Le débat sur le voile a commencé en France il y a trente ans. Il dure depuis plus d'un siècle de l'autre côté de la Méditerranée. Dès le XIXe siècle, le monde arabo-musulman, confronté au choc de l'impérialisme occidental, est traversé par l'idée que seule une réforme profonde de l'islam lui permettra de retrouver sa grandeur perdue. Nombre d'intellectuels estiment que ce renouveau doit passer par une amélioration du statut des femmes.
Hoda Shaarawi (1879-1947), parfois orthographiée Charaoui, fille de la grande bourgeoisie du Nil, mariée à un leader nationaliste égyptien, devient l'incarnation de ce combat. En 1923, alors qu'elle arrive à Alexandrie, au retour d'un congrès féministe à Rome, elle descend du bateau cheveux au vent. Le geste lui vaut une réputation internationale. Elle est la première musulmane au monde à s'être dévoilée.
Exactement à la même époque, Mustafa Kemal, sur les décombres de l'Empire ottoman, fonde la Turquie (1923) et l'engage sur un même chemin modernisateur, même s'il n'est pas facile à tenir. Sa laïcisation de la société touche le vêtement masculin - prohibition du fez en 1925 - mais la crainte d'une révolte le fait renoncer à une interdiction générale du voile. Il se contente de le proscrire à l'université et dans la fonction publique, tout en poussant au changement de mœurs par les moyens les plus divers : droit de vote féminin, mais également organisation du concours de Miss Turquie.
Reza Chah, son admirateur, qui règne en Iran, est plus expéditif. En 1936, il envoie les gendarmes dans les villages arracher les voiles qu'il vient de prohiber. Les grands leaders panarabistes qui arrivent au pouvoir dans les années 1950, Bourguiba, ou évidemment Nasser, ne vont pas jusque-là mais ils font tout pour contrer le port d'un tissu qui leur semble archaïque. Seulement, tous ces régimes, kémalistes, iraniens, panarabes, tout modernisateurs qu'ils sont, ont le défaut d'être aussi d'implacables dictatures, corrompues et incapables d'apporter à leur peuple le développement espéré.
"Réislamiser la société"
Leur échec permet, à partir des années 1960, la lente émergence d'une idéologie opposée, qui prône comme solution à tous les maux le retour à l'islam : c'est l'islamisme. L'Occident le découvre avec la Révolution iranienne de 1979, qui décrète obligatoire le tchador. Il se nourrit aussi à deux autres sources. Les Frères musulmans, nés en Egypte, et essaimant sous la forme de partis amis, comme l'AKP turc. Et l'Arabie saoudite qui, avec d'autres monarchies du Golfe, travaille à la "réislamisation de la société" à sa mode wahhabite, en inondant le monde arabe de ses imams, de ses livres pieux, de ses chaînes de télévision.
Comme il l'est pour les mollahs de Téhéran, le voile est pour eux un drapeau et sa promotion, un combat. Il peut passer par des batailles épiques, comme celle entamée par Erdogan, dès son arrivée au pouvoir, pour rompre avec le kémalisme en autorisant le voile à l'université.
Mais le camp islamiste utilise le plus souvent des armes subtiles : les actrices égyptiennes qui annoncent publiquement "renoncer au péché" en se voilant ou les petites chanteuses qui apparaissent en hijab dans les télé-crochets sont autant de prises de guerre. Une déferlante puritaine qui, de Téhéran à Rabat, suscite de nombreuses résistances chez des femmes qui, reprenant l'étendard des débuts, se battent.
l'OBS
Hoda Shaarawi (1879-1947), parfois orthographiée Charaoui, fille de la grande bourgeoisie du Nil, mariée à un leader nationaliste égyptien, devient l'incarnation de ce combat. En 1923, alors qu'elle arrive à Alexandrie, au retour d'un congrès féministe à Rome, elle descend du bateau cheveux au vent. Le geste lui vaut une réputation internationale. Elle est la première musulmane au monde à s'être dévoilée.
Exactement à la même époque, Mustafa Kemal, sur les décombres de l'Empire ottoman, fonde la Turquie (1923) et l'engage sur un même chemin modernisateur, même s'il n'est pas facile à tenir. Sa laïcisation de la société touche le vêtement masculin - prohibition du fez en 1925 - mais la crainte d'une révolte le fait renoncer à une interdiction générale du voile. Il se contente de le proscrire à l'université et dans la fonction publique, tout en poussant au changement de mœurs par les moyens les plus divers : droit de vote féminin, mais également organisation du concours de Miss Turquie.
Reza Chah, son admirateur, qui règne en Iran, est plus expéditif. En 1936, il envoie les gendarmes dans les villages arracher les voiles qu'il vient de prohiber. Les grands leaders panarabistes qui arrivent au pouvoir dans les années 1950, Bourguiba, ou évidemment Nasser, ne vont pas jusque-là mais ils font tout pour contrer le port d'un tissu qui leur semble archaïque. Seulement, tous ces régimes, kémalistes, iraniens, panarabes, tout modernisateurs qu'ils sont, ont le défaut d'être aussi d'implacables dictatures, corrompues et incapables d'apporter à leur peuple le développement espéré.
"Réislamiser la société"
Leur échec permet, à partir des années 1960, la lente émergence d'une idéologie opposée, qui prône comme solution à tous les maux le retour à l'islam : c'est l'islamisme. L'Occident le découvre avec la Révolution iranienne de 1979, qui décrète obligatoire le tchador. Il se nourrit aussi à deux autres sources. Les Frères musulmans, nés en Egypte, et essaimant sous la forme de partis amis, comme l'AKP turc. Et l'Arabie saoudite qui, avec d'autres monarchies du Golfe, travaille à la "réislamisation de la société" à sa mode wahhabite, en inondant le monde arabe de ses imams, de ses livres pieux, de ses chaînes de télévision.
Comme il l'est pour les mollahs de Téhéran, le voile est pour eux un drapeau et sa promotion, un combat. Il peut passer par des batailles épiques, comme celle entamée par Erdogan, dès son arrivée au pouvoir, pour rompre avec le kémalisme en autorisant le voile à l'université.
Mais le camp islamiste utilise le plus souvent des armes subtiles : les actrices égyptiennes qui annoncent publiquement "renoncer au péché" en se voilant ou les petites chanteuses qui apparaissent en hijab dans les télé-crochets sont autant de prises de guerre. Une déferlante puritaine qui, de Téhéran à Rabat, suscite de nombreuses résistances chez des femmes qui, reprenant l'étendard des débuts, se battent.
l'OBS