L’astronomie
Seyyed Hossein Nasr
En astronomie, les musulmans ont continué la tradition de Ptolémée, tout en faisant un usage constant du savoir des Persans et des Indiens. Les premiers astronomes de l'Islam, qui brillèrent au cours de la seconde moitié du 2e /8e siècle, à Bagdad, se fondaient essentiellement sur les tables astronomiques persanes et indiennes. Le plus important traité d'astronomie qui ait survécu de la Perse anté-islamique est le Zéj-i Châht où Zij-i Chahriyâri - les Tables du Roi — composé en 555, sous le règne du roi
sassanide Anûchirawän le Juste, et fondé dans une large mesure sur les théories et l'expérience des Indiens.
Cet ouvrage était à l'astronomie des Sassanides ce que les Siddhânta étaient aux Indiens, et l’Almageste aux Grecs; il joua un rôle aussi important dans la formation de l'astronomie islamique que ces deux autres sources, Ce texte, qui présente plus d’un trait particulier — notamment celui de faire commencer le jour à minuit — fut traduit en arabe par Abl-Hasan Et-Tamimi avec un commentaire d’Abû Ma’char — l’Albumasar des Latins - le plus connu des astrologues musulmans. Le Zij-i Châhi fut la base de travail d’astronomes comme Ibn En-Naubakht et Mâché’alläh, illustres à l’époque d'El-Mansür, et qui participèrent aux calculs préliminaires à la fonda- tion de la ville de Bagdad. Les Sassanides transmirent également quelques traités d’astrologie mettant l'accent sur la conjonction Jupiter-Saturne, qu’on retrouvera chez les musulmans.
C'est avec le premier astronome ofliciel des Abbassides, Mohammed El-Fazâri, mort vers 161 (777, que l'influence ecte de l'Inde l’emporta. Une mission indienne se rendit à Bagdad en 155/771, pour y enseigner les sciences indiennes, et aider à la traduction de textes en arabe. Un an ou deux plus tard parut le 25 d’El-Fazâri, composé à partir du Siddhânta de Brahmagupta. El-Fazâri est aussi l'auteur de poèmes astronomiques, et le premier constructeur musulman d’astrolabe, instrument appelé à jouer un grand rôle dans les pays d’Islam. Son principal ouvrage, connu sous le nom de Grand Siddhänta, fut l’unique fondement de l'astronomie jusqu’à l’époque d’El-Ma’mûn au 30 /9e siècle.
Un contemporain d'El-Fazäri, Ya’qûb Ibn Târig contribua également à initier l'Islam à l'astronomie; il avait étudié cette science avec un maître indien, et s’y était fait un nom. Ce sont essentiellement ces deux hommes qui ont introduit l'astronomie et les mathématiques de l'Inde dans le courant des études scientifiques en Islam. D’autres textes sanskrits comme le Siddhânta d’Aryabhata, furent également diffusés à cette époque, et constituèrent avec les œuvres persanes que l’on sait, les sources autorisées jusqu’à l'apparition des ouvrages grecs en arabe.
Pendant le mouvement intensif qui prit place au siècle d'El-Ma’mûn, pour la traduction des œuvres étrangères en arabe, les textes d'astronomie furent en effet l’un des apports majeurs de la science grecque, et ils prirent la place d’une partie des livres persans et indiens jusqu'alors seuls connus. L’Almageste fut traduit plusieurs fois, de même que la Tétra-bible, et les tables astronomiques de Ptolémée, connues sous le titre de Canones prokeyroy.
Les traductions du syriaque s’ajoutèrent à celles du grec: avec un tel bagage l'essor de l'astronomie en Islam
Le début du siècle fut dominé par Habach El-Hâsib, qui procéda à la mise au point des < tables d'El-Ma’mûn », El-Khuwârazmi, qui outre son œuvre mathématique laissa d'excellentes tables astronomiques, et Abû Ma’char. Ce dernier est l’astrologue musulman le plus cité en Occident; sa Grande introduction à l'astrologie fut traduite et imprimée plusieurs fois en latin. El-Farghâni — Alfraganus — auteur d’éléments d'astronomie très connus, appartient également à l'époque d'El-Ma’mûn.
Au cours de la seconde moitié du siècle, l'étude de l'astronomie continua de se répandre. El-Nayrii - Anaritius — commenta l’Almageste et composa le tr le plus complet en arabe sur l’astrolabe sphérique. Thâbit Ibn Qurrah, son contemporain, eut une influence capitale sur l'astronomie, avec la théorie du mouvement oscillatoire des équinoxes. Pour rendre compte de cette « trépidation », il ajouta une neuvième sphère à l'astronomie de Ptolémée, innovation qui fut adoptée par la majorité des savants musulmans.
Son compatriote El-Battâni — Albategnius — pour- suivit ses travaux dans cette direction, mais sans admettre la théorie de la trépidation. Ses observations sont parmi les plus pertinentes de l’histoire de cette science en Islam; il découvrit l'augmentation de l'apogée du soleil depuis le temps de Ptolémée, ce qui lui permit de saisir la variation des apsides solaires. Il put déterminer la précession à 545” par an et l’inclinaison de l’écliptique à 230 35°. Il mit au point une nouvelle méthode pour déterminer le temps de la nouvelle lune, et observer les éclipses solaires et lunaires; Dunthorn s’en servit au 182 siècle pour déter- miner le changement progressif du mouvement de la lune. Les travaux d'El-Battnf, qui comportent aussi des tables, étaient connus en Occident sous le titre De scientia stella- rum, qui fut l’un des ouvrages de base pour l'astronomie, jusqu'à la Renaissance. Il n’est donc pas surprenant que ces travaux, édités, traduits et commentés par l'érudit italien Nallino, aient fait l’objet à l’époque moderne d’une étude plus approfondie que les ouvrages des autres astronomes musulmans.
L'observation des astres se poursuivit au 4e /10e siècle, avec des hommes comme Abû Sahl El-Kähi, et Abd er- Rahmân Es-Sûfi, Ce dernier est particulièrement connu par ses Figures des étoiles, que le grand historien des sciences G. Sarton, considère avec les zij d’Ibn Yünus et d'Ulugh Beg, comme les trois chefs-d’œuvre de cette époque. Le livre donne une carte des étoiles fixes, et fut très largement diffusé en Orient et en Occident ; les manuscrits sont parmi les plus beaux des sciences médiévales. Cest à la même époque que se sont distingués Abü Sa”id Es-Sijzi, inventeur d’un astrolabe conçu sur un modèle héliocentrique, et Ab’l-Wafà’ El-Burjäni. Astronome et mathématicien accompli, auteur d’une version simplifiée de l'Almageste, destinée au grand public, celui-ci parle de la seconde partie de l’éveetion de la lune, en des termes qui ont amené, au 192 siècle, le savant français Louis- Armand Sédillot, à engager une longue controverse sur l’éventuelle découverte de la troisième inégalité de la lune par Abü’l-Wafà’ avec les partisans de Tycho-Brahé.
On ne peut manquer de mentionner ici un contemporain d’Aba’I-Wafà, l’astronome et alchimiste andalou, Abû Qâsim El-Majriti, dont la réputation principale est liée à des travaux d’occultisme hermétique. Mais El-Majriti fut aussi un grand astronome, à qui l’on doit un commentaire des Tables de Mohammed Ibn Mûsà El-Khuwârazmi et du Planisphaerium de Ptolémée, et un traité de l’astrolabe. C'est lui et son élève El-Kirmâni qui firent connaître les Lettres des Frères de la Pureté en Andalou:
Le 5e/11e siècle marque l'apogée des sciences dans les pays d’Islam. Plusieurs grands astronomes y ont figuré, comme El-Birûni, dont la détermination des longitudes et
des latitudes, les mesures géodésiques, et plusieurs calculs d'importance majeure, ont fait autorité. Ibn Yânus, astro- nome de la Cour Fatimide du Caire, mit au point en 397 / 1007, des tables remarquables qui sont parmi les plus précises de l'époque musulmane. Les historiens des sciences, comme Sarton, le considèrent comme le premier astronome; également versé dans les mathématiques, il avait résolu les problèmes de la trigonométrie sphérique par les projections orthogonales, et étudié pour la pre- mière fois les oscillations isométriques du pendule — cette étude devait permettre par la suite de construire des horloges mécaniques.
Au eours de la seconde moitié du siècle, le grand astronome espagnol Ez-Zarqâli invente un nouvel instrument, la sahifah — saphaea Arzachelis — qui fut très répandu; on lui attribue également la preuve explicite du déplace- ment de l'apogée du soleil par rapport aux étoiles fixes. Mais le sommet de son œuvre est l'édition des Ztj de Tolède, composés avec une équipe de savants juifs et musulmans, et largement utilisés par les astronomes des pays latins et islamiques aux siècles suivants.
Après Ez-Zarqâli, l'astronomie espagnole s’engagea dans une critique de la théorie des es, et s’éloigna de Ptolémée. Au 6e /12e sièele, Jâbir Ibn Aflah, également appelé « Geber » en Occident — et de ce fait souvent confondu avec le célèbre alchimiste — entreprit une eri- tique de l’ensemble du système plan de Ptolémée. Les philosophes Ibn Bâjja et Ibn Tufayl — l'Avempace et l'Abubacher des Latins — firent écho à cette critique. Ibn a, influencé par la cosmologie aristotélicienne qui s'imposait dans l'Andalousie de l'époque, proposa un système fondé seulement sur des cercles excentriques; Ibn Tufayl avança une théorie qui fut développée par son élève El-Bitrûji — Alpetragius — au 7e/13e siècle. Il s'agit d’un système de sphères homocentriques très élaboré, appelé « théorie du mouvement spiral », eu égard au mouvement apparent des planètes. Bien que c4 veau système ne présentât guère d'avantages par rapport à celui de Ptolémée, et qu'il ne fût pas adopté à sa place, la critique d’El-Bitrâji et de ses prédéces par les astronomes de la Renaissance, pour en finir avec cette astronomie d’un autre âge.
En Orient, l’utilisation du système de Ptolémée engen- dra également une certaine insatisfaction. Au 6e /12e siècle El-Khâzini composa les Ztj Sandjari, auxquels su dèrent au 7e /13e siècle, les Ztj Ilkhanides, fruit des observations de Maragha. Mais l’astronome en chef de Maragha, Nasir ed-Din Et-Tüsi, critiquait déjà sévèrement le système de Ptolémée, dans son Mémorial de l'astronomie. Il proposa un nouveau modèle planétaire qui devait être travaillé et complété par son élève Qutb ed-Din Ech- Chirâzi. Pour être plus fidèle au concept de nature sph rique des cieux, il plaçait la terre au centre géométrique des sphères terrestres et non, comme dans le système ptoléméen, à une certaine distance du dit centre. Ét-Tüsi voulut expliquer le mouvement apparent des planètes par l’idée de deux sphères tournant l’une dans l’autre. Cest pourquoi l'historien américain des mathématiques musulmanes, E.S. Kennedy, qui découvrit ce modèle planétaire, l'appela le Couple de Tüst: il représente en effet la somme de deux vecteurs mobil
nou-
Et-Tûst comptait étendre ses calculs à l'ensemble des planètes, mais il ne put achever son modèle. Son élève le plus proche, Qutb ed-Din Ech-Chirâzi, étudia une variante du « couple » pour Mercure, et l’astronome damascène Ibn Ech-Châtir y ajouta le modèle lunaire, qui figure dans son texte de l'Etude finale pour la correction des éléments. Se référant au modèle d'Et-Tûsi, il se dispensa de la théorie ptoléméenne, et introduisit un second épicycle dans les systèmes du soleil et de la lune. La théorie de la lune proposée deux siècles plus tard par Copernic est la même que celle d’Ibn Ech-Châtir, dont il semble qu’il ait eu connaissance, sans doute dans une traduction byzan- tine. Tout ce que les travaux de Copernic ont apporté de neuf en astronomie se trouve intégralement dans les œuvres de l’école de Tüsi.
La tradition de Maragha fut poursuivie par les élèves de Nasir ed-Din, comme Qutb ed-Din Ech-Chirâzi et Muhyi ed-Din El-Maghribi, et par l'académie rassemblée par Ulugh Beg à Samarcande, où #’illustrèrent Ghiyâth ed-Din El-Kächâni et Qüehtehi. Elle a survécu jusqu'à l'époque moderne, dans différents endroits du monde musulman, comme le Nord de l'Inde, la Perse, et dans une certaine mesure le Maroc. De nombreux commentaires d'œuvres antérieures ont été écrits, comme celui du Traité d'astronomie de Qüchtehi, par "Abd el-Hayy Lârt au 11e/ 17 siècle, très populaire en Perse jusqu’à notre époque.
L’astronomie islamique continua de réduire les lacunes
eu connaissance, sans doute dans une traduction byzan- tine. Tout ce que les travaux de Copernic ont apporté de neuf en astronomie se trouve intégralement dans les œuvres de l’école de Tüsi.
La tradition de Maragha fut poursuivie par les élèves de Nasir ed-Din, comme Qutb ed-Din Ech-Chirâzi et Muhyi ed-Din El-Maghribi, et par l'académie rassemblée par Ulugh Beg à Samarcande, où #’illustrèrent Ghiyâth ed-Din El-Kächâni et Qüehtehi. Elle a survécu jusqu'à l'époque moderne, dans différents endroits du monde musulman, comme le Nord de l'Inde, la Perse, et dans une certaine mesure le Maroc. De nombreux commentaires d'œuvres antérieures ont été écrits, comme celui du Traité d'astronomie de Qüchtehi, par "Abd el-Hayy Lârt au 11e/ 17 e siècle, très populaire en Perse jusqu’à notre époque.
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Seyyed Hossein Nasr
En astronomie, les musulmans ont continué la tradition de Ptolémée, tout en faisant un usage constant du savoir des Persans et des Indiens. Les premiers astronomes de l'Islam, qui brillèrent au cours de la seconde moitié du 2e /8e siècle, à Bagdad, se fondaient essentiellement sur les tables astronomiques persanes et indiennes. Le plus important traité d'astronomie qui ait survécu de la Perse anté-islamique est le Zéj-i Châht où Zij-i Chahriyâri - les Tables du Roi — composé en 555, sous le règne du roi
sassanide Anûchirawän le Juste, et fondé dans une large mesure sur les théories et l'expérience des Indiens.
Cet ouvrage était à l'astronomie des Sassanides ce que les Siddhânta étaient aux Indiens, et l’Almageste aux Grecs; il joua un rôle aussi important dans la formation de l'astronomie islamique que ces deux autres sources, Ce texte, qui présente plus d’un trait particulier — notamment celui de faire commencer le jour à minuit — fut traduit en arabe par Abl-Hasan Et-Tamimi avec un commentaire d’Abû Ma’char — l’Albumasar des Latins - le plus connu des astrologues musulmans. Le Zij-i Châhi fut la base de travail d’astronomes comme Ibn En-Naubakht et Mâché’alläh, illustres à l’époque d'El-Mansür, et qui participèrent aux calculs préliminaires à la fonda- tion de la ville de Bagdad. Les Sassanides transmirent également quelques traités d’astrologie mettant l'accent sur la conjonction Jupiter-Saturne, qu’on retrouvera chez les musulmans.
C'est avec le premier astronome ofliciel des Abbassides, Mohammed El-Fazâri, mort vers 161 (777, que l'influence ecte de l'Inde l’emporta. Une mission indienne se rendit à Bagdad en 155/771, pour y enseigner les sciences indiennes, et aider à la traduction de textes en arabe. Un an ou deux plus tard parut le 25 d’El-Fazâri, composé à partir du Siddhânta de Brahmagupta. El-Fazâri est aussi l'auteur de poèmes astronomiques, et le premier constructeur musulman d’astrolabe, instrument appelé à jouer un grand rôle dans les pays d’Islam. Son principal ouvrage, connu sous le nom de Grand Siddhänta, fut l’unique fondement de l'astronomie jusqu’à l’époque d’El-Ma’mûn au 30 /9e siècle.
Un contemporain d'El-Fazäri, Ya’qûb Ibn Târig contribua également à initier l'Islam à l'astronomie; il avait étudié cette science avec un maître indien, et s’y était fait un nom. Ce sont essentiellement ces deux hommes qui ont introduit l'astronomie et les mathématiques de l'Inde dans le courant des études scientifiques en Islam. D’autres textes sanskrits comme le Siddhânta d’Aryabhata, furent également diffusés à cette époque, et constituèrent avec les œuvres persanes que l’on sait, les sources autorisées jusqu’à l'apparition des ouvrages grecs en arabe.
Pendant le mouvement intensif qui prit place au siècle d'El-Ma’mûn, pour la traduction des œuvres étrangères en arabe, les textes d'astronomie furent en effet l’un des apports majeurs de la science grecque, et ils prirent la place d’une partie des livres persans et indiens jusqu'alors seuls connus. L’Almageste fut traduit plusieurs fois, de même que la Tétra-bible, et les tables astronomiques de Ptolémée, connues sous le titre de Canones prokeyroy.
Les traductions du syriaque s’ajoutèrent à celles du grec: avec un tel bagage l'essor de l'astronomie en Islam
Le début du siècle fut dominé par Habach El-Hâsib, qui procéda à la mise au point des < tables d'El-Ma’mûn », El-Khuwârazmi, qui outre son œuvre mathématique laissa d'excellentes tables astronomiques, et Abû Ma’char. Ce dernier est l’astrologue musulman le plus cité en Occident; sa Grande introduction à l'astrologie fut traduite et imprimée plusieurs fois en latin. El-Farghâni — Alfraganus — auteur d’éléments d'astronomie très connus, appartient également à l'époque d'El-Ma’mûn.
Au cours de la seconde moitié du siècle, l'étude de l'astronomie continua de se répandre. El-Nayrii - Anaritius — commenta l’Almageste et composa le tr le plus complet en arabe sur l’astrolabe sphérique. Thâbit Ibn Qurrah, son contemporain, eut une influence capitale sur l'astronomie, avec la théorie du mouvement oscillatoire des équinoxes. Pour rendre compte de cette « trépidation », il ajouta une neuvième sphère à l'astronomie de Ptolémée, innovation qui fut adoptée par la majorité des savants musulmans.
Son compatriote El-Battâni — Albategnius — pour- suivit ses travaux dans cette direction, mais sans admettre la théorie de la trépidation. Ses observations sont parmi les plus pertinentes de l’histoire de cette science en Islam; il découvrit l'augmentation de l'apogée du soleil depuis le temps de Ptolémée, ce qui lui permit de saisir la variation des apsides solaires. Il put déterminer la précession à 545” par an et l’inclinaison de l’écliptique à 230 35°. Il mit au point une nouvelle méthode pour déterminer le temps de la nouvelle lune, et observer les éclipses solaires et lunaires; Dunthorn s’en servit au 182 siècle pour déter- miner le changement progressif du mouvement de la lune. Les travaux d'El-Battnf, qui comportent aussi des tables, étaient connus en Occident sous le titre De scientia stella- rum, qui fut l’un des ouvrages de base pour l'astronomie, jusqu'à la Renaissance. Il n’est donc pas surprenant que ces travaux, édités, traduits et commentés par l'érudit italien Nallino, aient fait l’objet à l’époque moderne d’une étude plus approfondie que les ouvrages des autres astronomes musulmans.
L'observation des astres se poursuivit au 4e /10e siècle, avec des hommes comme Abû Sahl El-Kähi, et Abd er- Rahmân Es-Sûfi, Ce dernier est particulièrement connu par ses Figures des étoiles, que le grand historien des sciences G. Sarton, considère avec les zij d’Ibn Yünus et d'Ulugh Beg, comme les trois chefs-d’œuvre de cette époque. Le livre donne une carte des étoiles fixes, et fut très largement diffusé en Orient et en Occident ; les manuscrits sont parmi les plus beaux des sciences médiévales. Cest à la même époque que se sont distingués Abü Sa”id Es-Sijzi, inventeur d’un astrolabe conçu sur un modèle héliocentrique, et Ab’l-Wafà’ El-Burjäni. Astronome et mathématicien accompli, auteur d’une version simplifiée de l'Almageste, destinée au grand public, celui-ci parle de la seconde partie de l’éveetion de la lune, en des termes qui ont amené, au 192 siècle, le savant français Louis- Armand Sédillot, à engager une longue controverse sur l’éventuelle découverte de la troisième inégalité de la lune par Abü’l-Wafà’ avec les partisans de Tycho-Brahé.
On ne peut manquer de mentionner ici un contemporain d’Aba’I-Wafà, l’astronome et alchimiste andalou, Abû Qâsim El-Majriti, dont la réputation principale est liée à des travaux d’occultisme hermétique. Mais El-Majriti fut aussi un grand astronome, à qui l’on doit un commentaire des Tables de Mohammed Ibn Mûsà El-Khuwârazmi et du Planisphaerium de Ptolémée, et un traité de l’astrolabe. C'est lui et son élève El-Kirmâni qui firent connaître les Lettres des Frères de la Pureté en Andalou:
Le 5e/11e siècle marque l'apogée des sciences dans les pays d’Islam. Plusieurs grands astronomes y ont figuré, comme El-Birûni, dont la détermination des longitudes et
des latitudes, les mesures géodésiques, et plusieurs calculs d'importance majeure, ont fait autorité. Ibn Yânus, astro- nome de la Cour Fatimide du Caire, mit au point en 397 / 1007, des tables remarquables qui sont parmi les plus précises de l'époque musulmane. Les historiens des sciences, comme Sarton, le considèrent comme le premier astronome; également versé dans les mathématiques, il avait résolu les problèmes de la trigonométrie sphérique par les projections orthogonales, et étudié pour la pre- mière fois les oscillations isométriques du pendule — cette étude devait permettre par la suite de construire des horloges mécaniques.
Au eours de la seconde moitié du siècle, le grand astronome espagnol Ez-Zarqâli invente un nouvel instrument, la sahifah — saphaea Arzachelis — qui fut très répandu; on lui attribue également la preuve explicite du déplace- ment de l'apogée du soleil par rapport aux étoiles fixes. Mais le sommet de son œuvre est l'édition des Ztj de Tolède, composés avec une équipe de savants juifs et musulmans, et largement utilisés par les astronomes des pays latins et islamiques aux siècles suivants.
Après Ez-Zarqâli, l'astronomie espagnole s’engagea dans une critique de la théorie des es, et s’éloigna de Ptolémée. Au 6e /12e sièele, Jâbir Ibn Aflah, également appelé « Geber » en Occident — et de ce fait souvent confondu avec le célèbre alchimiste — entreprit une eri- tique de l’ensemble du système plan de Ptolémée. Les philosophes Ibn Bâjja et Ibn Tufayl — l'Avempace et l'Abubacher des Latins — firent écho à cette critique. Ibn a, influencé par la cosmologie aristotélicienne qui s'imposait dans l'Andalousie de l'époque, proposa un système fondé seulement sur des cercles excentriques; Ibn Tufayl avança une théorie qui fut développée par son élève El-Bitrûji — Alpetragius — au 7e/13e siècle. Il s'agit d’un système de sphères homocentriques très élaboré, appelé « théorie du mouvement spiral », eu égard au mouvement apparent des planètes. Bien que c4 veau système ne présentât guère d'avantages par rapport à celui de Ptolémée, et qu'il ne fût pas adopté à sa place, la critique d’El-Bitrâji et de ses prédéces par les astronomes de la Renaissance, pour en finir avec cette astronomie d’un autre âge.
En Orient, l’utilisation du système de Ptolémée engen- dra également une certaine insatisfaction. Au 6e /12e siècle El-Khâzini composa les Ztj Sandjari, auxquels su dèrent au 7e /13e siècle, les Ztj Ilkhanides, fruit des observations de Maragha. Mais l’astronome en chef de Maragha, Nasir ed-Din Et-Tüsi, critiquait déjà sévèrement le système de Ptolémée, dans son Mémorial de l'astronomie. Il proposa un nouveau modèle planétaire qui devait être travaillé et complété par son élève Qutb ed-Din Ech- Chirâzi. Pour être plus fidèle au concept de nature sph rique des cieux, il plaçait la terre au centre géométrique des sphères terrestres et non, comme dans le système ptoléméen, à une certaine distance du dit centre. Ét-Tüsi voulut expliquer le mouvement apparent des planètes par l’idée de deux sphères tournant l’une dans l’autre. Cest pourquoi l'historien américain des mathématiques musulmanes, E.S. Kennedy, qui découvrit ce modèle planétaire, l'appela le Couple de Tüst: il représente en effet la somme de deux vecteurs mobil
nou-
Et-Tûst comptait étendre ses calculs à l'ensemble des planètes, mais il ne put achever son modèle. Son élève le plus proche, Qutb ed-Din Ech-Chirâzi, étudia une variante du « couple » pour Mercure, et l’astronome damascène Ibn Ech-Châtir y ajouta le modèle lunaire, qui figure dans son texte de l'Etude finale pour la correction des éléments. Se référant au modèle d'Et-Tûsi, il se dispensa de la théorie ptoléméenne, et introduisit un second épicycle dans les systèmes du soleil et de la lune. La théorie de la lune proposée deux siècles plus tard par Copernic est la même que celle d’Ibn Ech-Châtir, dont il semble qu’il ait eu connaissance, sans doute dans une traduction byzan- tine. Tout ce que les travaux de Copernic ont apporté de neuf en astronomie se trouve intégralement dans les œuvres de l’école de Tüsi.
La tradition de Maragha fut poursuivie par les élèves de Nasir ed-Din, comme Qutb ed-Din Ech-Chirâzi et Muhyi ed-Din El-Maghribi, et par l'académie rassemblée par Ulugh Beg à Samarcande, où #’illustrèrent Ghiyâth ed-Din El-Kächâni et Qüehtehi. Elle a survécu jusqu'à l'époque moderne, dans différents endroits du monde musulman, comme le Nord de l'Inde, la Perse, et dans une certaine mesure le Maroc. De nombreux commentaires d'œuvres antérieures ont été écrits, comme celui du Traité d'astronomie de Qüchtehi, par "Abd el-Hayy Lârt au 11e/ 17 siècle, très populaire en Perse jusqu’à notre époque.
L’astronomie islamique continua de réduire les lacunes
eu connaissance, sans doute dans une traduction byzan- tine. Tout ce que les travaux de Copernic ont apporté de neuf en astronomie se trouve intégralement dans les œuvres de l’école de Tüsi.
La tradition de Maragha fut poursuivie par les élèves de Nasir ed-Din, comme Qutb ed-Din Ech-Chirâzi et Muhyi ed-Din El-Maghribi, et par l'académie rassemblée par Ulugh Beg à Samarcande, où #’illustrèrent Ghiyâth ed-Din El-Kächâni et Qüehtehi. Elle a survécu jusqu'à l'époque moderne, dans différents endroits du monde musulman, comme le Nord de l'Inde, la Perse, et dans une certaine mesure le Maroc. De nombreux commentaires d'œuvres antérieures ont été écrits, comme celui du Traité d'astronomie de Qüchtehi, par "Abd el-Hayy Lârt au 11e/ 17 e siècle, très populaire en Perse jusqu’à notre époque.
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