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L’Église d’Algérie redessine son avenir

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  • L’Église d’Algérie redessine son avenir

    Plusieurs dossiers attendent en Algérie le nouveau nonce nommé par le pape la semaine dernière, et notamment la nomination de deux évêques.

    Confrontée à la baisse de son personnel permanent et à l’affluence de fidèles, l’Église voit changer les modalités de sa présence dans le pays.

    À la maison diocésaine d’Alger, trois sœurs italiennes et une papoue assurent l’accueil avec bonne humeur, secondées par des Filles de la Charité originaires du Mexique, du Pérou, d’Inde ou des Philippines. À l’autre bout de la ville, la basilique Notre-Dame d’Afrique est, elle, encore tenue par les Pères blancs. Avec tout de même un changement : l’un vient du Burkina Faso, l’autre du Congo-RDC. Et c’est un jeune laïc brésilien qui répond, à tour de rôle avec eux, aux questions des visiteurs.

    Si elle reste majoritairement une réalité « étrangère », contrainte à la prudence et à la discrétion, l’Église d’Algérie se métamorphose. Prêtres, religieux et religieuses viennent désormais du Sud, « avec une autre expérience de l’islam, une autre pastorale, et une autre mémoire de la colonisation aussi », observe l’un d’eux. Surtout, cette Église a retrouvé des fidèles – étudiants et migrants subsahariens, mais aussi quelques Algériens – renouant ainsi avec une forme de normalité.

    Une Église en milieu musulman

    Le visage qu’elle présente n’a plus rien à voir avec celui de la période coloniale, même s’il continue à hanter l’imaginaire algérien. L’évolution du pays et l’arrivée de ces nouveaux fidèles l’éloignent aussi de celui que lui avait donné le cardinal Duval en 1962, lorsqu’il a appelé religieux et religieuses à rester et à se mettre « au service du peuple algérien ».

    > A lire : L’héritage des moines des Tibhirine

    Une assemblée interdiocésaine organisée en 2014 a permis de mettre à plat ces mutations. Mais l’Église était, depuis, comme en attente, sans nonce ni archevêque à Alger, et à la recherche d’un successeur à Mgr Claude Rault, à Ghardaïa. La nomination, la semaine dernière, d’un diplomate aguerri, Mgr Luciano Russo, jusque-là nonce au Rwanda, témoigne du souci de Rome d’accompagner la transition de cette petite Église si symbolique.

    Comment prendre acte de ce nouveau visage, tout en restant fidèle à la mission définie par l’assemblée interdiocésaine : une « Église de baptisés », mais aussi une « Église citoyenne », « d’alliance entre le Nord et le Sud, entre l’Orient et l’Occident » ? Cette question immense sera abordée lors de la prochaine session sacerdotale des quatre diocèses : « Quels prêtres pour quelle Église en Algérie ? » Le problème est certes numérique, alors que les vocations sur place sont quasi inexistantes et les visas difficiles à obtenir depuis l’étranger. Mais il est surtout pastoral : les prêtres doivent accueillir des fidèles pour la plupart de passage mais désireux de suivre un vrai chemin de foi, et leur faire découvrir cette mission particulière d’une Église en milieu musulman. « Ils doivent aussi réussir à faire l’unité dans leur paroisse entre des personnes de cultures, de langues, voire de confessions chrétiennes différentes », note Mgr Paul Desfarges, évêque de Constantine.

    > A lire : Mgr Pierre Claverie, une pensée toujours vivante

    Baisse du nombre de prêtres arabophones

    Certains religieux, arrivés dans le pays avec l’idée de passer leur vie au milieu des Algériens, n’y ont guère été préparés, reconnaît l’un d’eux. À l’inverse, la nouvelle génération apparaît plus soucieuse de la vie interne de l’Église. « J’ai beaucoup d’admiration pour les religieux qui vivent ici : être chrétien en Algérie suppose une spiritualité profonde, beaucoup de maturité. Pour ma part, je ne pourrais pas vivre dans un pays où je ne peux parler de ma foi », reconnaît ce jeune laïc brésilien, qui achève sa mission de trois ans. La baisse du nombre de prêtres arabophones interroge elle aussi, pour leur insertion dans la société algérienne, et leur capacité à accompagner les Algériens demandant le baptême.

    Se pose également la question du profil d’évêques dont a besoin l’Église d’Algérie. Après le départ de l’ancien archevêque d’Alger, Mgr Ghaleb Bader, originaire de Jordanie, le nonce proposera-t-il cette fois encore à Rome des candidats arabes ? « J’espérais que cela ferait bouger l’image de l’Église dans l’esprit des Algériens », reconnaît un prêtre africain. L’hypothèse d’un évêque subsaharien est, elle aussi, envisagée.

    Consciente « de l’héritage reçu de grands témoins qui l’ont façonnée, parfois au prix de leur vie », « fragile, mais bien vivante », comme l’écrivait Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, l’Église d’Algérie n’a pas fini de rechercher les formes et les moyens de sa mission. Et d’incarner, par sa seule présence, ce pluralisme dont l’Algérie et le monde musulman ont besoin.

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    L’Église d’Algérie

    Elle se compose de 4 diocèses : Alger (en attente d’archevêque), Constantine, Oran et Ghardaïa (dont l’évêque, Mgr Claude Rault, a présenté sa démission pour raison d’âge).

    Constituée sous la forme de deux associations algériennes, elle est soumise à l’ordonnance présidentielle du 28 février 2006 qui réglemente la pratique du culte non-musulman. La révision de la Constitution en février a confirmé la liberté de conscience et ajouté la liberté de culte.

    Elle soutient la cause en béatification des 19 religieux et religieuses assassinés pendant la décennie noire (dont les moines de Tibhirine, Mgr Pierre Claverie, alors évêque d’Oran…), sans oublier les milliers d’Algériens victimes de la même violence. Elle commémore aussi le centenaire de la mort de Charles de Foucauld.

    Anne-Bénédicte Hoffner, à Oran et Alger (Algérie)
    LA CROIX
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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