Le Sectarisme Wahhabi
Les exploits de Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb ne seront jamais appréciés — voire compris — par ceux qui ne les ont jamais étudiés, et encore moins par ceux qui n’ont pas bénéficié d’un enseignement de base de l’Islam à travers les œuvres des savants Musulmans orthodoxes qui permettra de mettre en corrélation leur credo et méthodologie indiscernable.
Cette incompréhension a fait que beaucoup de chercheurs simples d’esprit comprennent l’oeuvre de Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb comme une nouvelle religion qu’ils taxent alors de « Wahhabisme ». Dû à leur mépris de l’Islam et leur refus de mener la moindre étude approfondie des textes de révélation, ils considèrent l’appel d’Ibn Abdel-Wahhâb comme une tradition religieuse qui ne se réfère pas aux œuvres principales de l’Islam, mais qui se base plutôt sur des écrits apparus bien après. C’est également ce que prétend Stéphane Lacroix :
« Dès son début, le Wahhabisme s’est établi en tant que tradition religieuse qui s’est basée sur quelques livres clés, aussi bien dans le dogme (aqida) que la jurisprudence (fiqh). »
Le professeur décrit l’héritage d’Ibn Abdel-Wahhâb comme une nouvelle tradition religieuse et indépendante basée sur ses œuvres personnelles et celles de ses héritiers. Sheikh Ibn Abdel-Wahhâb était sans aucun doute un réformateur qui a fait revivre les sciences islamiques dans la péninsule Arabique, mais la plupart des livres qui se trouvent à la base de l’appel des savants saoudiens, depuis l’époque de Sheikh Mohammed Ibn Abdel-Wahhâb jusqu’à ce jour, sont des œuvres qui datent d’avant le temps d’Ibn Abdel-Wahhâb. Dans son ensemble, les savants du Nejd ont bénéficié des savants d’Ahl al-Hadith [1] comme peut facilement être déduit de leurs écrits, fatwas et propos. [2]
En somme, les livres qui sont enseignés dans le Royaume appartiennent à de grands savants issus du monde entier. Dans le dogme (aqida) ils ne dépendaient pas uniquement des ouvrages d’Ibn Abdel-Wahhâb mais aussi, et surtout, de ceux d’Ibn Taymiyya (Syrie XIIIe siècle) et son étudiant Ibn Qayim (Syrie XIIIe siècle) qui ont soutenu et transmis les croyances originales de l’Islam. Dans la grammaire arabe une de leurs références principales est « al-Ajurrumiya » rédigé par le savant marocain Mohammed Ibn Ajurrum (XIVe siècle) et dans la jurisprudence ils dépendaient en grande partie des écrits du Sheikh palestinien Abdel-Ghani al-Maqdisi (XIIe siècle). Dans la science du Hadith ils revenaient aux livres du savant syrien al-Nawawi (XIIIe siècle) et du Muhaddith égyptien Ibn Hajar al-Asqalani (XVe siècle) et dans la science de l’héritage ils dépendaient surtout du livre « al-Rahabiya » du savant irakien Mohammed al-Rahabi (XIIe siècle). [3]
Cela confirme la tendance observée à travers l’histoire : les œuvres des savants du Nejd ont toujours eu une dimension internationale et n’ont jamais été restreintes, comme le prétendent certains professeurs, à quelques livres clés d’une tradition religieuse saoudienne.
Observatoire des Islamologues de France
[1] Comme les Imams al-Shafi’i, Malek, Ahmed, al-Bukhari, Muslim, Abu Dawud, al-Tirmidhi, al-Awza’i, al-Darimi, al-Dar al-Qutni, al-Bayhaqi, Ibn Hazm, Ibn Hajr, Ibn Abdel-Bar, Ibn Taymiya, Ibn Qayim ainsi que d’autres savants qui portaient une grande attention au Hadith.
[2] Saleh Ibn Mohammed Âl al-Sheikh, « Al-Minhaj al-Fiqhi Li A’imma al-Da’wa al-Salafiya Fi Najd » [La Méthodologie Jurisprudentielle des Grands Savants Salafis du Najd], p. 241-242
[3] Dr Abdel-Aziz Ibn Mohammed al-Hujaylan, « Al-Fiqh Wal-Fuqaha fil-Mamlaka al-Arabiya al-Sa’udiya… »[La Jurisprudence et les savants de Fiqh au Royaume d’Arabie Saoudite], p.39, 44.
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