« Ma religion c’est la liberté » n’en démord pas : le Coran est porteur de modernité et de rationalité, mais son message a été altéré par les hadiths et la charia.
Rencontre avec le doyen de la pensée critique musulmane, Mohamed Talbi. Une interview parue dans « Jeune Afrique »
Salué comme un penseur tolérant et ouvert, il n’en heurtera pas moins nombre de ses coreligionnaires en raison notamment de sa critique radicale des hadiths (traditions relatives aux actes et aux paroles du Prophète), seconde source de la législation après le Coran aux yeux des sunnites. Pionnier du dialogue interreligieux, Talbi ne s’est pas non plus privé de reprocher aux chrétiens de méconnaître l’islam.
Ardent défenseur de la liberté de penser, il dénonce le passéisme du wahhabisme, tout en livrant un combat acharné contre ceux qui osent remettre en question la véracité du Coran, qu’il nomme les « désislamisés ». Personnalité à la fois tolérante et sans demi-mesure, ouverte et radicale, Talbi déroute.
>> Lire aussi « Mohamed Talbi, l’homme qui éclaire l’islam »
En réalité, l’homme qui aime à dire qu’il est « historien et non pas passeur de pommade » est attaché au parler vrai. S’il réclame le droit d’être intransigeant, il ne voue pas pour autant aux gémonies ceux qu’il estime être dans l’erreur, restant à l’écoute de ses contradicteurs, au point de qualifier de « sympathiques » certains pourfendeurs de l’islam tel Michel Houellebecq. Sa liberté de ton, il affirme la tenir du Coran : « Je ne cesserai jamais de dire que l’islam nous donne la liberté, y compris celle d’insulter Dieu… » (Le Monde, 2009).
Son ami le père Michel Lelong le défend en ces termes : « Son sens de la justice et sa quête de la vérité le conduisent parfois à des jugements excessifs. Mais c’est un homme sincère, fondamentalement croyant et profondément attaché au message du Coran. »
En éternel ennemi du wahhabisme et du fondamentalisme, l’auteur du Plaidoyer pour un islam moderne (1998) dénonce l’intention des islamistes d’instaurer des dictatures théocratiques. Et va encore plus loin dans ses déclarations – certains diront ses provocations – en qualifiant par exemple la deuxième épouse du Prophète, Aïcha, de « femme de petite vertu », ou en affirmant que l’islam n’a jamais interdit la prostitution et que les péripatéticiennes ne commettent aucun péché. Mais le tollé soulevé par ses propos n’émeut pas outre mesure Mohamed Talbi, qui continue, depuis sa petite maison du Bardo, de penser et d’écrire comme si de rien n’était.
Jeune Afrique : Vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que nous conduisions notre entretien en français ?
Mohamed Talbi : Pas du tout. Le français est une belle langue, nuancée, fine. Pourquoi la récuserait-on ? Par chauvinisme ou je ne sais quel déni incongru ? C’est notre langue d’ouverture. Nous ne pouvons le nier. C’est une langue de l’islam aussi. Car l’islam n’a pas de langue précise, pas plus que Dieu. Toutes les langues du monde sont les langues de l’islam.
Les musulmans pensent qu’Allah parle arabe…
C’est plutôt le contraire que dit Allah : « Si le Coran avait été révélé ailleurs, il serait descendu dans la langue de la communauté réceptrice. » Cela aurait pu être un Coran non arabe.
Justement. Comment expliquer le manque d’ouverture du monde arabo-musulman et son repli identitaire ?
On ne peut pas empêcher l’homme d’être imbécile, c’est ce qui fait d’ailleurs son charme. L’idiotie est un aspect de l’humain. Imaginez un monde fait d’êtres superintelligents. Il serait insipide. Nous avons besoin d’imbéciles, à condition qu’ils ne deviennent pas explosifs, dans le sens littéral et figuré du terme. J’ai entendu un jour un certain Gassas [député tunisien qui s’est illustré par ses sorties misogynes au sein de l’Assemblée nationale constituante, NDLR] déclarer que, selon la religion, les femmes doivent rester à la maison et qu’elles ne sont que le tiers de l’homme. Comment cela se peut-il dans le monde actuel ? Mais cela est. Ce monsieur croyait dire la vérité.
L’Occident a sa part aussi dans la bêtise. George W. Bush est-il un homme intelligent ? Je me le demande. Il n’a fait que se tromper, alors qu’il était entouré des plus grands experts et intellectuels de la planète. Qui l’a poussé à aller en Irak ? Pourquoi a-t-il menti sur les prétendues armes de destruction massive qu’aurait détenues Saddam ? Voilà le chef du pays le plus puissant du monde qui se révèle être l’un des plus grands imbéciles ! Notre Gassas est folklorique. Mais Bush est dangereux, et il l’a démontré. Les musulmans n’ont pas l’apanage de la bêtise.
Suite....
Rencontre avec le doyen de la pensée critique musulmane, Mohamed Talbi. Une interview parue dans « Jeune Afrique »
Salué comme un penseur tolérant et ouvert, il n’en heurtera pas moins nombre de ses coreligionnaires en raison notamment de sa critique radicale des hadiths (traditions relatives aux actes et aux paroles du Prophète), seconde source de la législation après le Coran aux yeux des sunnites. Pionnier du dialogue interreligieux, Talbi ne s’est pas non plus privé de reprocher aux chrétiens de méconnaître l’islam.
Ardent défenseur de la liberté de penser, il dénonce le passéisme du wahhabisme, tout en livrant un combat acharné contre ceux qui osent remettre en question la véracité du Coran, qu’il nomme les « désislamisés ». Personnalité à la fois tolérante et sans demi-mesure, ouverte et radicale, Talbi déroute.
>> Lire aussi « Mohamed Talbi, l’homme qui éclaire l’islam »
En réalité, l’homme qui aime à dire qu’il est « historien et non pas passeur de pommade » est attaché au parler vrai. S’il réclame le droit d’être intransigeant, il ne voue pas pour autant aux gémonies ceux qu’il estime être dans l’erreur, restant à l’écoute de ses contradicteurs, au point de qualifier de « sympathiques » certains pourfendeurs de l’islam tel Michel Houellebecq. Sa liberté de ton, il affirme la tenir du Coran : « Je ne cesserai jamais de dire que l’islam nous donne la liberté, y compris celle d’insulter Dieu… » (Le Monde, 2009).
Son ami le père Michel Lelong le défend en ces termes : « Son sens de la justice et sa quête de la vérité le conduisent parfois à des jugements excessifs. Mais c’est un homme sincère, fondamentalement croyant et profondément attaché au message du Coran. »
En éternel ennemi du wahhabisme et du fondamentalisme, l’auteur du Plaidoyer pour un islam moderne (1998) dénonce l’intention des islamistes d’instaurer des dictatures théocratiques. Et va encore plus loin dans ses déclarations – certains diront ses provocations – en qualifiant par exemple la deuxième épouse du Prophète, Aïcha, de « femme de petite vertu », ou en affirmant que l’islam n’a jamais interdit la prostitution et que les péripatéticiennes ne commettent aucun péché. Mais le tollé soulevé par ses propos n’émeut pas outre mesure Mohamed Talbi, qui continue, depuis sa petite maison du Bardo, de penser et d’écrire comme si de rien n’était.
Jeune Afrique : Vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que nous conduisions notre entretien en français ?
Mohamed Talbi : Pas du tout. Le français est une belle langue, nuancée, fine. Pourquoi la récuserait-on ? Par chauvinisme ou je ne sais quel déni incongru ? C’est notre langue d’ouverture. Nous ne pouvons le nier. C’est une langue de l’islam aussi. Car l’islam n’a pas de langue précise, pas plus que Dieu. Toutes les langues du monde sont les langues de l’islam.
Les musulmans pensent qu’Allah parle arabe…
C’est plutôt le contraire que dit Allah : « Si le Coran avait été révélé ailleurs, il serait descendu dans la langue de la communauté réceptrice. » Cela aurait pu être un Coran non arabe.
Justement. Comment expliquer le manque d’ouverture du monde arabo-musulman et son repli identitaire ?
On ne peut pas empêcher l’homme d’être imbécile, c’est ce qui fait d’ailleurs son charme. L’idiotie est un aspect de l’humain. Imaginez un monde fait d’êtres superintelligents. Il serait insipide. Nous avons besoin d’imbéciles, à condition qu’ils ne deviennent pas explosifs, dans le sens littéral et figuré du terme. J’ai entendu un jour un certain Gassas [député tunisien qui s’est illustré par ses sorties misogynes au sein de l’Assemblée nationale constituante, NDLR] déclarer que, selon la religion, les femmes doivent rester à la maison et qu’elles ne sont que le tiers de l’homme. Comment cela se peut-il dans le monde actuel ? Mais cela est. Ce monsieur croyait dire la vérité.
L’Occident a sa part aussi dans la bêtise. George W. Bush est-il un homme intelligent ? Je me le demande. Il n’a fait que se tromper, alors qu’il était entouré des plus grands experts et intellectuels de la planète. Qui l’a poussé à aller en Irak ? Pourquoi a-t-il menti sur les prétendues armes de destruction massive qu’aurait détenues Saddam ? Voilà le chef du pays le plus puissant du monde qui se révèle être l’un des plus grands imbéciles ! Notre Gassas est folklorique. Mais Bush est dangereux, et il l’a démontré. Les musulmans n’ont pas l’apanage de la bêtise.
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