Un film tient l'affiche depuis plusieurs semaines à Tunis : Paroles d'hommes (كلمة رجال Kelmat rjal : quelque chose comme "parole d'honneur !"). Il est l'oeuvre de Moezz Kamoun (معز كمّون), un jeune réalisateur tunisien qui s'est librement inspiré pour son scénario d'un roman, Promosport (l'équivalent du loto sportif), publié en arabe il y a quelques années par le romancier tunisien Hassan Ben Othman.
L'histoire tourne autour d'un trio d'amis, nés dans le sud du pays à l'époque de l'indépendance : un prof de fac qui se fait chasser de l'université à la suite d'un prétendu harcèlement sexuel alors qu'il ne faisait que s'opposer à la soutenance d'une thèse bidonnée, un éditeur raté et enfin un troisième larron devenu fripier grâce à la fortune ramassé au loto sportif.
A lire les journaux locaux (Al-Sahâfa ou La Presse par exemple), le public semble se reconnaître dans ce portrait d'une Tunisie assez désillusionnée. Parmi les questions de société évoquées au gré des péripéties du scénario, il en est une en tout cas qui passionne non seulement les Tunisiens mais tous les Arabes sans exception, celle du "mariage coutumier" (زواج عرفي). En effet, à un moment du film, le riche fripier, qui officie à ses heures comme imam pour la mosquée du quartier, contracte avec une des clientes de la boutique - et à sa demande, d'ailleurs - un "mariage coutumier".
Connu également - et surtout pratiqué ! - sous le nom de "mariage de plaisir" (زواج المتعة), le phénomène, traité dans bien des films et des feuilletons, est l'objet d'innombrables articles et commentaires que l'on peut trouver sur internet. En français, on peut justement consulter (grâce à cet article reproduit dans L'Orient-Le Jour) l'opinion avisée du directeur du Cabinet du mufti de la République tunisienne. Il rappelle la doctrine classique, à savoir que cette pratique, exceptionnellement tolérée du temps du Prophète, est depuis parfaitement illicite, et même socialement dangereuse.
Quel que soit le qualificatif qui s'y accole ("traditionnel", "coutumier", "de plaisir"...), ces mariages ont pour caractéristique commune de ne pas faire l'objet d'un contrat en bonne et due forme, c'est-à-dire enregistré devant une autorité religieuse et/ou civile. Or, comme le rappelle le mufti de Tunis, aucun mariage ne peut être conclu, et encore moins avec la bénédiction de la religion, pour une période temporaire et donc avec le projet, à plus ou moins long terme, d'un divorce ! D'ailleurs, les "mariages coutumiers", ou "de plaisir", seulement passés par un accord entre les deux parties concernées, posent, à leur rupture, de nombreux problèmes. Les femmes sont naturellement les premières victimes, mais également les enfants qui peuvent naître de ces unions passagères (et qui sont, dans plus d'un pays, sans statut civil), sans parler du tissu social tout entier dont la cohésion est mise à mal par la multiplication de ces pratiques.
En effet, extrêmement marginal il y a quelques années encore, le "mariage non légalisé" - faut-il parler d'union libre ? - se répand à grande vitesse dans les sociétés arabes, signe, s'il en était besoin, qu'elles ne sont pas immobiles mais au contraires soumises à des évolutions assez violentes.
A l'origine de ce phénomène, il y a eu d'abord l'expansion du "tourisme sexuel" interarabe. Dès lors que se multiplient les séjours touristiques et/ou pour "affaires" de riches visiteurs en provenance de pays voisins, nombre de femmes sont amenées, parfois sous la pression de leur famille, à accepter des relations qui ne sont souvent que des formes de prostitution à peine déguisées. De passage dans telle ou telle ville arabe, un homme peut ainsi contracter, sous un semblant de légalité, un "mariage de plaisir" qui sera dénoué, tout aussi "légalement", au moment de son départ, moyennant compensation financière, dans le meilleur des cas...
Economiquement liée aux fortunes de la Péninsule arabique (mais pas toujours, comme le rappelle Paroles d'hommes), cette pratique est également associée, et cela devient encore plus compliqué et plus sensible, à certaines interprétations de l'islam en vigueur dans cette région, et parfois, selon ce qu'on raconte (on ne prête qu'aux riches !) à des mouvements politiques extrémistes...
Mais ce n'est qu'un aspect car ces "mariages" ne sont pas toujours le seul résultat d'une situation économique et peuvent ressembler beaucoup à de "vraies" unions libres. En particulier lorsqu'ils sont contractés, ce qui est apparemment souvent le cas, par une partie de la jeunesse à la recherche d'un caractère légal à des "relations illégitimes" qu'elle accepte de moins en moins de repousser ad vitam aeternam faute de pouvoir les sanctionner "par les liens sacrés du mariage".
En milieu étudiant notamment, selon cette enquête publiée sur le site islam-online, on ne manque pas d'imagination pour "contractualiser" lesdites relations. Cela va de l'enregistrement sonore conservé, en secret bien entendu, par les deux parties ("mariage à la cassette", زواج الكاسيت) au tatouage - intime ? - scellant l'union (زواج الوشم) en passant par le "mariage au timbre" (زواج الطوابع) où le rite consiste simplement à coller un timbre, avec sa propre salive naturellement, sur le front du/de la partenaire...
Comme le précise l'article d'Islam-online déjà cité, une "solution" a même été proposée par un expert religieux yéménite, 'Abd al-Majîd al-Zandânî (le pays est particulièrement touché par le fléau du "mariage coutumier"). Une solution qui a provoqué beaucoup de discussions et d'intérêt, par exemple au Maroc. Quant aux oulémas, ils peinent à se reconnaître dans cet avis juridique (fatwa) qui légalise ce nouveau type de contrat, un "mariage d'amis", qui permet aux jeunes d'avoir des relations sexuelles, par exemple au domicile de leurs parents, en attendant de meilleures conditions économiques...
Pourtant, le nom trouvé par le cheikh yéménite est en soi une trouvaille : en arabe dans le texte, c'est un "friend-mariage" (زواج فريند), mot composé, comme le dit le cheikh lui-même, sur le modèle de girl-friend et boy-friend !
L'histoire tourne autour d'un trio d'amis, nés dans le sud du pays à l'époque de l'indépendance : un prof de fac qui se fait chasser de l'université à la suite d'un prétendu harcèlement sexuel alors qu'il ne faisait que s'opposer à la soutenance d'une thèse bidonnée, un éditeur raté et enfin un troisième larron devenu fripier grâce à la fortune ramassé au loto sportif.
A lire les journaux locaux (Al-Sahâfa ou La Presse par exemple), le public semble se reconnaître dans ce portrait d'une Tunisie assez désillusionnée. Parmi les questions de société évoquées au gré des péripéties du scénario, il en est une en tout cas qui passionne non seulement les Tunisiens mais tous les Arabes sans exception, celle du "mariage coutumier" (زواج عرفي). En effet, à un moment du film, le riche fripier, qui officie à ses heures comme imam pour la mosquée du quartier, contracte avec une des clientes de la boutique - et à sa demande, d'ailleurs - un "mariage coutumier".
Connu également - et surtout pratiqué ! - sous le nom de "mariage de plaisir" (زواج المتعة), le phénomène, traité dans bien des films et des feuilletons, est l'objet d'innombrables articles et commentaires que l'on peut trouver sur internet. En français, on peut justement consulter (grâce à cet article reproduit dans L'Orient-Le Jour) l'opinion avisée du directeur du Cabinet du mufti de la République tunisienne. Il rappelle la doctrine classique, à savoir que cette pratique, exceptionnellement tolérée du temps du Prophète, est depuis parfaitement illicite, et même socialement dangereuse.
Quel que soit le qualificatif qui s'y accole ("traditionnel", "coutumier", "de plaisir"...), ces mariages ont pour caractéristique commune de ne pas faire l'objet d'un contrat en bonne et due forme, c'est-à-dire enregistré devant une autorité religieuse et/ou civile. Or, comme le rappelle le mufti de Tunis, aucun mariage ne peut être conclu, et encore moins avec la bénédiction de la religion, pour une période temporaire et donc avec le projet, à plus ou moins long terme, d'un divorce ! D'ailleurs, les "mariages coutumiers", ou "de plaisir", seulement passés par un accord entre les deux parties concernées, posent, à leur rupture, de nombreux problèmes. Les femmes sont naturellement les premières victimes, mais également les enfants qui peuvent naître de ces unions passagères (et qui sont, dans plus d'un pays, sans statut civil), sans parler du tissu social tout entier dont la cohésion est mise à mal par la multiplication de ces pratiques.
En effet, extrêmement marginal il y a quelques années encore, le "mariage non légalisé" - faut-il parler d'union libre ? - se répand à grande vitesse dans les sociétés arabes, signe, s'il en était besoin, qu'elles ne sont pas immobiles mais au contraires soumises à des évolutions assez violentes.
A l'origine de ce phénomène, il y a eu d'abord l'expansion du "tourisme sexuel" interarabe. Dès lors que se multiplient les séjours touristiques et/ou pour "affaires" de riches visiteurs en provenance de pays voisins, nombre de femmes sont amenées, parfois sous la pression de leur famille, à accepter des relations qui ne sont souvent que des formes de prostitution à peine déguisées. De passage dans telle ou telle ville arabe, un homme peut ainsi contracter, sous un semblant de légalité, un "mariage de plaisir" qui sera dénoué, tout aussi "légalement", au moment de son départ, moyennant compensation financière, dans le meilleur des cas...
Economiquement liée aux fortunes de la Péninsule arabique (mais pas toujours, comme le rappelle Paroles d'hommes), cette pratique est également associée, et cela devient encore plus compliqué et plus sensible, à certaines interprétations de l'islam en vigueur dans cette région, et parfois, selon ce qu'on raconte (on ne prête qu'aux riches !) à des mouvements politiques extrémistes...
Mais ce n'est qu'un aspect car ces "mariages" ne sont pas toujours le seul résultat d'une situation économique et peuvent ressembler beaucoup à de "vraies" unions libres. En particulier lorsqu'ils sont contractés, ce qui est apparemment souvent le cas, par une partie de la jeunesse à la recherche d'un caractère légal à des "relations illégitimes" qu'elle accepte de moins en moins de repousser ad vitam aeternam faute de pouvoir les sanctionner "par les liens sacrés du mariage".
En milieu étudiant notamment, selon cette enquête publiée sur le site islam-online, on ne manque pas d'imagination pour "contractualiser" lesdites relations. Cela va de l'enregistrement sonore conservé, en secret bien entendu, par les deux parties ("mariage à la cassette", زواج الكاسيت) au tatouage - intime ? - scellant l'union (زواج الوشم) en passant par le "mariage au timbre" (زواج الطوابع) où le rite consiste simplement à coller un timbre, avec sa propre salive naturellement, sur le front du/de la partenaire...
Comme le précise l'article d'Islam-online déjà cité, une "solution" a même été proposée par un expert religieux yéménite, 'Abd al-Majîd al-Zandânî (le pays est particulièrement touché par le fléau du "mariage coutumier"). Une solution qui a provoqué beaucoup de discussions et d'intérêt, par exemple au Maroc. Quant aux oulémas, ils peinent à se reconnaître dans cet avis juridique (fatwa) qui légalise ce nouveau type de contrat, un "mariage d'amis", qui permet aux jeunes d'avoir des relations sexuelles, par exemple au domicile de leurs parents, en attendant de meilleures conditions économiques...
Pourtant, le nom trouvé par le cheikh yéménite est en soi une trouvaille : en arabe dans le texte, c'est un "friend-mariage" (زواج فريند), mot composé, comme le dit le cheikh lui-même, sur le modèle de girl-friend et boy-friend !
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A chaque "problème" sa solution, même quand on veut concubiner halal.
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