Dans le cadre des relations entre l’Occident et l’Orient, il existe un phénomène singulier : l’orientalisme. Il est l’une des manifestations intellectuelles les plus importantes que connaissent ces relations. Actuellement, l’orientalisme se définit comme l’effort fourni par l’Occident pour étudier l’Orient avec ses religions, ses doctrines, ses peuples, ses cultures et ses civilisations. Les objectifs des orientalistes apparaissent et se distinguent nettement derrière les études qu’ils s’efforcent de produire. Parmi ces orientalistes, il existe des savants qui recherchent la connaissance. Ils souhaitent découvrir les mondes de l’Orient et les vérités et les légendes qui se propagent en Occident à leur sujet. Parmi les orientalistes, il y a également ceux qui représentent l’« avant-garde intellectuelle » préparant le terrain aux institutions de l’Occident impérialiste, aux niveaux religieux et politique.
Ces institutions souhaitent conquérir l’Orient afin de le dépouiller de ses richesses et de ses cultures et de l’assimiler à la civilisation occidentale. Ce groupe d’orientalistes apparait comme une sorte de « brigade d’exploration » précédant les soldats afin de leur préparer le terrain pour combattre.
Les représentants de cet orientalisme ont œuvré en faveur de la conquête et de la domination de l’Occident sur l’Orient. Si nous souhaitons découvrir les principaux éléments négatifs de ce type d’orientalisme, nous pouvons les présenter de la manière suivante :
1. Transposer les problèmes de la théologie ecclésiastique occidentale au sein de l’islam : en jetant le doute sur le caractère divin de la révélation coranique et sur la crédibilité de la sunna prophétique ; en représentant l’islam comme une hérésie orientale et comme une représentation arabe du judaïsme et du christianisme ; et en présentant la shari‘a islamique comme une réplique arabe du droit romain.
2. Incorporer à la pensée islamique la dualité contradictoire par laquelle s’est caractérisé la civilisation occidentale : les contradictions existantes entre la religion et l’État, entre la science et la religion, entre la vie d’ici-bas et celle de l’au-delà, entre l’essence et l’être ou encore entre l’individu et la collectivité.
3. Exagérer l’importance des différences et des doctrines marginales, singulières et excessives – les occultistes ou les gnostiques par exemple – qui sont apparues dans la vie intellectuelle de l’Islam. Cette exagération a pour but principal de faire apparaitre les musulmans comme une communauté divisée en groupes épars et en minorités marginales. Ceci aux dépends de l’unité représentée par Ahl as-sunna wal-jamâ’a (1) qui fut incarnée par 90 % des musulmans dans l’histoire de l’Islam.
4. Propager la laïcité occidentale dans les milieux intellectuels et politiques musulmans afin : d’éliminer la sacralité islamique ; d’éloigner la référence religieuse de la vie des musulmans ; de préparer l’assimilation de l’Orient islamique par l’Occident laïc – politiquement et culturellement. Cette assimilation doit être mise en œuvre en supprimant les particularités religieuses et intellectuelles qui protègent l’Orient contre l’assimilation et la dissolution.
5. Éduquer des générations de modernistes arabes, musulmans et orientaux qui prêcheront, à la place des orientalistes, la modernité occidentale. Cette modernité a pour but de provoquer une « rupture épistémologique » fondamentale avec le patrimoine orientale, notamment avec le patrimoine religieux. Cette « rupture épistémologique » doit remplacer la religion divine par une religion naturelle reposant sur la raison et la science. La finalité de cette démarche reste que l’Orient s’identifie intégralement à l’Occident qui serait arrivé à ce niveau grâce à la modernité.
6. Diffuser parmi les peuples d’Orient, une acception ethnique et raciste du nationalisme. Cette diffusion a pour but d’imputer aux nationalismes islamiques, unifiés linguistiquement et culturellement, les conflits raciaux, sectaires et ethniques et de faire exploser des contradictions à l’intérieur du monde arabe. L’objectif recherché est de faire du monde arabe une mosaïque de pays afin que l’Occident colonialiste puisse aisément le conquérir et le rattacher à un monde occidental centralisé civilisationnellement et politiquement.
7. Œuvrer à remplacer l’arabe littéraire par les dialectes locaux afin de séparer les musulmans de la réalité linguistique du Saint Coran arabe. Ce remplacement a pour objectif de couper les liaisons permettant l’unité linguistique mise en place par le Saint Coran et la shari‘a islamique. Le but est de franciser et d’angliciser les langues des pays arabes et islamiques et de transformer une communauté unifiée en plusieurs communautés distinctes.
Tels sont les principaux éléments négatifs que la pensée orientaliste a semé de manière directe, ou par le biais de ses disciples, dans la vie intellectuelle musulmane au profit des institutions – religieuses ou politiques – de l’Occident impérialiste.
La doctrine, la foi et la morale de l’islam sont incluses dans la nature humaine qu’il est difficile, voire impossible, d’influencer. À l’exception d’un nombre limité de changements, la pensée orientaliste, l’invasion intellectuelle et l’occidentalisation n’ont pas atteint leurs objectifs dans ce domaine. L’hérésie, l’athéisme et l’adoption de la philosophie matérialiste dans l’interprétation de la création et de la vision de l’univers demeurèrent des curiosités pour la conscience des musulmans. Même les partis marxistes qui adoptèrent le matérialisme dialectique et l’interprétation matérialiste pour comprendre la création de l’univers ou le cheminement de la société humaine et de l’histoire, n’ont pas osé appeler, dans leurs ouvrages, à l’athéisme et à l’hérésie – comme ce fut le cas dans les États communistes – en raison de la peur de la réaction des sociétés croyantes qui vivent dans les pays musulmans.
Le domaine dans lequel l’orientalisme, la colonisation intellectuelle et l’occidentalisation ont pu réaliser des succès, bien plus, des catastrophes, est la laïcisation du droit. La shari‘a islamique a été écartée de la législation et de la magistrature. La législation de l’islam a été remplacée par le droit positif, le droit napoléonien qui trouve des origines dans le droit romain. Afin de réaliser la laïcisation et l’occidentalisation du droit dans nos pays islamiques, l’Occident a suivi de nombreuses voies :
a. L’occidentalisation du droit dans les colonies musulmanes, était un droit des armes appartenant aux nations qui ont soumis ces pays. Selon un professeur français de droit : « Ce sont les armes françaises qui ont conquis les pays arabes. Cela nous autorise à choisir le droit qu’il faut appliquer dans ces pays ».
b. L’infiltration douce et progressive en augmentant le nombre des communautés étrangères vivant au sein de nos pays ou simplement par la croissance des échanges commerciaux entre les étrangers et les citoyens musulmans. Cette méthode fut employée en Égypte. À l’époque du Khédive Saïd (1822-1863), le droit étranger commença à s’infiltrer dans les tribunaux commerciaux, puis dans les tribunaux consulaires et enfin dans les tribunaux mixtes à partir de 1875. Lorsque les Britanniques colonisèrent l’Égypte en 1882, le droit étranger fut généralisé à la justice civile égyptienne en 1883.
c. L’occidentalisation progressive de la réalité sociale jusqu’à ce que l’occidentalisation du droit soit revendiquée par cette réalité occidentalisée. Ce fut le cas dans le sous-continent indien. Abû A‘la al-Mawdûdî (1903-1979) avait déjà expliqué cela : « Les Anglais ont mis un siècle environ à remplacer le système juridique de notre pays. Ils ont d’abord changé progressivement le système réglant sa vie sociale. Ils ont préparé des hommes qui ne réfléchissent et ne travaillent que selon leurs théories et leurs idées. Ils ont effectué un travail continu pour modifier les esprits, les mœurs et le système économique de la population. Ils ont réussi cela en répandant des idées et par l’influence de l’autorité et de la domination. Ils ont abrogé les anciennes lois qu’ils ont remplacées par de nouvelles. Leurs diverses formes d’influence ont continué à modifier le système social de notre pays ».
Source : Al Ahram
Par Mohammad Imara
Traduction : Souad Khaldi
Ces institutions souhaitent conquérir l’Orient afin de le dépouiller de ses richesses et de ses cultures et de l’assimiler à la civilisation occidentale. Ce groupe d’orientalistes apparait comme une sorte de « brigade d’exploration » précédant les soldats afin de leur préparer le terrain pour combattre.
Les représentants de cet orientalisme ont œuvré en faveur de la conquête et de la domination de l’Occident sur l’Orient. Si nous souhaitons découvrir les principaux éléments négatifs de ce type d’orientalisme, nous pouvons les présenter de la manière suivante :
1. Transposer les problèmes de la théologie ecclésiastique occidentale au sein de l’islam : en jetant le doute sur le caractère divin de la révélation coranique et sur la crédibilité de la sunna prophétique ; en représentant l’islam comme une hérésie orientale et comme une représentation arabe du judaïsme et du christianisme ; et en présentant la shari‘a islamique comme une réplique arabe du droit romain.
2. Incorporer à la pensée islamique la dualité contradictoire par laquelle s’est caractérisé la civilisation occidentale : les contradictions existantes entre la religion et l’État, entre la science et la religion, entre la vie d’ici-bas et celle de l’au-delà, entre l’essence et l’être ou encore entre l’individu et la collectivité.
3. Exagérer l’importance des différences et des doctrines marginales, singulières et excessives – les occultistes ou les gnostiques par exemple – qui sont apparues dans la vie intellectuelle de l’Islam. Cette exagération a pour but principal de faire apparaitre les musulmans comme une communauté divisée en groupes épars et en minorités marginales. Ceci aux dépends de l’unité représentée par Ahl as-sunna wal-jamâ’a (1) qui fut incarnée par 90 % des musulmans dans l’histoire de l’Islam.
4. Propager la laïcité occidentale dans les milieux intellectuels et politiques musulmans afin : d’éliminer la sacralité islamique ; d’éloigner la référence religieuse de la vie des musulmans ; de préparer l’assimilation de l’Orient islamique par l’Occident laïc – politiquement et culturellement. Cette assimilation doit être mise en œuvre en supprimant les particularités religieuses et intellectuelles qui protègent l’Orient contre l’assimilation et la dissolution.
5. Éduquer des générations de modernistes arabes, musulmans et orientaux qui prêcheront, à la place des orientalistes, la modernité occidentale. Cette modernité a pour but de provoquer une « rupture épistémologique » fondamentale avec le patrimoine orientale, notamment avec le patrimoine religieux. Cette « rupture épistémologique » doit remplacer la religion divine par une religion naturelle reposant sur la raison et la science. La finalité de cette démarche reste que l’Orient s’identifie intégralement à l’Occident qui serait arrivé à ce niveau grâce à la modernité.
6. Diffuser parmi les peuples d’Orient, une acception ethnique et raciste du nationalisme. Cette diffusion a pour but d’imputer aux nationalismes islamiques, unifiés linguistiquement et culturellement, les conflits raciaux, sectaires et ethniques et de faire exploser des contradictions à l’intérieur du monde arabe. L’objectif recherché est de faire du monde arabe une mosaïque de pays afin que l’Occident colonialiste puisse aisément le conquérir et le rattacher à un monde occidental centralisé civilisationnellement et politiquement.
7. Œuvrer à remplacer l’arabe littéraire par les dialectes locaux afin de séparer les musulmans de la réalité linguistique du Saint Coran arabe. Ce remplacement a pour objectif de couper les liaisons permettant l’unité linguistique mise en place par le Saint Coran et la shari‘a islamique. Le but est de franciser et d’angliciser les langues des pays arabes et islamiques et de transformer une communauté unifiée en plusieurs communautés distinctes.
Tels sont les principaux éléments négatifs que la pensée orientaliste a semé de manière directe, ou par le biais de ses disciples, dans la vie intellectuelle musulmane au profit des institutions – religieuses ou politiques – de l’Occident impérialiste.
La doctrine, la foi et la morale de l’islam sont incluses dans la nature humaine qu’il est difficile, voire impossible, d’influencer. À l’exception d’un nombre limité de changements, la pensée orientaliste, l’invasion intellectuelle et l’occidentalisation n’ont pas atteint leurs objectifs dans ce domaine. L’hérésie, l’athéisme et l’adoption de la philosophie matérialiste dans l’interprétation de la création et de la vision de l’univers demeurèrent des curiosités pour la conscience des musulmans. Même les partis marxistes qui adoptèrent le matérialisme dialectique et l’interprétation matérialiste pour comprendre la création de l’univers ou le cheminement de la société humaine et de l’histoire, n’ont pas osé appeler, dans leurs ouvrages, à l’athéisme et à l’hérésie – comme ce fut le cas dans les États communistes – en raison de la peur de la réaction des sociétés croyantes qui vivent dans les pays musulmans.
Le domaine dans lequel l’orientalisme, la colonisation intellectuelle et l’occidentalisation ont pu réaliser des succès, bien plus, des catastrophes, est la laïcisation du droit. La shari‘a islamique a été écartée de la législation et de la magistrature. La législation de l’islam a été remplacée par le droit positif, le droit napoléonien qui trouve des origines dans le droit romain. Afin de réaliser la laïcisation et l’occidentalisation du droit dans nos pays islamiques, l’Occident a suivi de nombreuses voies :
a. L’occidentalisation du droit dans les colonies musulmanes, était un droit des armes appartenant aux nations qui ont soumis ces pays. Selon un professeur français de droit : « Ce sont les armes françaises qui ont conquis les pays arabes. Cela nous autorise à choisir le droit qu’il faut appliquer dans ces pays ».
b. L’infiltration douce et progressive en augmentant le nombre des communautés étrangères vivant au sein de nos pays ou simplement par la croissance des échanges commerciaux entre les étrangers et les citoyens musulmans. Cette méthode fut employée en Égypte. À l’époque du Khédive Saïd (1822-1863), le droit étranger commença à s’infiltrer dans les tribunaux commerciaux, puis dans les tribunaux consulaires et enfin dans les tribunaux mixtes à partir de 1875. Lorsque les Britanniques colonisèrent l’Égypte en 1882, le droit étranger fut généralisé à la justice civile égyptienne en 1883.
c. L’occidentalisation progressive de la réalité sociale jusqu’à ce que l’occidentalisation du droit soit revendiquée par cette réalité occidentalisée. Ce fut le cas dans le sous-continent indien. Abû A‘la al-Mawdûdî (1903-1979) avait déjà expliqué cela : « Les Anglais ont mis un siècle environ à remplacer le système juridique de notre pays. Ils ont d’abord changé progressivement le système réglant sa vie sociale. Ils ont préparé des hommes qui ne réfléchissent et ne travaillent que selon leurs théories et leurs idées. Ils ont effectué un travail continu pour modifier les esprits, les mœurs et le système économique de la population. Ils ont réussi cela en répandant des idées et par l’influence de l’autorité et de la domination. Ils ont abrogé les anciennes lois qu’ils ont remplacées par de nouvelles. Leurs diverses formes d’influence ont continué à modifier le système social de notre pays ».
Source : Al Ahram
Par Mohammad Imara
Traduction : Souad Khaldi