La condamnation religieuse, des Versets sataniques de Salman Rushdie fut une erreur. Elle a fait d’un mauvais roman un chef d’œuvre universel.
Qui peut prétendre l’avoir lu entièrement parmi ceux qui se mobilisèrent pour sa défense ? Pour moi, ce roman n’est pas une œuvre littérairement réussie. Condamner de la même manière le roman intitulé « Khadija » de Marek Halter serait rééditer la même erreur et faire d’un récit désinvolte un succès de librairie. L’auteur avait déjà utilisé dans sa trilogie biblique, les recettes qu’il pratiquera dans ce roman : deux thèmes accrocheurs : le thème de la religion et celui de la femme. C’est ainsi que Marek Halter construira une série qui sûrement réussira commercialement, mais inévitablement échouera esthétiquement.
Ce qui urge, c’est de s’empresser de conseiller à toute institution religieuse d’ignorer ce mauvais roman, mais surtout d’encourager ceux qui veulent le déconstruire esthétiquement. C’est la seule manière de démontrer aux adeptes d’un improbable dialogue des religions, que la meilleure manière de nuire à ce dialogue tant espéré est de publier ce genre de fiction romanesque.
Pourquoi me suis-je souvenu de l’impressionnante réussite de Mika Waltari avec son roman « Sinouhé l’Egyptien » ? Et celle de Marguerite Yourcenar avec « Mémoires d’Hadrien »
Parce que dans le premier cas Mika Waltari n’avait qu’un morceau de papyrus à sa disposition. Il en fit une évocation de la civilisation égyptienne d’une confondante vérité. Dans le deuxième casMarguerite Yourcenar avait à sa disposition une abondante documentation et son récit d’Hadrien par Hadrien sonne comme si cet empereur se confessait aussi avec une émouvante vérité. Marek Halter avait à sa disposition plus qu’un papyrus, une documentation certes succincte en ce qui concernel’emblématique Khadija, mais riche de la richesse de tous les récits de la vie du prophète de l’Islam que la présence de cette énigmatique première épouse illuminera jusqu’à son décès, jour de tristesse. Il n’en fit rien. Ceux qui l’ont aidé dans ses recherches, non plus, ne l’aidèrent en rien. S’il souhaite qu’il y ait une réédition, je lui conseillerai d’abord de lire s’il connait la langue arabe ou de se faire traduire s’il l’ignore le fascicule déterminant de la tunisienne Salwa Balhaj disciple du penseur Hicham Djait :
خــديــجــة« « دثريـني…يــا, et l’étude fondamentale, même si elle est controversée, d’Abdelkrim Khalil, lauréat de la vénérable institution Al Azhar :
في حــيــاة الصــادق الأمــيــن » » فـتـرة الـتكــويــــن. Ce ne sera pas le même texte qu’il rééditerait alors et je doute fort, s’il le fait qu’il puisse poursuive sa série des portraits des femmes « islamiques ».
« La littérature est un opérateur de vérité » confie au Monde des livres, Bernard Henri Levy, proche de l’idéologie sioniste comme l’est Marek Halter.
Si les lecteurs bienveillants de cette chronique m’accompagnaient dans cette déconstruction nous découvrirons ensemble pourquoi la littérature servie par le prestige immérité de quelques auteurs peut être un opérateur, une fabrique de stéréotypes. Christian Makarian n’a-t-il pas intitulé son essai « le choc Jésus-Mahomet ».
Le premier chapitre du roman de Marek Halter s’intitule « La Razzia ». Pourquoi commencer par le récit d’une bataille sanglante quand on veut faire la biographie de la première épouse du prophète de l’Islam, et le présenter ainsi entaché de sang, s’armant d’une épée, assassinant un mercenaire ? Les textes ne nous disent rien de cette bataille, ni de ces mercenaires attaquant la caravane commerçante de Koraïch. Et la seule fois où le futur prophète participera à une bataille avant la révélation ce sera pendant la guerre du Fijar. Jeune, il ne fut pas un combattant à part entière, parce qu’il était chargé à l’arrière de préparer les flèches dont son clan avait besoin. L’image de Mohamed ainsi présentée qui s’enracinera dans la conscience du lecteur occidental non averti sera celle d’un homme sanguinaire. Dans son étude sur « Présence de l’Islam dans la littérature romantique en France », Taha Hussein Moenis, (le fils du grand Tahar Hussein), est remonté jusqu’aux sources de ce mythe, jusqu’à Pascal dans ses Pensées, (voir Pensées 594, et suivantes). Ce mythe, héritier des Croisades, l’imagerie occidentale continuera à l’exploiter avec férocité. Ce roman affligeant de Marek Halter y contribue largement.
Dans ce voyage, le futur prophète est accompagné de Bilal dit le récit de Marek Halter. Cette figure déterminante de l’Islam n’apparaîtra que bien plus tard et c’est un homme de confiance de Khadija, Mayssara, que beaucoup de récits n’hésitent pas à présenter comme chrétien qui en réalité l’accompagne dans ses déplacements commerciaux.
L’auteur écrit « Khadija s’avança sur la rive de l’oued Ibrahim ». Où se trouve cet oued Ibrahim ? Mes recherches n’ont pas été concluantes et sur la carte au début du roman il ne figure nulle part…
L’auteur prétextera que le roman est fils de la fiction. Mais la fiction devrait-elle ainsi manquer au noyau de vérité, bousculer la vérité historique, la vérité religieuse, la vérité tout court ? Il fait surgir un personnage important Zayd au cours de ce voyage, (qui fut pendant quelque temps « le fils adoptif » du prophète). Mais, c’est contraire à tout ce que nous disent les récits des commentateurs, puisque ce personnage n’apparaîtra lui non plus que bien plus tard.
Le roman pullule de contrevérités. Marek Halter, en exploitant par contre les vérités qu’offraient les commentateurs, en usant de son imagination et de son intention, (si elles étaient sincères), aurait pu offrir au public l’œuvre romanesque captivante que mérite Khadija, œuvre qui manque toujours.
La scène du mariage appauvrit le récit réel de cette cérémonie d’un suspens surprenant. L’imagination de Marek Halter fut impuissante à reconstituer « fictionnellement » la « vérité » des moments de vérité de la première épouse du prophète, qui fut aussi le premier croyant.
Tout au long de ma lecture de ce désolant récit, je n’ai pas trouvé une seule fois, le qualificatif utiliséavant la révélation, par ses contemporains pour désigner Khadija « الــطــاهـــرة » « la Pure ».
Pourquoi ?
« la Pure »
Le récit de Marek Halter « Khadija, les femmes de l’Islam » pose le problème de la relation del’historique et du romanesque. Le romancier, peut-il prendre la liberté de malmener l’histoire au nom de la liberté et de l’imagination quand il ambitionne d’écrire un roman historique? Vaste débat. Il me semble que la vérité historique des faits est souvent suffisamment romanesque pour ne pas avoir à la réinventer. Comme à propos de Khadija mais Marek Halter réinvente dans ce récit, les faits, lui qui veut juste être un « réconciliateur ». il ne suffit pas cependant d’avoir l’aval de quelques imams qui n’ont certainement pas lu son récit ou l’ont mal lu pour le publier et se donnerbonne conscience. Je doute fort que ces respectables hommes de religion lui aient poser la question avec laquelle je clôturai ma première chronique de déconstruction de ce récit. Tabari que Marek Halter dit avoir consulté, Al Boukhari qu’il dit aussi avoir compulsé, tous les commentateursnous disent qu’avant la révélation les contemporains de Khadija l’appelaient la « Pure ». A aucun moment ce qualificatif n’apparaît au cours du récit et si l’auteur avait lu ces commentateurs il ne pouvait se permettre une telle omission. Ce qualificatif nous ramène immanquablement à la question fondamentale des croyances de la première épouse avant la révélation. Et si l’auteur avait plus approfondi sa réflexion à ce sujet, il n’aurait pas construit tout son roman sur la statue de l’idole Alozza qu’Abou Sofyane aurait offerte à Khadija, qu’elle aurait cachée dans la chambre de sa servante, et qui aurait été la cause de la mort de Alquassim, son premier enfant avec le prophète. Si Marek Halter s’était posé le pourquoi de cette appellation, il aurait écrit un tout autre roman. Au lieu de cela, il nous décrit cette femme «peu commune», comme si elle vivait d’une manière tout à fait «commune» les croyances des gens de son temps. Le portrait de Khadija qui en découle finit par faire d’elle un être d’une banalité affligeante, en dépit de la volonté de l’écrivain de nous la présenter au dessus des femmes de son temps
Qui peut prétendre l’avoir lu entièrement parmi ceux qui se mobilisèrent pour sa défense ? Pour moi, ce roman n’est pas une œuvre littérairement réussie. Condamner de la même manière le roman intitulé « Khadija » de Marek Halter serait rééditer la même erreur et faire d’un récit désinvolte un succès de librairie. L’auteur avait déjà utilisé dans sa trilogie biblique, les recettes qu’il pratiquera dans ce roman : deux thèmes accrocheurs : le thème de la religion et celui de la femme. C’est ainsi que Marek Halter construira une série qui sûrement réussira commercialement, mais inévitablement échouera esthétiquement.
Ce qui urge, c’est de s’empresser de conseiller à toute institution religieuse d’ignorer ce mauvais roman, mais surtout d’encourager ceux qui veulent le déconstruire esthétiquement. C’est la seule manière de démontrer aux adeptes d’un improbable dialogue des religions, que la meilleure manière de nuire à ce dialogue tant espéré est de publier ce genre de fiction romanesque.
Pourquoi me suis-je souvenu de l’impressionnante réussite de Mika Waltari avec son roman « Sinouhé l’Egyptien » ? Et celle de Marguerite Yourcenar avec « Mémoires d’Hadrien »
Parce que dans le premier cas Mika Waltari n’avait qu’un morceau de papyrus à sa disposition. Il en fit une évocation de la civilisation égyptienne d’une confondante vérité. Dans le deuxième casMarguerite Yourcenar avait à sa disposition une abondante documentation et son récit d’Hadrien par Hadrien sonne comme si cet empereur se confessait aussi avec une émouvante vérité. Marek Halter avait à sa disposition plus qu’un papyrus, une documentation certes succincte en ce qui concernel’emblématique Khadija, mais riche de la richesse de tous les récits de la vie du prophète de l’Islam que la présence de cette énigmatique première épouse illuminera jusqu’à son décès, jour de tristesse. Il n’en fit rien. Ceux qui l’ont aidé dans ses recherches, non plus, ne l’aidèrent en rien. S’il souhaite qu’il y ait une réédition, je lui conseillerai d’abord de lire s’il connait la langue arabe ou de se faire traduire s’il l’ignore le fascicule déterminant de la tunisienne Salwa Balhaj disciple du penseur Hicham Djait :
خــديــجــة« « دثريـني…يــا, et l’étude fondamentale, même si elle est controversée, d’Abdelkrim Khalil, lauréat de la vénérable institution Al Azhar :
في حــيــاة الصــادق الأمــيــن » » فـتـرة الـتكــويــــن. Ce ne sera pas le même texte qu’il rééditerait alors et je doute fort, s’il le fait qu’il puisse poursuive sa série des portraits des femmes « islamiques ».
« La littérature est un opérateur de vérité » confie au Monde des livres, Bernard Henri Levy, proche de l’idéologie sioniste comme l’est Marek Halter.
Si les lecteurs bienveillants de cette chronique m’accompagnaient dans cette déconstruction nous découvrirons ensemble pourquoi la littérature servie par le prestige immérité de quelques auteurs peut être un opérateur, une fabrique de stéréotypes. Christian Makarian n’a-t-il pas intitulé son essai « le choc Jésus-Mahomet ».
Le premier chapitre du roman de Marek Halter s’intitule « La Razzia ». Pourquoi commencer par le récit d’une bataille sanglante quand on veut faire la biographie de la première épouse du prophète de l’Islam, et le présenter ainsi entaché de sang, s’armant d’une épée, assassinant un mercenaire ? Les textes ne nous disent rien de cette bataille, ni de ces mercenaires attaquant la caravane commerçante de Koraïch. Et la seule fois où le futur prophète participera à une bataille avant la révélation ce sera pendant la guerre du Fijar. Jeune, il ne fut pas un combattant à part entière, parce qu’il était chargé à l’arrière de préparer les flèches dont son clan avait besoin. L’image de Mohamed ainsi présentée qui s’enracinera dans la conscience du lecteur occidental non averti sera celle d’un homme sanguinaire. Dans son étude sur « Présence de l’Islam dans la littérature romantique en France », Taha Hussein Moenis, (le fils du grand Tahar Hussein), est remonté jusqu’aux sources de ce mythe, jusqu’à Pascal dans ses Pensées, (voir Pensées 594, et suivantes). Ce mythe, héritier des Croisades, l’imagerie occidentale continuera à l’exploiter avec férocité. Ce roman affligeant de Marek Halter y contribue largement.
Dans ce voyage, le futur prophète est accompagné de Bilal dit le récit de Marek Halter. Cette figure déterminante de l’Islam n’apparaîtra que bien plus tard et c’est un homme de confiance de Khadija, Mayssara, que beaucoup de récits n’hésitent pas à présenter comme chrétien qui en réalité l’accompagne dans ses déplacements commerciaux.
L’auteur écrit « Khadija s’avança sur la rive de l’oued Ibrahim ». Où se trouve cet oued Ibrahim ? Mes recherches n’ont pas été concluantes et sur la carte au début du roman il ne figure nulle part…
L’auteur prétextera que le roman est fils de la fiction. Mais la fiction devrait-elle ainsi manquer au noyau de vérité, bousculer la vérité historique, la vérité religieuse, la vérité tout court ? Il fait surgir un personnage important Zayd au cours de ce voyage, (qui fut pendant quelque temps « le fils adoptif » du prophète). Mais, c’est contraire à tout ce que nous disent les récits des commentateurs, puisque ce personnage n’apparaîtra lui non plus que bien plus tard.
Le roman pullule de contrevérités. Marek Halter, en exploitant par contre les vérités qu’offraient les commentateurs, en usant de son imagination et de son intention, (si elles étaient sincères), aurait pu offrir au public l’œuvre romanesque captivante que mérite Khadija, œuvre qui manque toujours.
La scène du mariage appauvrit le récit réel de cette cérémonie d’un suspens surprenant. L’imagination de Marek Halter fut impuissante à reconstituer « fictionnellement » la « vérité » des moments de vérité de la première épouse du prophète, qui fut aussi le premier croyant.
Tout au long de ma lecture de ce désolant récit, je n’ai pas trouvé une seule fois, le qualificatif utiliséavant la révélation, par ses contemporains pour désigner Khadija « الــطــاهـــرة » « la Pure ».
Pourquoi ?
« la Pure »
Le récit de Marek Halter « Khadija, les femmes de l’Islam » pose le problème de la relation del’historique et du romanesque. Le romancier, peut-il prendre la liberté de malmener l’histoire au nom de la liberté et de l’imagination quand il ambitionne d’écrire un roman historique? Vaste débat. Il me semble que la vérité historique des faits est souvent suffisamment romanesque pour ne pas avoir à la réinventer. Comme à propos de Khadija mais Marek Halter réinvente dans ce récit, les faits, lui qui veut juste être un « réconciliateur ». il ne suffit pas cependant d’avoir l’aval de quelques imams qui n’ont certainement pas lu son récit ou l’ont mal lu pour le publier et se donnerbonne conscience. Je doute fort que ces respectables hommes de religion lui aient poser la question avec laquelle je clôturai ma première chronique de déconstruction de ce récit. Tabari que Marek Halter dit avoir consulté, Al Boukhari qu’il dit aussi avoir compulsé, tous les commentateursnous disent qu’avant la révélation les contemporains de Khadija l’appelaient la « Pure ». A aucun moment ce qualificatif n’apparaît au cours du récit et si l’auteur avait lu ces commentateurs il ne pouvait se permettre une telle omission. Ce qualificatif nous ramène immanquablement à la question fondamentale des croyances de la première épouse avant la révélation. Et si l’auteur avait plus approfondi sa réflexion à ce sujet, il n’aurait pas construit tout son roman sur la statue de l’idole Alozza qu’Abou Sofyane aurait offerte à Khadija, qu’elle aurait cachée dans la chambre de sa servante, et qui aurait été la cause de la mort de Alquassim, son premier enfant avec le prophète. Si Marek Halter s’était posé le pourquoi de cette appellation, il aurait écrit un tout autre roman. Au lieu de cela, il nous décrit cette femme «peu commune», comme si elle vivait d’une manière tout à fait «commune» les croyances des gens de son temps. Le portrait de Khadija qui en découle finit par faire d’elle un être d’une banalité affligeante, en dépit de la volonté de l’écrivain de nous la présenter au dessus des femmes de son temps
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