Lorsque deux versets ou deux traditions authentiques se contredisent [ta’ârada], mais
qu’il est possible de les rapprocher l’un de l’autre et de les utiliser conjointement, nous
ne devons pas renoncer à nous en servir. S’il n’est pas possible de les utiliser ensemble,
parce qu’il se trouve dans l’un des deux une exclusion (istithnâ’), il faut alors choisir celui
dans lequel se trouve cette exclusion. S’il y a dans l’un des deux une adjonction (ziyâda),
il faut l’adopter et s’en servir. Lorsqu’il ne se trouve rien de tout cela, et que les deux
versets sont totalement contradictoires, on se réfère alors à la date (târîkh) [de leur
révélation respective] et on choisit le plus tardif des deux. Si enfin on ignore cette date,
et qu’il est difficile de la connaître, il faut alors prendre en considération celui des deux
qui est le plus propre à lever une contrainte en matière de religion (raf’ al-haraj fî l-dîn),
et l’appliquer car ce point de vue est confirmé par le verset : « Il ne pèse pas sur vous,
dans la religion, de contrainte » (1) et la religion d’Allâh est facile. « Et Dieu veut pour
vous ce qui est facile et non ce qui est difficile » (2). [Le Prophète nous a dit
également :] « Ce que je vous ai ordonné de faire, accomplissez-le à la mesure de ce
vous pouvez, et ce que je vous ai interdit de faire, cessez de le faire ! » (3) Si les deux
textes contradictoires sont équivalents sous ce rapport, aucun des deux ne doit être
délaissé et tu choisiras d’user de celui des deux que tu désires [ou les deux].
Lorsqu’un verset et une tradition authentique d’entre les traditions provenant d’une seule
voie se contredisent, et qu’on en ignore la date, on choisit le verset et on délaisse la
tradition, car le premier est sûr alors que la seconde ne bénéficie que d’une présomption
[khabar al-wâhid madhnûn]. S’il s’agit d’une tradition rapportée par de nombreuses
autorités (khabar mutawâtir) et donc aussi sûre que le verset, mais si on ignore leur
relation chronologique et si leur conciliation est impossible, la règle est de choisir
librement l’un des deux. Toutefois, s’il se trouve dans l’un de ces textes l’allègement
d’une contrainte (raf’ al-haraj), c’est à celui-ci qu’on donnera la préférence.
Chaque fois que deux traditions ou deux versets sont en contradiction l’un avec l’autre,
ou que sont en contradiction un verset et une tradition authentique – que cette tradition
soit rapportée par plusieurs autorités ou par une seule – mais que l’un des deux
comporte une précision supplémentaire (ziyâda) en matière de prescription légale, on
doit tenir compte de cette précision et l’appliquer. La prépondérance revient donc à la
tradition qui comporte cette adjonction plutôt qu’à celle qui la contredit. Néanmoins, il ne
faut prendre en considération parmi les traditions, que celles qui sont authentiques.
L’individu qui, sur les questions légales, se conforme à l’une des écoles juridiques mais à
qui parvient un hadîth faible (da’îf) attribué à l’Envoyé de Dieu [sur lui la grâce et la
paix], qui contredit l’opinion d’un des Imâms [fondateur des écoles juridiques] ou d’un
des Compagnons, à laquelle on ne reconnait pas d’argument probant (dalîl), choisira de
donner la préférence au hadîth faible et rejettera l’opinion en question. Même si ce
hadîth en réalité n’est pas authentique, il a en tout cas le même degré de probabilité que
l’opinion contraire et l’on ne doit pas s’en écarter. A plus forte raison est-il exclu de s’en
écarter s’il est authentique et l’on doit impérativement ne pas tenir compte de l’opinion
contraire d’un Compagnon ou d’un Imâm.
Quand la tradition est « relâchée » (mursal : c’est-à-dire rapportée sans chaîne de
transmission ou avec une chaîne incomplète) ou « arrêtée » (mawqûf : c’est-à-dire
remontant seulement à l’un des Compagnons du Prophète mais non au Prophète luimême),
on ne peut s’y fier que si l’on sait que le second rapporteur (tâbi’) n’a pas reçu
ce hadîth d’une autre personne que d’un Compagnon. S’il en est ainsi, et même s’il ne
précise pas de quel Compagnon il s’agit, on adoptera ce hadîth mursal. Cette tradition a
en effet a le même statut que le hadîth rapporté du Prophète (al-musnad). Tel est le cas
lorsque le rapporteur de la seconde génération s’exprime ainsi : « L’Envoyé de Dieu a
dit… » sans faire mention du Compagnon d’après lequel il rapporte ce hadîth, dès lors
qu’on sait qu’il est de ceux qui ont vu les Compagnons et ont fait partie de leur
professent qu’on peut attribuer au Prophète des propos qu’il n’a pas tenu si c’est pour le
bien de la communauté. S’il ne remplit pas ces conditions, on n’utilisera pas le hadîth
qu’il rapporte, même si la chaîne de transmission est complète [asnadah]. En résumé, il
n’est pas licite de rejeter un verset ou une tradition authentique au bénéfice de l’opinion
d’un Compagnons ou d’un des Imâms : celui qui agit ainsi commet une erreur évidente
et se met en dehors de la religion de Dieu (4).
Lorsqu’une tradition provient de gens dont on ne sait rien (mastûrîn) et dont on ne parle
ni en termes de désapprobation (jarh) ni en termes d’approbation (ta’dîl), il faut accepter
ce qu’ils transmettent (5). Mais, si l’on impute à l’un d’entre eux un défaut remettant en
cause sa sincérité (sidq) il faut remettre en cause cette tradition. Toutefois, dans le cas
où cette infirmité ne se rapporte pas à sa narration (naql), il faut l’accepter sauf s’il s’agit
d’un buveur de vin et s’il a parlé en état d’ébriété (sukr). En revanche, si l’on sait qu’il a
rapporté cette tradition en état de sobriété (sahw) et fait partie de ceux dont c’est le
propre, on acceptera la tradition qu’il rapporte. […]
En tout cela il n’y a pas de différence entre se servir d’un khabar al-wâhid authentique et
de la tradition dite mutawâtir, excepté lorsqu’il y a contradiction entre les deux, ainsi que
nous l’avons déjà montré. Dieu ne nous oblige nullement à admettre ce que disent
d’autres que Son Envoyé [sur lui la grâce et la paix], même s’il nous est prescrit de les
respecter et de les aimer.
(1) Cor.22, 78 : wa mâ yaj’alu ‘alaykum fî-d-dîn min haraj.
(2) Cor.2, 78 : yurîdu-Llâhu bikumu-l-yusra wa lâ yurîdu bikumu-l-‘usra.
(3) wa mâ amartukum bihi fa-f’alû minhu mâ stata’tum wa mâ nahaytukum ‘anhu fada’ûh.
(4) lâ yajûzu tark âyah aw khabar sahîh li-qawl sâhib aw imâm, wa man yaf’al dhâlika faqad
dalla dalâlan mubînan wa kharaja ‘an dîni-Llâh.
(5) wajaba-l-akhdh bi-riwâyatihim.
(6) mâ awjaba-Llâh ‘alaynâ al-akhdh bi-qawl ahadi ghayr rasûlu-Llâh salla-Llâh ‘alayhi
wa sallam ma’a kawninâ ma’mûrîn bi-ta’dhîmihim wa mahabbatihim.
[Ibn ‘Arabî, Futûhât, chap. 88, trad. dans l’anthologie Les illuminations de la Mecque,
présentée par M. Chodkiewicz, Albin Michel, éd. 1997, p.95-98. Les notes ainsi que
certaines annotation entre crochet ne sont pas du traducteur et consistent généralement
en des translitérations à partir du texte arabe des Futûhât, éd. Dâr Sâder/1424, T3,
p.190-191]
qu’il est possible de les rapprocher l’un de l’autre et de les utiliser conjointement, nous
ne devons pas renoncer à nous en servir. S’il n’est pas possible de les utiliser ensemble,
parce qu’il se trouve dans l’un des deux une exclusion (istithnâ’), il faut alors choisir celui
dans lequel se trouve cette exclusion. S’il y a dans l’un des deux une adjonction (ziyâda),
il faut l’adopter et s’en servir. Lorsqu’il ne se trouve rien de tout cela, et que les deux
versets sont totalement contradictoires, on se réfère alors à la date (târîkh) [de leur
révélation respective] et on choisit le plus tardif des deux. Si enfin on ignore cette date,
et qu’il est difficile de la connaître, il faut alors prendre en considération celui des deux
qui est le plus propre à lever une contrainte en matière de religion (raf’ al-haraj fî l-dîn),
et l’appliquer car ce point de vue est confirmé par le verset : « Il ne pèse pas sur vous,
dans la religion, de contrainte » (1) et la religion d’Allâh est facile. « Et Dieu veut pour
vous ce qui est facile et non ce qui est difficile » (2). [Le Prophète nous a dit
également :] « Ce que je vous ai ordonné de faire, accomplissez-le à la mesure de ce
vous pouvez, et ce que je vous ai interdit de faire, cessez de le faire ! » (3) Si les deux
textes contradictoires sont équivalents sous ce rapport, aucun des deux ne doit être
délaissé et tu choisiras d’user de celui des deux que tu désires [ou les deux].
Lorsqu’un verset et une tradition authentique d’entre les traditions provenant d’une seule
voie se contredisent, et qu’on en ignore la date, on choisit le verset et on délaisse la
tradition, car le premier est sûr alors que la seconde ne bénéficie que d’une présomption
[khabar al-wâhid madhnûn]. S’il s’agit d’une tradition rapportée par de nombreuses
autorités (khabar mutawâtir) et donc aussi sûre que le verset, mais si on ignore leur
relation chronologique et si leur conciliation est impossible, la règle est de choisir
librement l’un des deux. Toutefois, s’il se trouve dans l’un de ces textes l’allègement
d’une contrainte (raf’ al-haraj), c’est à celui-ci qu’on donnera la préférence.
Chaque fois que deux traditions ou deux versets sont en contradiction l’un avec l’autre,
ou que sont en contradiction un verset et une tradition authentique – que cette tradition
soit rapportée par plusieurs autorités ou par une seule – mais que l’un des deux
comporte une précision supplémentaire (ziyâda) en matière de prescription légale, on
doit tenir compte de cette précision et l’appliquer. La prépondérance revient donc à la
tradition qui comporte cette adjonction plutôt qu’à celle qui la contredit. Néanmoins, il ne
faut prendre en considération parmi les traditions, que celles qui sont authentiques.
L’individu qui, sur les questions légales, se conforme à l’une des écoles juridiques mais à
qui parvient un hadîth faible (da’îf) attribué à l’Envoyé de Dieu [sur lui la grâce et la
paix], qui contredit l’opinion d’un des Imâms [fondateur des écoles juridiques] ou d’un
des Compagnons, à laquelle on ne reconnait pas d’argument probant (dalîl), choisira de
donner la préférence au hadîth faible et rejettera l’opinion en question. Même si ce
hadîth en réalité n’est pas authentique, il a en tout cas le même degré de probabilité que
l’opinion contraire et l’on ne doit pas s’en écarter. A plus forte raison est-il exclu de s’en
écarter s’il est authentique et l’on doit impérativement ne pas tenir compte de l’opinion
contraire d’un Compagnon ou d’un Imâm.
Quand la tradition est « relâchée » (mursal : c’est-à-dire rapportée sans chaîne de
transmission ou avec une chaîne incomplète) ou « arrêtée » (mawqûf : c’est-à-dire
remontant seulement à l’un des Compagnons du Prophète mais non au Prophète luimême),
on ne peut s’y fier que si l’on sait que le second rapporteur (tâbi’) n’a pas reçu
ce hadîth d’une autre personne que d’un Compagnon. S’il en est ainsi, et même s’il ne
précise pas de quel Compagnon il s’agit, on adoptera ce hadîth mursal. Cette tradition a
en effet a le même statut que le hadîth rapporté du Prophète (al-musnad). Tel est le cas
lorsque le rapporteur de la seconde génération s’exprime ainsi : « L’Envoyé de Dieu a
dit… » sans faire mention du Compagnon d’après lequel il rapporte ce hadîth, dès lors
qu’on sait qu’il est de ceux qui ont vu les Compagnons et ont fait partie de leur
professent qu’on peut attribuer au Prophète des propos qu’il n’a pas tenu si c’est pour le
bien de la communauté. S’il ne remplit pas ces conditions, on n’utilisera pas le hadîth
qu’il rapporte, même si la chaîne de transmission est complète [asnadah]. En résumé, il
n’est pas licite de rejeter un verset ou une tradition authentique au bénéfice de l’opinion
d’un Compagnons ou d’un des Imâms : celui qui agit ainsi commet une erreur évidente
et se met en dehors de la religion de Dieu (4).
Lorsqu’une tradition provient de gens dont on ne sait rien (mastûrîn) et dont on ne parle
ni en termes de désapprobation (jarh) ni en termes d’approbation (ta’dîl), il faut accepter
ce qu’ils transmettent (5). Mais, si l’on impute à l’un d’entre eux un défaut remettant en
cause sa sincérité (sidq) il faut remettre en cause cette tradition. Toutefois, dans le cas
où cette infirmité ne se rapporte pas à sa narration (naql), il faut l’accepter sauf s’il s’agit
d’un buveur de vin et s’il a parlé en état d’ébriété (sukr). En revanche, si l’on sait qu’il a
rapporté cette tradition en état de sobriété (sahw) et fait partie de ceux dont c’est le
propre, on acceptera la tradition qu’il rapporte. […]
En tout cela il n’y a pas de différence entre se servir d’un khabar al-wâhid authentique et
de la tradition dite mutawâtir, excepté lorsqu’il y a contradiction entre les deux, ainsi que
nous l’avons déjà montré. Dieu ne nous oblige nullement à admettre ce que disent
d’autres que Son Envoyé [sur lui la grâce et la paix], même s’il nous est prescrit de les
respecter et de les aimer.
(1) Cor.22, 78 : wa mâ yaj’alu ‘alaykum fî-d-dîn min haraj.
(2) Cor.2, 78 : yurîdu-Llâhu bikumu-l-yusra wa lâ yurîdu bikumu-l-‘usra.
(3) wa mâ amartukum bihi fa-f’alû minhu mâ stata’tum wa mâ nahaytukum ‘anhu fada’ûh.
(4) lâ yajûzu tark âyah aw khabar sahîh li-qawl sâhib aw imâm, wa man yaf’al dhâlika faqad
dalla dalâlan mubînan wa kharaja ‘an dîni-Llâh.
(5) wajaba-l-akhdh bi-riwâyatihim.
(6) mâ awjaba-Llâh ‘alaynâ al-akhdh bi-qawl ahadi ghayr rasûlu-Llâh salla-Llâh ‘alayhi
wa sallam ma’a kawninâ ma’mûrîn bi-ta’dhîmihim wa mahabbatihim.
[Ibn ‘Arabî, Futûhât, chap. 88, trad. dans l’anthologie Les illuminations de la Mecque,
présentée par M. Chodkiewicz, Albin Michel, éd. 1997, p.95-98. Les notes ainsi que
certaines annotation entre crochet ne sont pas du traducteur et consistent généralement
en des translitérations à partir du texte arabe des Futûhât, éd. Dâr Sâder/1424, T3,
p.190-191]
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