Les unions interreligieuses ne sont pas rares. Elles sont même en hausse « Notamment au Canada ». Si la famille s'accommode généralement bien du choc des valeurs, la pratique religieuse, elle, en souffre à long terme.
C'est le constat que fait Alain Bouchard, sociologue des religions à l'Université Laval. «Tout dépend de la personnalité des deux conjoints. Mais de façon générale, cela va relativement bien dans ces unions-là. Les problèmes commencent à se poser au moment où les enfants arrivent.»
Pour éviter les conflits, les couples en viennent souvent à un compromis, dit-il. Jusqu'à maintenant, les statistiques démontrent que, règle générale, «on n'enseignait aucune religion aux enfants. C'est comme si le terrain d'entente était que l'enfant reste neutre».
Parallèlement, ajoute M. Bouchard, la cohabitation de deux religions au sein d'une même famille fait en sorte que la pratique religieuse s'estompe, d'un côté comme de l'autre. C'est un peu ce qui s'est produit dans la famille Ben Ameur-Breton, de Québec. Lucie et son mari tunisien, Noureddine, qui est aujourd'hui décédé, ont vécu 30 ans ensemble et ont eu un fils. Ils étaient tous les deux croyants, mais ni l'un ni l'autre n'était pratiquant assidu et leur fils n'a pas été baptisé. «Mon mari était très ouvert. Notre fils est allé au séminaire, il n'a jamais été question de le dispenser de cours d'éducation religieuse. On ne voulait pas qu'il se sente à part des autres. Mais il n'a pas fait sa première communion», raconte Lucie Breton.
De plus en plus nombreuses
Au Canada, les familles au sein desquelles cohabitent deux religions sont de plus en plus nombreuses. Selon Statistique Canada, en 1981, 15% des personnes en couple formaient une union interreligieuse. Cette proportion était passée à 19% en 2001. Règle générale, ces unions ont lieu entre catholiques et protestants, les deux groupes religieux les plus représentés au Canada. Au Québec, cependant, elles sont moins fréquentes puisque la communauté est assez homogène - 83% de la population était catholique en 2001.
Chez les musulmans, les sikhs et les hindous, par contre, les unions interreligieuses sont moins fréquentes qu'en 1981. «Nouvellement arrivés, ils sont proportionnellement plus nombreux à être fortement attachés aux traditions maritales de leur pays d'origine», écrit Statistique Canada dans une étude publiée en octobre. Néanmoins, quand les musulmans se marient avec une personne d'une autre confession, c'est généralement avec un ou une catholique.
Guy St-Michel, directeur du Bureau d'accueil et d'animation de l'Université Laval, a travaillé pendant 29 ans à l'animation religieuse. Au cours de ces années, il a aidé une trentaine de couples, dont les partenaires appartenaient à deux religions différentes, à préparer leur mariage. C'était presque toujours des chrétiens qui convolaient avec des musulmans, des bouddhistes, des hindous, etc. Il a même accompagné un couple formé d'une Québécoise musulmane d'origine algérienne et d'un Québécois innu, qui se réclamait à la fois de la tradition spirituelle de ses ancêtres autochtones et de la religion catholique. M. St-Michel témoigne que les conjoints ne s'embarquent pas dans une union interreligieuse à la légère.
«Ils ont toujours la crainte de manquer d'écoute l'un envers l'autre, de ne pas bien se comprendre. Mais la principale crainte durant la période de préparation au mariage, c'est: comment je vais être accueilli dans la communauté.» Pour M. St-Michel, il ne faut pas s'imposer de fardeau inutile, mais plutôt se rappeler qu'indépendamment des religions, les partenaires sont avant tout des personnes qui s'apprivoisent et qui auront, tôt ou tard, à entrer en contact avec la belle-famille.
Un couple plus fort
Mais la plupart du temps, note M. St-Michel, «l'amour, c'est-à-dire la confiance, le désir de vivre en communion avec l'autre personne qu'on a choisie, est tellement fort que ça amène les gens à transcender les frontières, les barrières, les divergences que leur religion met entre eux.» Et cela fait des couples très forts, dit-il.
Alain Bouchard abonde dans le même sens. Selon lui, il est possible de réussir une relation interreligieuse. «C'est le dialogue, les compromis, les arrangements mutuels. C'est un travail permanent. Sinon, ça peut être le braquage, et là, c'est la dérive.» Les partenaires, croit-il, ont beaucoup à apprendre de la cohabitation des religions. «Dans un bon dialogue interreligieux, tout le monde tire profit de cette rencontre-là, s'enrichit l'un et l'autre. Parce que l'autre religion ne devient pas une menace, mais ça devient un autre point de vue sur une situation. Par exemple, sur les valeurs qu'on transmet aux enfants.»
Lucie Breton acquiesce. «Dans une relation entre deux personnes, il y a des hauts et des bas, ça fait partie de la normalité. Mais quand il y a de la bonne volonté et qu'on veut construire quelque chose, si chacun y met du sien, on est capable de s'organiser!» D'ailleurs, son fils a lui-même reproduit le modèle inspiré par ses parents. Il a épousé une Québécoise catholique et le couple a eu cinq enfants, qui portent tous des prénoms composés formés de noms québécois et arabes.
Si cette bonne entente est possible, Alain Bouchard estime néanmoins que ces mariages interculturels pourraient devenir moins fréquents au Québec. Depuis quelques années et encore plus depuis la commission Bouchard-Taylor, dit-il, il y a un lien très étroit qui est fait entre la question de l'identité et la religion, et les Québécois se disent très attachés au catholicisme. Si les gens structurent de plus en plus leur identité autour d'indicateurs religieux, «j'ai le sentiment que cela vient mettre un frein à la possibilité d'intermariages».
- AFP
C'est le constat que fait Alain Bouchard, sociologue des religions à l'Université Laval. «Tout dépend de la personnalité des deux conjoints. Mais de façon générale, cela va relativement bien dans ces unions-là. Les problèmes commencent à se poser au moment où les enfants arrivent.»
Pour éviter les conflits, les couples en viennent souvent à un compromis, dit-il. Jusqu'à maintenant, les statistiques démontrent que, règle générale, «on n'enseignait aucune religion aux enfants. C'est comme si le terrain d'entente était que l'enfant reste neutre».
Parallèlement, ajoute M. Bouchard, la cohabitation de deux religions au sein d'une même famille fait en sorte que la pratique religieuse s'estompe, d'un côté comme de l'autre. C'est un peu ce qui s'est produit dans la famille Ben Ameur-Breton, de Québec. Lucie et son mari tunisien, Noureddine, qui est aujourd'hui décédé, ont vécu 30 ans ensemble et ont eu un fils. Ils étaient tous les deux croyants, mais ni l'un ni l'autre n'était pratiquant assidu et leur fils n'a pas été baptisé. «Mon mari était très ouvert. Notre fils est allé au séminaire, il n'a jamais été question de le dispenser de cours d'éducation religieuse. On ne voulait pas qu'il se sente à part des autres. Mais il n'a pas fait sa première communion», raconte Lucie Breton.
De plus en plus nombreuses
Au Canada, les familles au sein desquelles cohabitent deux religions sont de plus en plus nombreuses. Selon Statistique Canada, en 1981, 15% des personnes en couple formaient une union interreligieuse. Cette proportion était passée à 19% en 2001. Règle générale, ces unions ont lieu entre catholiques et protestants, les deux groupes religieux les plus représentés au Canada. Au Québec, cependant, elles sont moins fréquentes puisque la communauté est assez homogène - 83% de la population était catholique en 2001.
Chez les musulmans, les sikhs et les hindous, par contre, les unions interreligieuses sont moins fréquentes qu'en 1981. «Nouvellement arrivés, ils sont proportionnellement plus nombreux à être fortement attachés aux traditions maritales de leur pays d'origine», écrit Statistique Canada dans une étude publiée en octobre. Néanmoins, quand les musulmans se marient avec une personne d'une autre confession, c'est généralement avec un ou une catholique.
Guy St-Michel, directeur du Bureau d'accueil et d'animation de l'Université Laval, a travaillé pendant 29 ans à l'animation religieuse. Au cours de ces années, il a aidé une trentaine de couples, dont les partenaires appartenaient à deux religions différentes, à préparer leur mariage. C'était presque toujours des chrétiens qui convolaient avec des musulmans, des bouddhistes, des hindous, etc. Il a même accompagné un couple formé d'une Québécoise musulmane d'origine algérienne et d'un Québécois innu, qui se réclamait à la fois de la tradition spirituelle de ses ancêtres autochtones et de la religion catholique. M. St-Michel témoigne que les conjoints ne s'embarquent pas dans une union interreligieuse à la légère.
«Ils ont toujours la crainte de manquer d'écoute l'un envers l'autre, de ne pas bien se comprendre. Mais la principale crainte durant la période de préparation au mariage, c'est: comment je vais être accueilli dans la communauté.» Pour M. St-Michel, il ne faut pas s'imposer de fardeau inutile, mais plutôt se rappeler qu'indépendamment des religions, les partenaires sont avant tout des personnes qui s'apprivoisent et qui auront, tôt ou tard, à entrer en contact avec la belle-famille.
Un couple plus fort
Mais la plupart du temps, note M. St-Michel, «l'amour, c'est-à-dire la confiance, le désir de vivre en communion avec l'autre personne qu'on a choisie, est tellement fort que ça amène les gens à transcender les frontières, les barrières, les divergences que leur religion met entre eux.» Et cela fait des couples très forts, dit-il.
Alain Bouchard abonde dans le même sens. Selon lui, il est possible de réussir une relation interreligieuse. «C'est le dialogue, les compromis, les arrangements mutuels. C'est un travail permanent. Sinon, ça peut être le braquage, et là, c'est la dérive.» Les partenaires, croit-il, ont beaucoup à apprendre de la cohabitation des religions. «Dans un bon dialogue interreligieux, tout le monde tire profit de cette rencontre-là, s'enrichit l'un et l'autre. Parce que l'autre religion ne devient pas une menace, mais ça devient un autre point de vue sur une situation. Par exemple, sur les valeurs qu'on transmet aux enfants.»
Lucie Breton acquiesce. «Dans une relation entre deux personnes, il y a des hauts et des bas, ça fait partie de la normalité. Mais quand il y a de la bonne volonté et qu'on veut construire quelque chose, si chacun y met du sien, on est capable de s'organiser!» D'ailleurs, son fils a lui-même reproduit le modèle inspiré par ses parents. Il a épousé une Québécoise catholique et le couple a eu cinq enfants, qui portent tous des prénoms composés formés de noms québécois et arabes.
Si cette bonne entente est possible, Alain Bouchard estime néanmoins que ces mariages interculturels pourraient devenir moins fréquents au Québec. Depuis quelques années et encore plus depuis la commission Bouchard-Taylor, dit-il, il y a un lien très étroit qui est fait entre la question de l'identité et la religion, et les Québécois se disent très attachés au catholicisme. Si les gens structurent de plus en plus leur identité autour d'indicateurs religieux, «j'ai le sentiment que cela vient mettre un frein à la possibilité d'intermariages».
- AFP
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