Il s’agit d’un fragment qui a survécu d’une « Carte du monde » de 1553 réalisée sur une peau de chevreuil. Problème : cette carte illustre les côtes Ouest de l’Europe, une partie de l’Afrique de l’Ouest et la côte Est de l’Amérique du Sud. Elle est très en avance sur son temps. Réalisée par l’amiral ottoman Mahyeddine Piri Reis, cette description minutieuse du monde a fait l’objet de nombreuses expertises depuis sa découverte en 1929 lors de la rénovation du Musée.
Son exactitude laisse les chercheurs perplexes quant à la description des contours géographiques sud-américains et de l’Antarctique d’avant la chape de glace qui recouvre cette partie du monde depuis 6.000 ans.
Le commandant Larsen de l’Office hydrographique de la marine des Etats-Unis note qu’elle est « tellement précise que seule une reconnaissance aérienne pourrait l’expliquer. À première vue, l’Office hydrographique s’est refusée d’y croire, mais il a fini par constater l’authenticité de la carte et il s’en est même servi pour corriger certaines cartes contemporaines ».
Son collègue, Arlington H. Mallery, officier de l’US Navy, passe pour une autorité dans le domaine de la cartographie. L’ingénieur qui n’est pas amateur de civilisations extra-terrestres reconnaît immédiatement les baies et les îles de la partie méridionale du continent et déclare que de toute évidence, quelqu’un avait fait ce relevé avant l’apparition des glaces.
Il affirme que « la carte (de Piri Reis) a relevé chaque chaîne de montagne au Canada septentrional et en Alaska, y compris des chaînes qui ne se trouvaient pas sur les cartes du service cartographique de l’armée américaine. L’erreur a été corrigée depuis. »
Du coup, c’est l’emballement chez les scientifiques à partir de 1959.
Expertise au carbone 14
Il était impossible, au XVIe siècle, de décrire cette région de l’Antarctique dont le tracé ne sera fait qu’en 1949 sur la base de relevés sismiques lors d’une expédition polaire anglo-suédoise. Le Groenland est représenté sous la forme de deux grandes îles principales. L’information a été confirmée récemment par une expédition polaire aux moyens de sondages magnétiques. Et pour compliquer l’affaire, l’Antarctique ne fut découvert qu’en 1918.
L’intrigue continue avec la description topographique de la cordillère des Andes comportant l’illustration de bovidés, le lama et des fauves typiques de l’Amérique du Sud qui ne seront décrits qu’aux débuts du XVIIe siècle pour la première fois, par les Conquistadors espagnols.
La mystérieuse carte décrit tout aussi les Iles Malouines et l’île de Marajo à l’embouchure de l’Amazonie qui ne seront connues que plus tard.
Pour la communauté scientifique, le doute est total. Et pour cause ! Le niveau de connaissances de cette époque lointaine ne pouvait pas permettre une telle précision. La carte est alors soumise au carbone 14. Le diagnostic est affirmatif ; l’œuvre remonte bien au XVIe siècle. Après ces analyses, c’est le silence embarrassé.
Addiction à la cartographie
Piri Reis qui fut amiral de la flotte d’Egypte sous le règne du sultan Souleymane le Magnifique est issu d’une lignée de marins. Il est neveu de l’amiral Camali et maîtrise plusieurs langues dont le grec, l’espagnol, l’italien, le portugais et l’arabe. Il a navigué en Méditerranée, en mer Rouge, aux Balkans et dans l’océan Indien. Il a peut-être fait quelques apparitions sur les côtes Atlantiques. Il est connu surtout pour être l’auteur d’un ouvrage Kitabi el bahryé ou Livre de la navigation illustré par plus de 200 cartes. La copie de la Bibliothèque nationale de France est mise en ligne sur le site www.gallica.fr. Mais jamais l’amiral ne s’est aventuré à l’Ouest des Açores sur la trajectoire de Christophe Colomb. Comment a-t-il pu connaître et décrire un monde inconnu ?
Piri Reis montrait une certaine addiction à la cartographie. Il partageait, ainsi, avec Henri le Navigateur, Roi du Portugal, la même passion pour la collection des cartes géographiques. Piri Reis écrit, en marge de son livre Kitabi el bahryé qu’il a compilé sa carte du monde en résumant un lot provenant de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie. Il affirme que « aujourd’hui, il n’existe aucune carte comme celle que je viens de réaliser. Je l’ai faite à partir d’environ vingt cartes anciennes ». Et il cite Mappae Mundi, une Antiquité qui remonte au Ve sicle avant J.-C. Il s’agirait, peut-être, d’une carte de Ptolémée qui décrit le Groenland et les glaciers de Suède dans leur état d’il y a 10 000 ans. Il cite aussi le travail de description de Colomb et quatre Portugais dont il ne dit pas les noms. Les indications qu’il donne sont précieuses car elles informent sur l’état des lieux en matière de connaissance des données géographiques que nous croyons contemporaines.
Doñia Bouabdallah et l’amiral Colomb
Mais le plus surprenant, c’est sa rencontre avec un marin espagnol capturé en mer par son oncle, le Reis Camali au cours d’une bataille navale au large des côtes algériennes. L’espagnol dit avoir été le pilote de Christophe Colomb au cours des trois traversées atlantiques et livra à Piri Reis un lot de cartes qui aurait servi à l’explorateur génois pour atteindre son but. Le captif donne des précisions surprenantes. Colomb n’aurait pas, le 3 août 1492, quitté le port de Palos à l’aveuglette. Ses documents ne manquaient pas de précisions.
Christophe Colomb avait aussi des armateurs d’origine andalouse ; les frères Martin et Alonzo Pinzon, familiers des grands tracés maritimes pour la route vers l’Ouest. Les deux frères prennent les commandes de leurs propres navires, la « Ninia » et la « Pinta » et Colomb dirigera la « Santa Maria » qui appartient au basque Juan de la Cosa, un ami des deux armateurs de Palos. Le 11 août, après une première avarie, la flotte débarque au port de la Grande Canarie. Après quoi, les frères Alonzo proposent à Colomb une halte chez les Goumaras, des Guanches où une cousine fortunée, Donia Beatriz Boabdil (Bouabdallah) leur assure des vivres plus appropriés pour l’aventure. L’existence de ces cartes est confirmée par Ferdinand Colomb, le fils du grand navigateur. Quant à Piri Reis il écrit qu’ « un livre était parvenu dans les main de Colombo et il trouva qu’il était dit dans le livre qu’au bout de la mer occidentale, tout à fait à l’Ouest, il y avait des côtes et des îles et toutes sortes de métaux aussi précieux ».
Au Musée de Topkapi, le public peut accéder aux plus gros diamants du monde et aux collections de l’Islam naissant à donner le vertige. Mais le précieux parchemin est pour l’instant bien à l’abri des regards dans la collection des 3515 manuscrits de la bibliothèque d’Ahmed III (1719).
Rachid Lourdjane
Son exactitude laisse les chercheurs perplexes quant à la description des contours géographiques sud-américains et de l’Antarctique d’avant la chape de glace qui recouvre cette partie du monde depuis 6.000 ans.
Le commandant Larsen de l’Office hydrographique de la marine des Etats-Unis note qu’elle est « tellement précise que seule une reconnaissance aérienne pourrait l’expliquer. À première vue, l’Office hydrographique s’est refusée d’y croire, mais il a fini par constater l’authenticité de la carte et il s’en est même servi pour corriger certaines cartes contemporaines ».
Son collègue, Arlington H. Mallery, officier de l’US Navy, passe pour une autorité dans le domaine de la cartographie. L’ingénieur qui n’est pas amateur de civilisations extra-terrestres reconnaît immédiatement les baies et les îles de la partie méridionale du continent et déclare que de toute évidence, quelqu’un avait fait ce relevé avant l’apparition des glaces.
Il affirme que « la carte (de Piri Reis) a relevé chaque chaîne de montagne au Canada septentrional et en Alaska, y compris des chaînes qui ne se trouvaient pas sur les cartes du service cartographique de l’armée américaine. L’erreur a été corrigée depuis. »
Du coup, c’est l’emballement chez les scientifiques à partir de 1959.
Expertise au carbone 14
Il était impossible, au XVIe siècle, de décrire cette région de l’Antarctique dont le tracé ne sera fait qu’en 1949 sur la base de relevés sismiques lors d’une expédition polaire anglo-suédoise. Le Groenland est représenté sous la forme de deux grandes îles principales. L’information a été confirmée récemment par une expédition polaire aux moyens de sondages magnétiques. Et pour compliquer l’affaire, l’Antarctique ne fut découvert qu’en 1918.
L’intrigue continue avec la description topographique de la cordillère des Andes comportant l’illustration de bovidés, le lama et des fauves typiques de l’Amérique du Sud qui ne seront décrits qu’aux débuts du XVIIe siècle pour la première fois, par les Conquistadors espagnols.
La mystérieuse carte décrit tout aussi les Iles Malouines et l’île de Marajo à l’embouchure de l’Amazonie qui ne seront connues que plus tard.
Pour la communauté scientifique, le doute est total. Et pour cause ! Le niveau de connaissances de cette époque lointaine ne pouvait pas permettre une telle précision. La carte est alors soumise au carbone 14. Le diagnostic est affirmatif ; l’œuvre remonte bien au XVIe siècle. Après ces analyses, c’est le silence embarrassé.
Addiction à la cartographie
Piri Reis qui fut amiral de la flotte d’Egypte sous le règne du sultan Souleymane le Magnifique est issu d’une lignée de marins. Il est neveu de l’amiral Camali et maîtrise plusieurs langues dont le grec, l’espagnol, l’italien, le portugais et l’arabe. Il a navigué en Méditerranée, en mer Rouge, aux Balkans et dans l’océan Indien. Il a peut-être fait quelques apparitions sur les côtes Atlantiques. Il est connu surtout pour être l’auteur d’un ouvrage Kitabi el bahryé ou Livre de la navigation illustré par plus de 200 cartes. La copie de la Bibliothèque nationale de France est mise en ligne sur le site www.gallica.fr. Mais jamais l’amiral ne s’est aventuré à l’Ouest des Açores sur la trajectoire de Christophe Colomb. Comment a-t-il pu connaître et décrire un monde inconnu ?
Piri Reis montrait une certaine addiction à la cartographie. Il partageait, ainsi, avec Henri le Navigateur, Roi du Portugal, la même passion pour la collection des cartes géographiques. Piri Reis écrit, en marge de son livre Kitabi el bahryé qu’il a compilé sa carte du monde en résumant un lot provenant de la Grande Bibliothèque d’Alexandrie. Il affirme que « aujourd’hui, il n’existe aucune carte comme celle que je viens de réaliser. Je l’ai faite à partir d’environ vingt cartes anciennes ». Et il cite Mappae Mundi, une Antiquité qui remonte au Ve sicle avant J.-C. Il s’agirait, peut-être, d’une carte de Ptolémée qui décrit le Groenland et les glaciers de Suède dans leur état d’il y a 10 000 ans. Il cite aussi le travail de description de Colomb et quatre Portugais dont il ne dit pas les noms. Les indications qu’il donne sont précieuses car elles informent sur l’état des lieux en matière de connaissance des données géographiques que nous croyons contemporaines.
Doñia Bouabdallah et l’amiral Colomb
Mais le plus surprenant, c’est sa rencontre avec un marin espagnol capturé en mer par son oncle, le Reis Camali au cours d’une bataille navale au large des côtes algériennes. L’espagnol dit avoir été le pilote de Christophe Colomb au cours des trois traversées atlantiques et livra à Piri Reis un lot de cartes qui aurait servi à l’explorateur génois pour atteindre son but. Le captif donne des précisions surprenantes. Colomb n’aurait pas, le 3 août 1492, quitté le port de Palos à l’aveuglette. Ses documents ne manquaient pas de précisions.
Christophe Colomb avait aussi des armateurs d’origine andalouse ; les frères Martin et Alonzo Pinzon, familiers des grands tracés maritimes pour la route vers l’Ouest. Les deux frères prennent les commandes de leurs propres navires, la « Ninia » et la « Pinta » et Colomb dirigera la « Santa Maria » qui appartient au basque Juan de la Cosa, un ami des deux armateurs de Palos. Le 11 août, après une première avarie, la flotte débarque au port de la Grande Canarie. Après quoi, les frères Alonzo proposent à Colomb une halte chez les Goumaras, des Guanches où une cousine fortunée, Donia Beatriz Boabdil (Bouabdallah) leur assure des vivres plus appropriés pour l’aventure. L’existence de ces cartes est confirmée par Ferdinand Colomb, le fils du grand navigateur. Quant à Piri Reis il écrit qu’ « un livre était parvenu dans les main de Colombo et il trouva qu’il était dit dans le livre qu’au bout de la mer occidentale, tout à fait à l’Ouest, il y avait des côtes et des îles et toutes sortes de métaux aussi précieux ».
Au Musée de Topkapi, le public peut accéder aux plus gros diamants du monde et aux collections de l’Islam naissant à donner le vertige. Mais le précieux parchemin est pour l’instant bien à l’abri des regards dans la collection des 3515 manuscrits de la bibliothèque d’Ahmed III (1719).
Rachid Lourdjane