Je ne connaissais pas Paul Moreira il y a encore quelques minutes. À la vérité, je ne savais pas ce que je perdais. Je ne le connaissais donc pas jusqu’à ce que j’ouïsse qu’invité au Grand Journal de Canal + lundi soir pour présenter son documentaire sur le « nouveau Front national », marronnier de la décennie, il se serait laissé aller à affirmer que la Bible comptait deux fois plus d’appels au meurtre que le Coran. Bien. Pourquoi pas ? Tout le monde sait que ce que l’on appelle la Bible – et qui n’est d’ailleurs pas exactement le même livre selon que l’on est juif, protestant ou catholique, il eût peut-être fallu le préciser – est un très vaste ouvrage qui, au doigt mouillé, doit bien représenter dix fois le Coran en nombre de caractères, et encore je suis gentil. D’où l’invention du papier bible. On n’a jamais vu de papier coran pour la seule raison que c’est un livre d’une taille normale.
Donc, la Bible, livre inspiré pour les croyants et non livre éternel directement écrit de la main de Dieu contrairement à certain autre, est faite de strates diverses, de multiples époques, et personne, même avant l’époque de Jésus, ne s’est jamais laissé aller sottement à la lire de manière littérale. Tout le monde connaît l’histoire des Amalécites qu’il faut anéantir et des tentations génocidaires de Josué. Tout le monde les connaît mais personne n’a jamais eu l’intention de les réitérer, parce que la Bible se lit à différents niveaux de lecture (typologique, allégorique, etc.) et surtout parce que tout le monde se fout de savoir si les événements racontés dans ces temps très anciens sont véridiques. Il doit bien exister quelques sectes nées au XIXème ou au XXème pour prendre cela au pied de la lettre. Heureusement pour nous, ce ne sont pas là des mouvements de masse – et je n’en ai d’ailleurs jamais rencontré.
Mais cela est de la petite bière. Le gros, le grand, l’hénaurme, c’est quand M. Moreira, dont je lis qu’il possède au moins deux titres plaidant en faveur de la scientificité de son propos – une maîtrise d’anthropologie et de sociologie de Paris IV et une participation au “Vrai Journal” de Karl Zéro – affirme ceci sur le plateau de la chaîne à bobos : « Jésus, deux fois il appelle à couper la tête de ceux qui croient pas en lui » (« - À les égorger », renchérit quelqu’un que l’on n’identifie pas parmi les journalistes présents). Devant tel mensonge ou telle stupidité, j’hésite encore, on en reste comme deux ronds de flan. Je déteste cette expression d’ailleurs, mais j’avoue n’en pas trouver d’autre. Comment peut-on affirmer cela, et en se réclamant de quelle source, de quel verset de quel évangile, de quelle interprétation, de quelle tradition ? C’est incroyable, stupéfiant, renversant. Les mots manquent.
Moreira, pas fier, avoue qu’il n’a pas vraiment lu la Bible, mais qu’il a fait appel à des spécialistes. Qu’ils soient aveugles de naissance, baloutches ou schizophrènes, je serais joyeux de les rencontrer, ces spécialistes. Ils nous diront enfin, à nous les chrétiens impuissants, petites bites et bêlant comme les agneaux à l’abattoir, le moyen d’aimer son prochain en le passant au fil de l’épée. Ça fait deux mille ans qu’on cherche à justifier nos envies de meurtres : on en rêvait, les spécialistes de Moreira ont trouvé. À l’attaque.
le causeur
Donc, la Bible, livre inspiré pour les croyants et non livre éternel directement écrit de la main de Dieu contrairement à certain autre, est faite de strates diverses, de multiples époques, et personne, même avant l’époque de Jésus, ne s’est jamais laissé aller sottement à la lire de manière littérale. Tout le monde connaît l’histoire des Amalécites qu’il faut anéantir et des tentations génocidaires de Josué. Tout le monde les connaît mais personne n’a jamais eu l’intention de les réitérer, parce que la Bible se lit à différents niveaux de lecture (typologique, allégorique, etc.) et surtout parce que tout le monde se fout de savoir si les événements racontés dans ces temps très anciens sont véridiques. Il doit bien exister quelques sectes nées au XIXème ou au XXème pour prendre cela au pied de la lettre. Heureusement pour nous, ce ne sont pas là des mouvements de masse – et je n’en ai d’ailleurs jamais rencontré.
Mais cela est de la petite bière. Le gros, le grand, l’hénaurme, c’est quand M. Moreira, dont je lis qu’il possède au moins deux titres plaidant en faveur de la scientificité de son propos – une maîtrise d’anthropologie et de sociologie de Paris IV et une participation au “Vrai Journal” de Karl Zéro – affirme ceci sur le plateau de la chaîne à bobos : « Jésus, deux fois il appelle à couper la tête de ceux qui croient pas en lui » (« - À les égorger », renchérit quelqu’un que l’on n’identifie pas parmi les journalistes présents). Devant tel mensonge ou telle stupidité, j’hésite encore, on en reste comme deux ronds de flan. Je déteste cette expression d’ailleurs, mais j’avoue n’en pas trouver d’autre. Comment peut-on affirmer cela, et en se réclamant de quelle source, de quel verset de quel évangile, de quelle interprétation, de quelle tradition ? C’est incroyable, stupéfiant, renversant. Les mots manquent.
Moreira, pas fier, avoue qu’il n’a pas vraiment lu la Bible, mais qu’il a fait appel à des spécialistes. Qu’ils soient aveugles de naissance, baloutches ou schizophrènes, je serais joyeux de les rencontrer, ces spécialistes. Ils nous diront enfin, à nous les chrétiens impuissants, petites bites et bêlant comme les agneaux à l’abattoir, le moyen d’aimer son prochain en le passant au fil de l’épée. Ça fait deux mille ans qu’on cherche à justifier nos envies de meurtres : on en rêvait, les spécialistes de Moreira ont trouvé. À l’attaque.
le causeur
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