’être humain entre ses désirs « réels » et son « imagination ». Mais le discursif n’a-t-il pas été remis en question par ses apôtres et dans son propre fief, les sciences dites exactes ? Ce qui renforce d’autant plus l’Islam, dans sa vision de complémentarité entre l’Objet et de l’Esprit ; une religion à dimension spirituelle dans le sens jungien du terme.
Dans cette quête de soi et de « Dieu », le soufisme, dans ses différentes pratiques de l’Union et de l’Amour, est une des multiples voies qu’offre l’Islam pour quiconque. L’ascension vers le divin et l’élévation à des degrés différents de « Savoir » n’est pas l’apanage de quelques élus mais à la portée de tout être humain doué de patience car nous portons tous en nous cette union tant désirée.
L’islam ou l’Universalité
Loin de se cantonner dans le cultuel pur, l’Islam se soucie de l’Intelligence du cœur et des élans de l’âme. Les pratiques religieuses de cette religion abrahamique sont une union du croyant avec lui-même et avec ses semblables pour se transcender vers Dieu. La prière est une médiation solitaire pour retrouver « Dieu » mais c’est aussi un acte social qui met l’être en relation avec « l’Inconscient social », comme le dit C.G. Jung, qui implique l’humanité entière. L’Islam ne s’apparente ni au capitalisme, ni au socialisme. Du premier, il condamne le gain et le profit au détriment du pauvre ; du second il surpasse la trilogie à savoir : l’assurance du minimum vital, le nivellement des classes et la sécurité du travail prolétaire.
La religion mohammedienne fait primer le social sur l’acte religieux même ; car elle défend les droits du citoyen quels que soient sa race, sa religion ou son sexe comme le confirme la parole du Prophète : (pbsl) « Si vous êtes juge de vos semblables, rendez justice en toute équité » et « Il n’y a pas de différence entre arabe et persan sauf en droiture et dans la profondeur de sa foi », comme d’ailleurs le proclame Zacharia : « Rendez des jugement de vérité... N’opprimez pas la veuve et l’orphelin l’étranger et le pauvre ». (Lévitique. Chapitre XIX)
L’Islam qui se proclame de l’universalisme abrahamique a toujours considéré comme frères les juifs et les chrétiens « Ahl Dhima » qu’il a protégés et s’il y a eu guerre contre les frères chrétiens au temps du Prophète, l’Histoire mentionne bien comment les chrétiens de la Syrie l’avait eux-mêmes déclarée en tuant ceux qui avaient opté pour la nouvelle religion. Le Coran dit : « Combattez dans le chemin de ceux qui vous combattent et n’agressez point », car il n’y a « pas de contrainte dans la religion ». (S. 11, V. 19)
L’Islam porte en lui-même son renouvellement grâce au large éventail de l’interprétation que lui confère le génie de la langue arabe et à ses optiques humanistes. Tous les apports des autres civilisations sont considérés comme un enrichissement car il n’y a pas de civilisation supérieure ni de civilisation inférieure d’où sa propagation spontanée que l’Histoire omet souvent de mentionner. De plus la majorité des peuples de confession musulmane n’est pas arabe mais plutôt asiatique, sans oublier que l’Islam est solidaire des autres religions du livre même s’il les contrecarre sur certains points comme la Trinité dans la religion chrétienne.
Moïse, Jésus et Mohammed, apôtres vénérés sont les promoteurs d’une pensée divine source du Bonheur humain. Mais les manipulations humaines ont faussé l’idéalisme suprême de ces religions révélées d’où sont découlées tant de périodes sombres.
L’Islam, cependant, demeure une éthique humaniste où la prise en compte du subjectif prime sur l’objectivisme actif de l’Occident.
L’Islam et la complémentarité
Le congrès tenu à Pékin sur les sciences avait déjà ébranlé l’antagonisme entre sujet et matière dans les sciences dites exactes. Dans le mode cartésien la réalité quotidienne est perçu en termes d’objets séparés, d’espace à trois dimensions et de temps linéaire contrairement à la vision islamique où le temps et l’espace sont transcendés dans une osmose de complémentarité de l’objet et de l’esprit.
Dans les sciences physiques le principe de complémentarité qui a été emprunté à la psychologie vient d’être introduit par Niels Bohr et W. Heisenberg, lequel a déclaré : « La limitation cartésienne a profondément pénétré l’esprit humain durant les trois siècles qui suivirent Descartes, et il faudra longtemps avant qu’elle ne soit remplacée par une attitude vraiment différente à l’égard du problème de la réalité. »
En effet, cette loi permet à l’être humain d’appréhender le paradoxal pour que l’imaginaire s’estompe afin de céder la place au réel : « Allah » pour le soufi ou « Dieu » pour tout adepte de la philosophie qui s’oppose au positivisme comme celle de Bergson. Avicenne et Ibn Arabi précisent que quand l’être humain, dans son élan vers Dieu, fera appel au sensuel en s’éloignant du discursif exagérément virtuel alors le voile se lèvera pour céder la passage du « Malkout » ou le royaume divin.
L’Amour et la Connaissance
Arrêtons nous un instant au mot Soufisme ou suffisme – qu’importe la transcription latine ou la prononciation de ce mot d’origine arabe – où la voyelle n’est pas discriminatoire.
« Attasaouf » est un nom passif celui qui subit l’action de « souf » la laine rude par opposition à la soie et au coton symbole d’opulence et de douceur. Le nom vient aussi de la référence commune à tout pratiquant de la « Tariqua » – la conduite, dont le Prophète qui était un soufi et s’habillait de souf pour s’isoler et méditer avant la révélation et qui l’est resté jusqu’à sa mort. Il a mené une vie de d’abstinence, de prière, de pureté et d’Amour pour ses femmes, son voisinage, ses semblables et Dieu. Il est considéré comme le premier maître de « Attasaouf ».
En effet le soufi se rend à Dieu dans un dépouillement total dégagé de toute velléité. Seuls, la Crainte de Dieu, le renoncement au monde, le jeûne, la prière et la veille nocturne caractérisent ces ascètes. C’est l’élan d’Amour vers le Créateur, cette soif absolue de l’amoureux transi pour l’objet de son amour – « Ach-chawq » le désir et le manque de « Huwa » « Lui » – qui est présent chez le soufi, et dont il désire « la Face de Dieu ». Tel est le premier pas sur le sentier sûfi.
Alors commence le voyage de l’âme. Roûmi dit : « Dans le cœur passe une image : ‘Retourne vers ta source’. Le cœur s’enfuit de tous côtés, loin du monde des couleurs et des parfums, en criant : ‘ Où donc est la source ? ‘ et en déchirant ses vêtements par amour ».
La Beauté divine est alors perçue comme l’essence du « Tout » beau et du « Tout » harmonieux. Dans les panégyriques soufis, celle-ci est souvent représentée par un personnage féminin, Leïla, Maya, Nafissa, etc. ; l’Amour spirituel, l’Elixir divin et l’Ivresse des amoureux sont des symboles que les soufis utilisent pour dépeindre leurs états âmes. Et ils sont rompus à décrire avec exactitude leurs sensations même dans la vie courante.
Dans le cadre d’un raisonnement cartésien/newtonien, de tels états paraissent relever de la psychose or, il n’existe, pour l’instant, que cette référence pour décrire la santé mentale. Cédons la parole à S. Grof : « Une personne fonctionnant exclusivement sur le mode cartésien, peut être exempte de symptômes manifestes, mais ne peut pas être considéré comme mentalement saine. De tels individus mènent une vie centrée sur leur ego et la compétition, orientée vers un but. Ils ont tendance à être incapable de tirer satisfaction des activités ordinaires et ils sont éloignés de leur monde intérieur. Pour ces gens […] aucun degré de richesse, de pouvoir ou de célébrité n’apportera de satisfaction authentique. »
En effet, les humains comme les plus infimes particules sont une complémentarité.
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