Salam; bonsoir
Taxes et impôts dans la gouvernance musulmane
Question :
Si aujourd’hui un pays moderne devait appliquer la charia, est-ce qu’il aurait le droit d’établir d’autres taxes que la zakat ? Par exemple la TVA, ou les droits de douane. Est-ce que ceci se faisait à l’époque du Prophète ?
Réponse d’A. Soleiman Al-Kaabi :
Tout d’abord, il faut savoir qu’en Islam, il existe à l’origine deux impôts fondamentaux et trois types de prélèvements sur des biens particuliers. Je vais présenter brièvement ces impôts, à qui ils s’appliquent et à quelles dépenses l’Etat doit affecter ces recettes :
Les deux seuls impôts existants sont la Zakât et la Jizya. Le premier est un impôt « religieux » qui concerne les musulmans et le second est un impôt que l’on pourrait qualifier de « non-religieux » dans la mesure où il s’applique aux communautés non-musulmanes qui résident en terre d’Islam.
1- La Zakât représente le principal impôt en Islam. Il est prélevé aux seuls musulmans sur leurs épargnes, ainsi que sur le bétail pour les éleveurs, et le fond de commerce pour les commerçants. Les recettes de cet impôt sont presque entièrement destinées à la redistribution comme l’indique ce hadith du Prophète : « prélevez la zakât sur leurs riches pour la redistribuer à leurs pauvres »[1]. On note dans ce hadith l’utilisation du « possessif » : « on prend de LEURS riches pour donner à LEURS pauvres », pour signifier que les recettes de cet impôt doivent être reversées localement. Par exemple la zakât prélevée au Yémen est redistribuée aux pauvres du Yémen, et ainsi de suite.
2- La Jizya est l’impôt que versent les citoyens non-musulmans. Cet impôt s’applique uniquement aux hommes en état de se battre (adultes, sains de corps et d’esprit) et ne s’applique pas aux femmes, aux enfants et vieillards, ainsi qu’à toutes les catégories socioprofessionnelles qui ne sont pas destinées à la guerre au sein de leur propre culture, comme les moines, les paysans, les esclaves, etc.
Les recettes de cet impôt doivent servir prioritairement au financement de l’armée, car comme l’explique Ibn Qayyim dans son livre Ahkâm ahl adh-dhimma, cet impôt n’est ni une forme de « location » pour obtenir le droit de résider en terre d’islam, ni un sauf-conduit. Il s’agit d’une participation financière des citoyens non-musulmans à la sécurité collective. Puisque les musulmans participent à cet effort en « versant leur sang », les non-musulmans participent en versant de l’argent. C’est ce qui explique que seuls les hommes en état de se battre sont assujettis à cet impôt, et non les femmes, les enfants, les vieillards ou les handicapés. Ibn Qayyim rappelle à ce sujet que cet impôt était, au temps du Prophète, prélevé le plus souvent en « armes ». Les chrétiens de Najrân versaient chaque année à l’Etat de Médine une quantité déterminée d’armes, comme montant de leur Jizya : 30 armures, 30 chevaux de combat, 30 chameaux, et 30 pièces de chaque sorte d’armes qu’ils confectionnaient dans leurs ateliers[2]. Ces sommes doivent donc être réservées prioritairement à l’entretien de l’armée musulmane. Autrement dit, les musulmans fournissent à l’armée le personnel, et les non-musulmans fournissent à l’armée le matériel.
Il existe ensuite en Islam trois autres sortes de prélèvements particuliers : sur les trésors de guerre, sur les terres agricoles et sur les ressources minières.
3- Sur les butins (Ghanîma) : un-cinquième des trésors de guerre et butins doit être reversé à l’Etat musulman. Les quatre-cinquièmes sont partagés entre les combattants qui ont participé aux opérations militaires, et le cinquième revient à l’Etat. Cette taxe servait à subvenir aux besoins des pauvres, des orphelins et des vagabonds comme l’indique ce verset du Coran : {Sachez que les trésors de guerre que vous avez récoltés, un-cinquième revient à Dieu et Son Messager, aux parents pauvres, aux orphelins, aux indigents et aux voyageurs […]} (Coran 8.41).
4- Sur les terres agricoles (al-’Ushr) : les terres destinées à l’exploitation agricole qui sont irriguées par des canaux, des puits, ou tout autre procédé qui a nécessité l’action humaine sont soumis au ‘Ushr. Les exploitants doivent reverser chaque année un-dixième de la valeur de leur récolte. L’arboriculture et le maraichage ne sont pas concernés par cette taxe car les fruits, légumes et fleurs sont périssables. Cette taxe ne concerne que les denrées qui peuvent être stockées sur de longues périodes, comme les céréales, mais aussi le miel pour les ruches installées sur ces terrains. A l’époque des califes, cette taxe s’appliquait sur les grandes terres agricoles comme le Delta du Nil et le « Sawâd » c’est-à-dire les terres irriguées entre le Tigre et l’Euphrate (la Mésopotamie historique). Cette taxe s’appliquait aussi aux « terres mortes », c’est-à-dire des terres désertiques et sans propriétaire attribuées par l’Etat à des exploitants pour les irriguer et les mettre en valeur. L’Etat musulman laisse ceux qui le désirent exploiter ces terres et en tirer profit, en échange du versement d’un-dixième des récoltes annuelles. Les recettes de cette taxe doivent servir prioritairement à financer l’installation et l’entretien des infrastructures nécessaires aux « politiques de l’eau ».
5- Sur les ressources souterraines (Khumus) : Tout propriétaire d’un terrain qui extraie des richesses minières, qu’il s’agisse de métaux « ou autre », doit reverser un-cinquième (Khumus) de ces revenus quand ils excèdent 200 dirhams, et après avoir déduit les dépenses pour l’extraction et le raffinage. La découverte de trésors entre dans cette catégorie de biens souterrains. C’est-à-dire qu’un citoyen qui trouverait et exhumerait un trésor enfoui dans son terrain, devra reverser un-cinquième de la valeur de ce trésor à l’Etat. Comme le précise le Qâdhî Abû Yûsuf, ces sommes doivent servir prioritairement à endiguer la pauvreté, au même titre que le cinquième prélevé sur les butins. On imagine bien, dans le cas des pays musulmans, que l’application de ces principes de la Sharia éradiquerait la pauvreté et permettrait de lancer des projets de développement gigantesques
Taxes et impôts dans la gouvernance musulmane
Question :
Si aujourd’hui un pays moderne devait appliquer la charia, est-ce qu’il aurait le droit d’établir d’autres taxes que la zakat ? Par exemple la TVA, ou les droits de douane. Est-ce que ceci se faisait à l’époque du Prophète ?
Réponse d’A. Soleiman Al-Kaabi :
Tout d’abord, il faut savoir qu’en Islam, il existe à l’origine deux impôts fondamentaux et trois types de prélèvements sur des biens particuliers. Je vais présenter brièvement ces impôts, à qui ils s’appliquent et à quelles dépenses l’Etat doit affecter ces recettes :
Les deux seuls impôts existants sont la Zakât et la Jizya. Le premier est un impôt « religieux » qui concerne les musulmans et le second est un impôt que l’on pourrait qualifier de « non-religieux » dans la mesure où il s’applique aux communautés non-musulmanes qui résident en terre d’Islam.
1- La Zakât représente le principal impôt en Islam. Il est prélevé aux seuls musulmans sur leurs épargnes, ainsi que sur le bétail pour les éleveurs, et le fond de commerce pour les commerçants. Les recettes de cet impôt sont presque entièrement destinées à la redistribution comme l’indique ce hadith du Prophète : « prélevez la zakât sur leurs riches pour la redistribuer à leurs pauvres »[1]. On note dans ce hadith l’utilisation du « possessif » : « on prend de LEURS riches pour donner à LEURS pauvres », pour signifier que les recettes de cet impôt doivent être reversées localement. Par exemple la zakât prélevée au Yémen est redistribuée aux pauvres du Yémen, et ainsi de suite.
2- La Jizya est l’impôt que versent les citoyens non-musulmans. Cet impôt s’applique uniquement aux hommes en état de se battre (adultes, sains de corps et d’esprit) et ne s’applique pas aux femmes, aux enfants et vieillards, ainsi qu’à toutes les catégories socioprofessionnelles qui ne sont pas destinées à la guerre au sein de leur propre culture, comme les moines, les paysans, les esclaves, etc.
Les recettes de cet impôt doivent servir prioritairement au financement de l’armée, car comme l’explique Ibn Qayyim dans son livre Ahkâm ahl adh-dhimma, cet impôt n’est ni une forme de « location » pour obtenir le droit de résider en terre d’islam, ni un sauf-conduit. Il s’agit d’une participation financière des citoyens non-musulmans à la sécurité collective. Puisque les musulmans participent à cet effort en « versant leur sang », les non-musulmans participent en versant de l’argent. C’est ce qui explique que seuls les hommes en état de se battre sont assujettis à cet impôt, et non les femmes, les enfants, les vieillards ou les handicapés. Ibn Qayyim rappelle à ce sujet que cet impôt était, au temps du Prophète, prélevé le plus souvent en « armes ». Les chrétiens de Najrân versaient chaque année à l’Etat de Médine une quantité déterminée d’armes, comme montant de leur Jizya : 30 armures, 30 chevaux de combat, 30 chameaux, et 30 pièces de chaque sorte d’armes qu’ils confectionnaient dans leurs ateliers[2]. Ces sommes doivent donc être réservées prioritairement à l’entretien de l’armée musulmane. Autrement dit, les musulmans fournissent à l’armée le personnel, et les non-musulmans fournissent à l’armée le matériel.
Il existe ensuite en Islam trois autres sortes de prélèvements particuliers : sur les trésors de guerre, sur les terres agricoles et sur les ressources minières.
3- Sur les butins (Ghanîma) : un-cinquième des trésors de guerre et butins doit être reversé à l’Etat musulman. Les quatre-cinquièmes sont partagés entre les combattants qui ont participé aux opérations militaires, et le cinquième revient à l’Etat. Cette taxe servait à subvenir aux besoins des pauvres, des orphelins et des vagabonds comme l’indique ce verset du Coran : {Sachez que les trésors de guerre que vous avez récoltés, un-cinquième revient à Dieu et Son Messager, aux parents pauvres, aux orphelins, aux indigents et aux voyageurs […]} (Coran 8.41).
4- Sur les terres agricoles (al-’Ushr) : les terres destinées à l’exploitation agricole qui sont irriguées par des canaux, des puits, ou tout autre procédé qui a nécessité l’action humaine sont soumis au ‘Ushr. Les exploitants doivent reverser chaque année un-dixième de la valeur de leur récolte. L’arboriculture et le maraichage ne sont pas concernés par cette taxe car les fruits, légumes et fleurs sont périssables. Cette taxe ne concerne que les denrées qui peuvent être stockées sur de longues périodes, comme les céréales, mais aussi le miel pour les ruches installées sur ces terrains. A l’époque des califes, cette taxe s’appliquait sur les grandes terres agricoles comme le Delta du Nil et le « Sawâd » c’est-à-dire les terres irriguées entre le Tigre et l’Euphrate (la Mésopotamie historique). Cette taxe s’appliquait aussi aux « terres mortes », c’est-à-dire des terres désertiques et sans propriétaire attribuées par l’Etat à des exploitants pour les irriguer et les mettre en valeur. L’Etat musulman laisse ceux qui le désirent exploiter ces terres et en tirer profit, en échange du versement d’un-dixième des récoltes annuelles. Les recettes de cette taxe doivent servir prioritairement à financer l’installation et l’entretien des infrastructures nécessaires aux « politiques de l’eau ».
5- Sur les ressources souterraines (Khumus) : Tout propriétaire d’un terrain qui extraie des richesses minières, qu’il s’agisse de métaux « ou autre », doit reverser un-cinquième (Khumus) de ces revenus quand ils excèdent 200 dirhams, et après avoir déduit les dépenses pour l’extraction et le raffinage. La découverte de trésors entre dans cette catégorie de biens souterrains. C’est-à-dire qu’un citoyen qui trouverait et exhumerait un trésor enfoui dans son terrain, devra reverser un-cinquième de la valeur de ce trésor à l’Etat. Comme le précise le Qâdhî Abû Yûsuf, ces sommes doivent servir prioritairement à endiguer la pauvreté, au même titre que le cinquième prélevé sur les butins. On imagine bien, dans le cas des pays musulmans, que l’application de ces principes de la Sharia éradiquerait la pauvreté et permettrait de lancer des projets de développement gigantesques
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