Pour le philosophe, une idée juste du penseur catholique Jean-Luc Marion vaut mieux qu'une idée fausse du penseur athée Jean Soler
Pour avoir jadis invité les lecteurs du Point à lire les livres de Jean Soler et à prendre connaissance de son œuvre athée, je me retrouve depuis associé à tout ce qu'il pense, dit, affirme et écrit…
Le voilà qui, dans un entretien avec Le Point (à lire ici), répond à la question « Pensez-vous que les athées soient des personnes plus intelligentes que les croyants ? » de la manière suivante : « De mon point de vue, oui. Les athées ont une plus grande ouverture d'esprit et plus de lucidité que les croyants. C'est ma conviction. Évidemment, vous allez me dire que je prêche pour ma chapelle, si on peut parler de chapelle à propos d'athéisme (rires). Mais je m'inscris dans la lignée des Grecs, qui avaient décidé d'être intelligents. Comprendre, ce n'est pas une question de gènes, mais de volonté. Le désir de comprendre est fondamental chez les athées. Quand on est passé de la croyance à l'incroyance, de mon point de vue, oui, on a fait un pas en direction de l'intelligence. »
L'athée que je suis n'est pas solidaire d'une pareille affirmation. D'abord, parce qu'il n'existe pas d'instrument objectif pour mesurer l'intelligence, tel un genre de dynamomètre ; ensuite, parce que je ne souhaite pas essentialiser les athées et les transformer en un groupe homogène qui manifesterait plus d'intelligence que d'autres groupes – ceux des croyants.
Jadis, j'avais encouru les foudres de l'ancien Premier ministre alors en exercice Manuel Valls pour avoir affirmé, toujours dans Le Point, que l'homme de gauche que je suis, justement parce que je suis de gauche, préférait une idée juste d'Alain de Benoist à une idée fausse de BHL, à quoi j'ajoutais, mais dans un esprit de polémique, nombreux ont oublié la suite, que je préférais également une idée juste de BHL à une idée fausse d'Alain de Benoist. Je persiste et signe : la justice, la justesse et la vérité me semblent supérieures aux étiquettes politiques.
Les athées sont plus intelligents que les croyants : une idée fausse
C'est dans un même état d'esprit que je peux affirmer aujourd'hui que l'athée que je suis, justement parce que je suis athée, préfère une idée juste du philosophe catholique Jean-Luc Marion à une idée fausse du penseur athée Jean Soler. Et l'idée de Jean Soler selon laquelle les athées sont plus intelligents que les croyants est une idée fausse.
Ce que je dis relève du simple bon sens : je préfère plutôt une vérité venue d'un bord politique ou ontologique qui n'est pas le mien à une erreur issue d'un bord politique ou ontologique qui est le mien, parce que la politique et la croyance ne sont pas le tout d'un homme – je pense même de plus en plus que c'est l'écume de cet homme, alors que son noyau dur se trouve dans son rapport à la vérité, à la justice et à la justesse – je reprends cette trilogie à dessein…
Depuis mon premier livre paru en 1989, je combats les mythologies, les fictions et les fables – par exemple : l'oubli du corps dans la philosophie, le recyclage du christianisme dans la philosophie dominante, la tyrannie des trois monothéismes, la religion freudienne, le culte sadien, les impasses de la gauche jacobine. Moi qui suis d'une gauche libertaire, je combats les mythologies, les fictions et les fables de droite – mais aussi de gauche ; moi qui suis athée, je combats les mythologies, les fictions, les fables religieuses – mais aussi athées.
L'athéisme n'a pas à bénéficier d'une extraterritorialité éthique et morale
Le philosophe Pierre Bayle fut révolutionnaire en son temps en affirmant qu'un athée pouvait être vertueux ; c'était un progrès nécessaire. Il nous faut ajouter aujourd'hui qu'un athée peut aussi ne l'être pas et qu'il peut même être le contraire d'un être vertueux. L'athéisme n'a pas à bénéficier d'une extraterritorialité éthique et morale : on lui doit aussi des morts et des massacres, de la haine et du sang versé. Le XXe siècle témoigne.
Dieu est toujours pour moi une fiction et la religion, l'occasion pour cette fiction de produire des effets autoritaires dans le quotidien des gens. Voilà pourquoi il faut déconstruire Dieu, tous les dieux, y compris celui de l'islam ; voilà pourquoi aussi il faut déconstruire les religions, toutes les religions, avec un usage philosophique de la raison et non avec une insulte : dire d'un croyant qu'il est moins intelligent que soi quand on est athée, du simple fait qu'il est croyant, c'est le meilleur moyen d'engager l'athéisme sur la voie de la religion intolérante.
Le contraire d'une logique de bûcher ne saurait être une autre logique de bûcher. Mépriser l'adversaire n'est jamais digne. Dire qu'il est moins intelligent que soi est l'une des modalités du mépris. Et mépriser s'avère toujours le premier pas vers la violence. On ne déconstruit pas la croyance en l'insultant : on la conforte. Dénier l'intelligence à son adversaire, ça n'est pas faire preuve d'intelligence. Or, l'intelligence est le seul carburant de la nécessaire déconstruction.
Le Point fr
Pour avoir jadis invité les lecteurs du Point à lire les livres de Jean Soler et à prendre connaissance de son œuvre athée, je me retrouve depuis associé à tout ce qu'il pense, dit, affirme et écrit…
Le voilà qui, dans un entretien avec Le Point (à lire ici), répond à la question « Pensez-vous que les athées soient des personnes plus intelligentes que les croyants ? » de la manière suivante : « De mon point de vue, oui. Les athées ont une plus grande ouverture d'esprit et plus de lucidité que les croyants. C'est ma conviction. Évidemment, vous allez me dire que je prêche pour ma chapelle, si on peut parler de chapelle à propos d'athéisme (rires). Mais je m'inscris dans la lignée des Grecs, qui avaient décidé d'être intelligents. Comprendre, ce n'est pas une question de gènes, mais de volonté. Le désir de comprendre est fondamental chez les athées. Quand on est passé de la croyance à l'incroyance, de mon point de vue, oui, on a fait un pas en direction de l'intelligence. »
L'athée que je suis n'est pas solidaire d'une pareille affirmation. D'abord, parce qu'il n'existe pas d'instrument objectif pour mesurer l'intelligence, tel un genre de dynamomètre ; ensuite, parce que je ne souhaite pas essentialiser les athées et les transformer en un groupe homogène qui manifesterait plus d'intelligence que d'autres groupes – ceux des croyants.
Jadis, j'avais encouru les foudres de l'ancien Premier ministre alors en exercice Manuel Valls pour avoir affirmé, toujours dans Le Point, que l'homme de gauche que je suis, justement parce que je suis de gauche, préférait une idée juste d'Alain de Benoist à une idée fausse de BHL, à quoi j'ajoutais, mais dans un esprit de polémique, nombreux ont oublié la suite, que je préférais également une idée juste de BHL à une idée fausse d'Alain de Benoist. Je persiste et signe : la justice, la justesse et la vérité me semblent supérieures aux étiquettes politiques.
Les athées sont plus intelligents que les croyants : une idée fausse
C'est dans un même état d'esprit que je peux affirmer aujourd'hui que l'athée que je suis, justement parce que je suis athée, préfère une idée juste du philosophe catholique Jean-Luc Marion à une idée fausse du penseur athée Jean Soler. Et l'idée de Jean Soler selon laquelle les athées sont plus intelligents que les croyants est une idée fausse.
Ce que je dis relève du simple bon sens : je préfère plutôt une vérité venue d'un bord politique ou ontologique qui n'est pas le mien à une erreur issue d'un bord politique ou ontologique qui est le mien, parce que la politique et la croyance ne sont pas le tout d'un homme – je pense même de plus en plus que c'est l'écume de cet homme, alors que son noyau dur se trouve dans son rapport à la vérité, à la justice et à la justesse – je reprends cette trilogie à dessein…
Depuis mon premier livre paru en 1989, je combats les mythologies, les fictions et les fables – par exemple : l'oubli du corps dans la philosophie, le recyclage du christianisme dans la philosophie dominante, la tyrannie des trois monothéismes, la religion freudienne, le culte sadien, les impasses de la gauche jacobine. Moi qui suis d'une gauche libertaire, je combats les mythologies, les fictions et les fables de droite – mais aussi de gauche ; moi qui suis athée, je combats les mythologies, les fictions, les fables religieuses – mais aussi athées.
L'athéisme n'a pas à bénéficier d'une extraterritorialité éthique et morale
Le philosophe Pierre Bayle fut révolutionnaire en son temps en affirmant qu'un athée pouvait être vertueux ; c'était un progrès nécessaire. Il nous faut ajouter aujourd'hui qu'un athée peut aussi ne l'être pas et qu'il peut même être le contraire d'un être vertueux. L'athéisme n'a pas à bénéficier d'une extraterritorialité éthique et morale : on lui doit aussi des morts et des massacres, de la haine et du sang versé. Le XXe siècle témoigne.
Dieu est toujours pour moi une fiction et la religion, l'occasion pour cette fiction de produire des effets autoritaires dans le quotidien des gens. Voilà pourquoi il faut déconstruire Dieu, tous les dieux, y compris celui de l'islam ; voilà pourquoi aussi il faut déconstruire les religions, toutes les religions, avec un usage philosophique de la raison et non avec une insulte : dire d'un croyant qu'il est moins intelligent que soi quand on est athée, du simple fait qu'il est croyant, c'est le meilleur moyen d'engager l'athéisme sur la voie de la religion intolérante.
Le contraire d'une logique de bûcher ne saurait être une autre logique de bûcher. Mépriser l'adversaire n'est jamais digne. Dire qu'il est moins intelligent que soi est l'une des modalités du mépris. Et mépriser s'avère toujours le premier pas vers la violence. On ne déconstruit pas la croyance en l'insultant : on la conforte. Dénier l'intelligence à son adversaire, ça n'est pas faire preuve d'intelligence. Or, l'intelligence est le seul carburant de la nécessaire déconstruction.
Le Point fr
Commentaire