Le halal. Un mot bien simple, qui signifie tout ce qui est autorisé par la religion musulmane. En termes plus doctes, il s’agit de tout ce qui est en conformité avec la charia (les préceptes musulmans issus du Coran et du hadith). Son contraire est le «haram». C’est-à-dire tout ce qui est contraire à la Charia. Cependant, est-il toujours facile de faire la différence entre le halal et le haram? La question est bien alambiquée. L’arbitrage entre les deux antipodes taraude les oulémas les plus érudits depuis des siècles. D’ailleurs l’histoire musulmane est riche en exemples d’oulémas qui se contredisent les uns les autres sur des questions relatives au halal et au haram. Ce que les uns autorisent, les autres l’interdisent. Et bien sûr les fidèles sont au milieu de ces contradictions, et doivent faire appel à leur propre jugement pour décider quel courant suivre.
Pour décider du halal et du haram, les oulémas se basent essentiellement sur les textes coraniques. Parmi ces textes, il y a ceux qui sont directs et explicites. Ils ne supportent aucune équivoque. Comme ceux relatifs à l’interdiction des jeux de hasard, de la viande porcine, du vin ou encore du mariage entre musulmans et non croyants. Par ailleurs, il y a des textes implicites qui sont sujets à interprétation. Dans ce cas, les oulémas peuvent se tourner vers le hadith (paroles du Prophète), censé expliquer et compléter le Coran. Là encore, les oulémas s’assurent d’abord de la qualité des hadiths. Ils ne prennent en compte que ceux qui sont authentiques (hadith sahih), dont la source est rigoureusement vérifiée. Toutefois, cette démarche peut s’avérer non concluante. Notamment pour les questions nouvelles, qui sont apparues avec le développement des sociétés, des sciences et des modes de vie. Actuellement, nombreuses sont les questions qui n’ont fait l’objet d’aucun texte coranique et d’aucun hadith, puisqu’il y a 14 siècles elles n’existaient tout simplement pas. Par exemple, le tabac, la gélatine d’origine animale (notamment porcine), les banques, les OGM, le mariage entre une personne atteinte du sida et une personne saine, le clonage, et la liste est longue. Dans ces cas de figure, les oulémas sont obligés de faire de «l’ijtihad» (jurisprudence) basé sur des règles générales de la Charia. «En absence de textes coraniques explicites, les oulémas font appel à des principes généraux de la Charia, comme celui du imam Ibn Hanbal qui dit que le halal est tout ce qui est très proche du bien, et très loin de la débauche et du vice», affirme Ahmed El Khamlichi, directeur de Dar Al Hadith Al Hassania. «Ceci dit, nul individu ne devrait avoir de droit de décider seul du halal ou du haram. Car ceci est une grande responsabilité», précise El Khamlichi. «Cette décision devrait en principe revenir à une institution officielle mandatée par l’ensemble de la Oumma (nation). Malheureusement on trouve toujours des individus qui s’aventurent à donner des fatwas (avis religieux) et parlent au nom de la religion. Ce qui crée d’énormes perturbations chez les gens», ajoute-t-il.
En effet, beaucoup avaient par exemple interdit la musique, la télévision, la peinture ou encore la sculpture, contrairement à d’autres qui les avaient autorisées. Certains interdisent même le yaourt, les crèmes glacées ou les confitures parce qu’ils sont supposés contenir de la gélatine porcine. Les exégèses religieuses fusent, mais sont loin de faire un consensus. «Ce phénomène des fatwas individuelles est difficile, voire impossible à éradiquer. Car il est bien ancré dans nos sociétés musulmanes depuis des siècles», regrette El Khamlichi.
· Un label et un marché en croissance
De nos jours, le halal est surtout associé aux aliments. Le développement de l’industrie agroalimentaire, avec de nouveaux additifs et de nouvelles textures, rend les choses difficiles pour les musulmans soucieux de se conformer à la religion. Des substances chimiques extraites de sources haram, peuvent être intégrées dans des aliments halal et donner lieu à un nouveau produit avec de nouvelles propriétés. Dans ce cas, les avis ne sont pas unanimes. Ce qui ne fait qu’augmenter la confusion. D’autant plus que le recours aux repas rapides et aux plats surgelés, avec des ingrédients à appellations scientifiques ne cesse de s’accroître, augmentant le risque de consommation de produits potentiellement «illicites». Concernant les nouveaux aliments, ne faisant l’objet d’aucune référence coranique claire, les oulémas vérifient en priorité leurs propriétés. Tous les aliments qui ne représentent aucun risque pour la santé sont alors décrétés halal. Par contre, ceux qui présentent des risques sérieux sont interdits.
Certains ont même élaboré des listes détaillées de produits halal et haram. A l’instar Dalil Boubakeur, recteur de l’Institut musulman de la mosquée de Paris. Ce dernier avait édité en 2001 un traité, «Le licite et l’illicite alimentaire en islam», expliquant les grandes lignes du halal et du haram, avec des listes détaillées de tous les aliments licites et illicites par catégories (conserves, surgelés, panes et dérivés glucidiques, additifs, boissons, etc.).
Le halal est même devenu un label, notamment dans les pays occidentaux. Les organismes de certification se sont alors multipliés et ont profité de la manne du «marché» halal.
En France, par exemple, les organismes certificateurs, comme AVS (A Votre Service), MCI (Muslim Conseil International), ou l’association de contrôle et de certification des produitshalal agréée Karama sont nombreux. Ces derniers proposent des systèmes de traçabilité pour appréhender toutes les phases intermédiaires de fabrication ou de production. Les mosquées agréées par l’Etat sont également habilitées à la certification, comme la mosquée de Paris qui a son propre label.
Ces dernières années, le marché du halal ne cesse de prendre de l’ampleur. Son potentiel de croissance est important, eu égard à la croissance de la population musulmane qui pourrait atteindre 30% de la population mondiale en 2025.
.12% des échanges dans le monde
Selon une étude publiée en juillet dernier par Agriculture et Agroalimentaire Canada, un organisme canadien de recherche en matière de sécurité alimentaire, les aliments halal représentent quelque 12% des échanges mondiaux de produits agroalimentaires. Cette part pourrait atteindre les 20% dans les années à venir. La valeur du marché quant à elle varie dans une fourchette allant de 500 milliards à 2 billions de dollars. Le principal marché est constitué de tous les pays musulmans, avec plus de 650 millions d’habitants. Les principaux marchés dans les pays non musulmans sont l’Inde (140 millions de musulmans), la Chine (40 millions) et les Etats-Unis (8 millions). Les principaux pays importateurs d’aliments halal sont l’Arabie saoudite (8,7 milliards de dollars en 2005), la Malaisie (6,6 milliards de dollars en 2006), l’Indonésie (6,2 milliards de dollars en 2006) et les Emirats arabes unis (4,6 milliards de dollars en 2004). En 2005, le Maroc en a importé 2,3 milliards de dollars, et la Tunisie 1,2 milliard de dollars. De leur côté, l’Egypte et l’Algérie en ont importé respectivement 4 et 4,1 milliards de dollars en 2006. L’Australie et le Brésil sont parmi les principaux fournisseurs.
Ahlam NAZIH ( L'economiste)
Pour décider du halal et du haram, les oulémas se basent essentiellement sur les textes coraniques. Parmi ces textes, il y a ceux qui sont directs et explicites. Ils ne supportent aucune équivoque. Comme ceux relatifs à l’interdiction des jeux de hasard, de la viande porcine, du vin ou encore du mariage entre musulmans et non croyants. Par ailleurs, il y a des textes implicites qui sont sujets à interprétation. Dans ce cas, les oulémas peuvent se tourner vers le hadith (paroles du Prophète), censé expliquer et compléter le Coran. Là encore, les oulémas s’assurent d’abord de la qualité des hadiths. Ils ne prennent en compte que ceux qui sont authentiques (hadith sahih), dont la source est rigoureusement vérifiée. Toutefois, cette démarche peut s’avérer non concluante. Notamment pour les questions nouvelles, qui sont apparues avec le développement des sociétés, des sciences et des modes de vie. Actuellement, nombreuses sont les questions qui n’ont fait l’objet d’aucun texte coranique et d’aucun hadith, puisqu’il y a 14 siècles elles n’existaient tout simplement pas. Par exemple, le tabac, la gélatine d’origine animale (notamment porcine), les banques, les OGM, le mariage entre une personne atteinte du sida et une personne saine, le clonage, et la liste est longue. Dans ces cas de figure, les oulémas sont obligés de faire de «l’ijtihad» (jurisprudence) basé sur des règles générales de la Charia. «En absence de textes coraniques explicites, les oulémas font appel à des principes généraux de la Charia, comme celui du imam Ibn Hanbal qui dit que le halal est tout ce qui est très proche du bien, et très loin de la débauche et du vice», affirme Ahmed El Khamlichi, directeur de Dar Al Hadith Al Hassania. «Ceci dit, nul individu ne devrait avoir de droit de décider seul du halal ou du haram. Car ceci est une grande responsabilité», précise El Khamlichi. «Cette décision devrait en principe revenir à une institution officielle mandatée par l’ensemble de la Oumma (nation). Malheureusement on trouve toujours des individus qui s’aventurent à donner des fatwas (avis religieux) et parlent au nom de la religion. Ce qui crée d’énormes perturbations chez les gens», ajoute-t-il.
En effet, beaucoup avaient par exemple interdit la musique, la télévision, la peinture ou encore la sculpture, contrairement à d’autres qui les avaient autorisées. Certains interdisent même le yaourt, les crèmes glacées ou les confitures parce qu’ils sont supposés contenir de la gélatine porcine. Les exégèses religieuses fusent, mais sont loin de faire un consensus. «Ce phénomène des fatwas individuelles est difficile, voire impossible à éradiquer. Car il est bien ancré dans nos sociétés musulmanes depuis des siècles», regrette El Khamlichi.
· Un label et un marché en croissance
De nos jours, le halal est surtout associé aux aliments. Le développement de l’industrie agroalimentaire, avec de nouveaux additifs et de nouvelles textures, rend les choses difficiles pour les musulmans soucieux de se conformer à la religion. Des substances chimiques extraites de sources haram, peuvent être intégrées dans des aliments halal et donner lieu à un nouveau produit avec de nouvelles propriétés. Dans ce cas, les avis ne sont pas unanimes. Ce qui ne fait qu’augmenter la confusion. D’autant plus que le recours aux repas rapides et aux plats surgelés, avec des ingrédients à appellations scientifiques ne cesse de s’accroître, augmentant le risque de consommation de produits potentiellement «illicites». Concernant les nouveaux aliments, ne faisant l’objet d’aucune référence coranique claire, les oulémas vérifient en priorité leurs propriétés. Tous les aliments qui ne représentent aucun risque pour la santé sont alors décrétés halal. Par contre, ceux qui présentent des risques sérieux sont interdits.
Certains ont même élaboré des listes détaillées de produits halal et haram. A l’instar Dalil Boubakeur, recteur de l’Institut musulman de la mosquée de Paris. Ce dernier avait édité en 2001 un traité, «Le licite et l’illicite alimentaire en islam», expliquant les grandes lignes du halal et du haram, avec des listes détaillées de tous les aliments licites et illicites par catégories (conserves, surgelés, panes et dérivés glucidiques, additifs, boissons, etc.).
Le halal est même devenu un label, notamment dans les pays occidentaux. Les organismes de certification se sont alors multipliés et ont profité de la manne du «marché» halal.
En France, par exemple, les organismes certificateurs, comme AVS (A Votre Service), MCI (Muslim Conseil International), ou l’association de contrôle et de certification des produitshalal agréée Karama sont nombreux. Ces derniers proposent des systèmes de traçabilité pour appréhender toutes les phases intermédiaires de fabrication ou de production. Les mosquées agréées par l’Etat sont également habilitées à la certification, comme la mosquée de Paris qui a son propre label.
Ces dernières années, le marché du halal ne cesse de prendre de l’ampleur. Son potentiel de croissance est important, eu égard à la croissance de la population musulmane qui pourrait atteindre 30% de la population mondiale en 2025.
.12% des échanges dans le monde
Selon une étude publiée en juillet dernier par Agriculture et Agroalimentaire Canada, un organisme canadien de recherche en matière de sécurité alimentaire, les aliments halal représentent quelque 12% des échanges mondiaux de produits agroalimentaires. Cette part pourrait atteindre les 20% dans les années à venir. La valeur du marché quant à elle varie dans une fourchette allant de 500 milliards à 2 billions de dollars. Le principal marché est constitué de tous les pays musulmans, avec plus de 650 millions d’habitants. Les principaux marchés dans les pays non musulmans sont l’Inde (140 millions de musulmans), la Chine (40 millions) et les Etats-Unis (8 millions). Les principaux pays importateurs d’aliments halal sont l’Arabie saoudite (8,7 milliards de dollars en 2005), la Malaisie (6,6 milliards de dollars en 2006), l’Indonésie (6,2 milliards de dollars en 2006) et les Emirats arabes unis (4,6 milliards de dollars en 2004). En 2005, le Maroc en a importé 2,3 milliards de dollars, et la Tunisie 1,2 milliard de dollars. De leur côté, l’Egypte et l’Algérie en ont importé respectivement 4 et 4,1 milliards de dollars en 2006. L’Australie et le Brésil sont parmi les principaux fournisseurs.
Ahlam NAZIH ( L'economiste)