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Islam - Asma Lamrabet : "La foi, c'est la liberté"

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  • Islam - Asma Lamrabet : "La foi, c'est la liberté"

    ENTRETIEN. Alors que le débat est vif au Maroc autour de la burqa, la parole de cette intellectuelle musulmane féministe vaut le détour.

    Un féminisme puisant sa source dans le Coran ? Une idée qui en ferait sourciller plus d'un (et d'une), mais pas cette directrice du Centre des études féminines en islam au Maroc. "Rien dans le texte coranique ne peut justifier ou cautionner une quelconque discrimination envers les femmes", affirme Asma Lamrabet. Cette intellectuelle marocaine à l'élégance discrète, un soyeux voile pourpre encadrant son visage délicatement maquillé, revendique ainsi une libération féminine basée sur une relecture du Coran. Médecin biologiste à l'hôpital de Rabat, mais aussi écrivain, elle œuvre à ce regain féministe au Centre des études féminines en islam, organisme affilié à la Rabita Mohammadia des oulémas, association marocaine placée sous la tutelle du roi et qui réfléchit aux questions théologiques dans le royaume. À l'occasion de sa venue en mars 2015 pour un colloque à l'IMA consacré au "fait religieux au Maroc", Asma Lamrabet était revenue pour Le Point Afrique sur sa vision réformiste du féminisme musulman.

    Le Point Afrique : Quel est le but du Centre des études féminines en islam que vous dirigez ?

    Asma Lamrabet : Ce centre a été créé il y a cinq ans. Voilà dix ans que je réfléchis à la problématique des femmes et de l'islam et j'ai beaucoup écrit sur le sujet. Si je ne suis pas le produit d'un cursus en études islamiques traditionnelles, je me considère comme un penseur libre. Au sein de ce centre, je continue ma réflexion sur une relecture féminine et féministe de l'islam au sein d'une institution religieuse pourtant orthodoxe. Le but est de changer les choses de l'intérieur, progressivement. Le fait d'être parrainée en quelque sorte par cette institution donne ainsi du poids aux revendications et questions que je porte.

    Vous plaidez pour un féminisme qui trouverait sa source dans une relecture des textes. Quelle serait la substance de ce féminisme ?

    Je parle plutôt d'une troisième voie. Cette voie aurait pour source l'islam. Ce référentiel islamique permet une lecture totalement ouverte par rapport à l'égalité homme-femme ou par rapport à l'émancipation des femmes, mais tout cela a été marginalisé par la culture patriarcale. Pourtant, il ne s'agit pas de faire l'économie de cette référence à la religion, car d'abord c'est mon contexte de vie et ensuite parce que c'est mon droit le plus absolu en tant que citoyenne musulmane et marocaine de puiser dans ce contexte musulman qui est mon identité et ma mémoire. Mais je souhaite aussi puiser dans un universel commun auquel j'adhère, dans une modernité que je voudrais pleine de sens et non abstraite. Cette troisième voie à laquelle j'aspire se situe donc entre ces deux pôles. La question des femmes reste l'otage de la dialectique tradition-modernité. Je souhaite dépasser ce mouvement qui nous enferme, entre une pensée traditionnelle réactionnaire qui reste très réfractaire à toute réforme et toute critique et la vision paternaliste d'une modernité qui serait seule émancipatrice des femmes et qui exclut toute référence au religieux. Cette modernité est souvent hégémonique, car elle pose un seul modèle d'émancipation. Je peux comprendre cela dans un autre contexte, mais dans un pays musulman, je pense que cette troisième voie réformiste est à même d'allier ces valeurs universelles avec ces valeurs religieuses.

    Concrètement, comment se traduit cette troisième voie ?

    Il nous faut déconstruire toute l'interprétation qui a été faite des textes religieux. Au travers de mes recherches, j'ai étudié les argumentaires coraniques, les sources traditionnelles et je les ai comparés au texte du Coran. Connaissant l'arabe, j'ai montré qu'il y a un abîme colossal entre ce que dit le Coran et ce que disent les sources qui se sont ajoutées ensuite. Il y a même des contradictions entre les différentes interprétations. Finalement, il y a eu au cours des siècles une lecture misogyne des textes. Cette misogynie est en fait commune à toutes les autres religions, qu'on ne nous donne pas de leçons par rapport à cela, car toutes les traditions religieuses ont fait aussi une lecture des textes aux dépens des femmes. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un produit religieux d'interprétation essentiellement masculine, qui ne reflète pas la partie féminine de l'humanité, alors que le Coran parle le plus souvent d'"être humain" et que cette notion transcende évidemment le genre. Donc, moi, j'ai le droit de parler en tant qu'être humain. Me marginaliser, c'est marginaliser la moitié de l'humanité, la moitié de toute société.

    Vous réfutez donc le juridisme supposé du Coran…

    Le problème est justement qu'on a oublié le Coran ; on ne s'intéresse qu'à ce qu'en ont dit les interprètes et les oulémas (théologiens) pendant des siècles. On a tout codifié, alors que le Coran est un texte spirituel qui est à 90 % un message universel d'éthique et de moral. On s'est focalisé sur quelques versets, certaines interprétations qui ont fait aujourd'hui, hélas, la réputation actuelle de l'islam. Toute cette déconstruction est évidemment un travail de longue haleine. Il faut aussi proposer des alternatives d'interprétations qui prennent en compte le contexte actuel.

    Comment sont reçues ces alternatives que vous proposez ?

    C'est évidemment une dynamique encore minoritaire. Mais c'est une dynamique mondiale. J'appartiens ainsi à un collectif international de femmes, Musawa, qui de la Malaisie à l'Indonésie, en passant par le Maroc, décortique les textes religieux. Depuis 2009, ce mouvement global de chercheuses et d'activistes tente de repenser les liens d'autorité dans la famille musulmane et démontre que cette autorité de l'homme est le produit d'une interprétation et de la tradition plutôt que des textes. Je constate un engouement certain parmi de jeunes musulmanes pour cette troisième voie. Elles ne se sentent plus déchirées entre tradition et modernité, car on leur donne les outils qui leur manquent pour vivre leur foi dans la modernité. Dans l'enseignement de la religion, ce qui manque aujourd'hui, c'est l'autocritique. Il y a une soumission totale à l'enseignement donné. Or, ce n'est pas vrai : il n'y a pas de foi sans liberté. Après notre travail de déconstruction et de proposition d'alternatives de lecture, nous espérons nous faire entendre par le monde politique, même si je suis consciente que tous les mouvements réformistes sont marginalisés.

    En Europe, votre discours est-il entendu ?

    Quand j'ai écrit mes premiers livres, on m'a assez souvent invitée pour donner des conférences dans la communauté musulmane de France. Mais mon discours allait trop à l'encontre de la tradition et était trop critique, je n'ai plus été invitée. Bien sûr, je comprends le contexte français, les musulmans peuvent parfois vivre l'islam comme une identité refuge, dans un climat tendu de stigmatisation et de crise économique. Mais je me dois de faire une critique des traditions. En ce qui concerne le milieu non musulman français, il y a cette frilosité constante par rapport à la religion. Pour certains, un féminisme musulman semble impossible à formuler. Au Maroc, on peut parfois me traiter d'occidentalisée. Donc, je ne suis nulle part, mais je me considère comme une féministe musulmane profondément laïque.

    le Point fr
    Dernière modification par haddou, 13 janvier 2017, 09h38.

  • #2
    La question des femmes reste l'otage de la dialectique tradition-modernité.

    Au delà de la question des femmes, beaucoup de choses restent otage d'une dialectique.
    Je ne connais pas cette dame, d'après moi elle pense bien.
    Merci Haddou.

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