Jihâd:analyse grammaticale et herméneutique
La racine JHD renvoie à des mots qui désignent l’effort et la peine. C’est ce
qu’on lit en substance dans un vocabulaire de base comme Lisân al-‘Arab d’Ibn
Manẓûr. Le verbe jahada signifie «effectuer un effort avec assiduité et applica-
tion». Ce qui est caractéristique dans cette description langagière, c’est que la
racine JHD partage avec les autres racines (où les lettres apparaissent dans un
autre ordre comme HJD ou HDJ) une signification commune. Cette inversion
(qalb) est fréquente dans la langue des Arabes comme l’a remarqué Jalâl al-Dîn
al-Suyûtî dans son al-Muẓhir fî ‘ulûm al-lugha. Si on applique la règle de
l’inversion, dans la racine HJD, il y a le verbe tahajjada qui signifie «faire la
prière toute la nuit», une situation qui implique nécessairement l’éveil, rendu
possible par l’effort fourni dans cette circonstance. De même dans la racine HDJ,
on trouve le verbe hadaja qui veut dire «marcher d’un pas tremblant», un acte
qui évoque une situation difficile due à une infirmité, et implique assurément
l’idée de l’effort pour assurer l’acte de marcher.
Dans le vocabulaire soufi, on emploie très peu le mot jihâd, mais plutôt
mujâhada. Le chapitre 76 des Futûḥât est entièrement dédié à la mujâhada. Fin
connaisseur de la science des lettres, Ibn ‘Arabî n’hésite pas à appliquer leur
secret et leur alchimie dans la description de cette notion. Il commence dans ce
chapitre par définir, sur le plan grammatical, les voyelles désignées comme let-
tres faibles (ḥurûf al-‘illa, mot à mot les lettres de la maladie), à savoir le wâw
(و, le alif (ا) et le yâ’ ( ى ).
Le mot ‘illa désigne la cause (sabab), mais aussi la douleur, symptôme de la
maladie. D’ailleurs, la composition du wâw, du alif et du yâ’ donne le mot wây
( واى), sous forme d’onomatopée, qui est l’expression de la douleur. Ces lettres
faibles sont engendrées par les trois désinences ou les signes désinentiels
(ḥarakât) que sont la ḍamma ُ , la fatḥa َ◌ et la kasra ِ .,
1. La ḍamma a engendré le wâw et recèle l’idée de regroupement ou
d’incorporation (ḍamm) des bataillons d’une armée pour se préparer à la guerre.
2. La fatḥa a généré le alif et dérive du terme fatḥ qui est la victoire d’un
vainqueur.
3. La kasra a produit le yâ’ et implique l’idée de l’inkisâr, c’est-à-dire la
défaite d’un vaincu.
Si Ibn ‘Arabî évoque ici ces lettres faibles, c’est pour les rapporter au vocable
‘illa qui définit, d’une part, la cause, parce que ces désinences sont la cause
génératrice des lettres faibles; et, d’autre part, l’idée d’un effort, voire d’un es-
soufflement.
La mujâhada serait donc cet état de labeur, voire de tribulation qui affecte
l’âme par des peines corporelles. Ibn ‘Arabî met la destruction des âmes (itlâf
al-muhaj) à l’apogée de la mujâhada, que ce soit par le martyre ou, dans la tradi-
tion mystique, par la mortification. Notre auteur associe la signification même du
jihâd à cette destruction, par le fait qu’il y ait la perte du corps et effarement de
l’âme. Deux sortes d’âmes éprouvent cette frayeur de perdre le corps: d’une part
une âme attachée à la vie d’ici-bas et dont l’idée de se séparer provoque chez elle
le désarroi et, d’autre part, une âme attachée à la vie éternelle et dont l’idée de
quitter la vie d’ici-bas signifierait l’interruption des œuvres pieuses .
La racine JHD renvoie à des mots qui désignent l’effort et la peine. C’est ce
qu’on lit en substance dans un vocabulaire de base comme Lisân al-‘Arab d’Ibn
Manẓûr. Le verbe jahada signifie «effectuer un effort avec assiduité et applica-
tion». Ce qui est caractéristique dans cette description langagière, c’est que la
racine JHD partage avec les autres racines (où les lettres apparaissent dans un
autre ordre comme HJD ou HDJ) une signification commune. Cette inversion
(qalb) est fréquente dans la langue des Arabes comme l’a remarqué Jalâl al-Dîn
al-Suyûtî dans son al-Muẓhir fî ‘ulûm al-lugha. Si on applique la règle de
l’inversion, dans la racine HJD, il y a le verbe tahajjada qui signifie «faire la
prière toute la nuit», une situation qui implique nécessairement l’éveil, rendu
possible par l’effort fourni dans cette circonstance. De même dans la racine HDJ,
on trouve le verbe hadaja qui veut dire «marcher d’un pas tremblant», un acte
qui évoque une situation difficile due à une infirmité, et implique assurément
l’idée de l’effort pour assurer l’acte de marcher.
Dans le vocabulaire soufi, on emploie très peu le mot jihâd, mais plutôt
mujâhada. Le chapitre 76 des Futûḥât est entièrement dédié à la mujâhada. Fin
connaisseur de la science des lettres, Ibn ‘Arabî n’hésite pas à appliquer leur
secret et leur alchimie dans la description de cette notion. Il commence dans ce
chapitre par définir, sur le plan grammatical, les voyelles désignées comme let-
tres faibles (ḥurûf al-‘illa, mot à mot les lettres de la maladie), à savoir le wâw
(و, le alif (ا) et le yâ’ ( ى ).
Le mot ‘illa désigne la cause (sabab), mais aussi la douleur, symptôme de la
maladie. D’ailleurs, la composition du wâw, du alif et du yâ’ donne le mot wây
( واى), sous forme d’onomatopée, qui est l’expression de la douleur. Ces lettres
faibles sont engendrées par les trois désinences ou les signes désinentiels
(ḥarakât) que sont la ḍamma ُ , la fatḥa َ◌ et la kasra ِ .,
1. La ḍamma a engendré le wâw et recèle l’idée de regroupement ou
d’incorporation (ḍamm) des bataillons d’une armée pour se préparer à la guerre.
2. La fatḥa a généré le alif et dérive du terme fatḥ qui est la victoire d’un
vainqueur.
3. La kasra a produit le yâ’ et implique l’idée de l’inkisâr, c’est-à-dire la
défaite d’un vaincu.
Si Ibn ‘Arabî évoque ici ces lettres faibles, c’est pour les rapporter au vocable
‘illa qui définit, d’une part, la cause, parce que ces désinences sont la cause
génératrice des lettres faibles; et, d’autre part, l’idée d’un effort, voire d’un es-
soufflement.
La mujâhada serait donc cet état de labeur, voire de tribulation qui affecte
l’âme par des peines corporelles. Ibn ‘Arabî met la destruction des âmes (itlâf
al-muhaj) à l’apogée de la mujâhada, que ce soit par le martyre ou, dans la tradi-
tion mystique, par la mortification. Notre auteur associe la signification même du
jihâd à cette destruction, par le fait qu’il y ait la perte du corps et effarement de
l’âme. Deux sortes d’âmes éprouvent cette frayeur de perdre le corps: d’une part
une âme attachée à la vie d’ici-bas et dont l’idée de se séparer provoque chez elle
le désarroi et, d’autre part, une âme attachée à la vie éternelle et dont l’idée de
quitter la vie d’ici-bas signifierait l’interruption des œuvres pieuses .