Par Mohamed Talbi (Publié pour la première fois en Août 2004)
Chez l’homme, l’agressivité naturelle envers le partenaire féminin est un état résiduel de son animalité. Elle n’est l’apanage ni d’une époque ni des Arabes. Certains, parmi les plus grands noms de la pensée et de la science, ont cherché à la justifier. Pourtant, dans la pensée occidentale majoritaire, frapper les femmes est devenu, comme la polygamie, l’un des symboles de l’islam. Des imams enseignent dans les mosquées comment y procéder. « C’est dans le Coran », disent-ils. Une spécialiste, orientaliste de son état, appelée à la télévision pour éclairer l’opinion, confirma, un Coran ouvert devant elle, citant le verset adéquat, avec un zoom sur le verbe « frapper ». Le Coran est bien un livre de violence et de cruauté.
Interrogé, le recteur de la Mosquée de Paris esquiva. On lui parlait Coran, il répondit hadith, un livre ouvert devant lui aussi, mais sans indiquer lequel.
Voici maintenant les textes coraniques sur lesquels se fondent les prédicateurs salafistes, et où s’exprime l’autorisation de frapper les femmes, concession conjoncturelle, devenue caduque avec la caducité de la conjoncture qui l’avait motivée : « Les hommes doivent subvenir [qawwâmûna] aux besoins des femmes, en raison des différences dont Dieu privilégia les uns sur les autres, et en raison des dépenses qu’ils font de leurs biens. Les femmes probes sont celles qui sont pieuses, et celles qui préservent le secret de l’intimité, comme Dieu la préserve.
Quant à celles dont vous craignez la révulsion [nushûzahunna], procédez envers elles par persuasion, faites lit à part, enfin frappez-les. Si elles reviennent à vous, ne soyez pas injustes envers elles. Car Dieu est Haut et Grand. Et si vous craignez quelque brouille entre les deux époux, déléguez un arbitre de la famille de l’un et un arbitre de la famille de l’autre, si tant est qu’ils désirent la réconciliation. Alors Dieu rétablira la bonne entente entre eux. Dieu de tout est Omniscient et Bien Informé » (IV : 34-35).
Dans ces deux versets, il est question de ce qu’on appelle la qawâma, les dépenses du ménage qui incombent à l’homme, et non de l’obéissance de la femme soumise à l’autorité discriminatoire de l’homme, comme le suggèrent certaines traductions ; de l’égalité des sexes dans la différence, et non de la supériorité de l’un sur l’autre, comme l’enseigne la charia ; et du nushûz, qui relève du devoir conjugal et qui n’est pas seulement féminin, mais aussi masculin (IV : 128).
Notre interprétation de ces deux versets se situe dans le cadre d’une lecture vectorielle, c’est-à-dire intentionnaliste, du Coran, une lecture qui, comme en droit, au-delà de la lettre et de la conjoncture, cherche l’intention du législateur, ici, en l’occurrence, Dieu, pour mieux y adhérer en son esprit. En tout état de cause, en entrant dans le jeu de la charia et en tenant compte de son classement de l’agir humain en cinq catégories, frapper les femmes n’est pas un fardh (« obligation religieuse »). Or tout ce qui n’est pas fardh peut être aboli. Tout au plus la mesure entre-t-elle dans la catégorie du halâl (« permis »).
Or tout ce qui est halâl peut demeurer halâl, et être néanmoins interdit lorsque l’intérêt public l’exige. On peut interdire de fumer dans les lieux publics ; on peut imposer aux voitures des sens interdits, etc. De même, on peut, sans avoir besoin de l’aval des imams, interdire de frapper les femmes et sanctionner toute propagande en ce sens. Le halâl peut être mamnû’ (« interdit »). Pour éviter toutes les confusions savamment entretenues, il faut préciser les concepts. La législation de l’État n’a pas besoin d’être conforme à la charia. Dans le cas présent, il s’agissait dans le Coran d’une concession ponctuelle et conjoncturelle, historiquement imposée par la coutume et les circonstances, et assortie d’une très forte réprobation, donc appelée à être interdite, comme elle le fut au départ, et à disparaître.
Le Coran est « descendu » dans un milieu où frapper les femmes était une coutume, une coutume qui n’est pas une exclusivité arabe, faut-il le rappeler ? Une coutume si tenace qu’elle se poursuit toujours dans toutes les sociétés et dans tous les milieux. Cette coutume fut d’abord interdite par Mohammed, avec sanction pénale pour les hommes qui transgressaient l’interdiction. La mesure prise par le Prophète provoqua un mouvement de révolte générale tel que le Coran vint établir une procédure pour régler les conflits conjugaux, une procédure qui faisait une concession à la coutume.
Le Coran autorise l’époux à corriger physiquement son épouse. Les Mecquois avaient l’habitude de frapper leurs femmes, et le calife Omar était champion en la matière. Il était le chef de la tendance dure envers les femmes. Oum Salama, une épouse du Prophète, menait le camp adverse. Telle était la situation à Médine au moment où descendirent les versets 34 et 35 de la sourate Al-Nisâ’ (« Les Femmes »).
Car à Médine, on ne frappait pas les femmes. Dès son arrivée dans cette ville, le Prophète interdit cette coutume et prit contre les époux qui battaient leurs femmes des sanctions pénales conformes à l’usage de l’époque : permettre aux femmes battues de recourir au qisâs, de battre le mari publiquement comme elles ont été battues. On imagine l’humiliation subie par des hommes qui n’avaient jamais vu ça.
Les cas de qisâs se multiplièrent. Durant trois ans, il en fut ainsi. La tension parmi les hommes ne cessa de croître, d’autant plus que les plus grands notables n’étaient pas épargnés. En shawwâl 3 (mars-avril 625), c’est-à-dire à la veille de la bataille d’Uhud, qui fut un grave échec pour les musulmans, elle devint explosive. Un cas particulièrement délicat s’était alors posé : celui de Sa’d Ibn al-Rabî’, l’un des plus grands notables médinois, et un proche du Prophète. Ce dernier le condamna au qisâs. Puis se ravisa. Avant que la sanction ne fût appliquée, il le rappela et lui apprit l’annulation de la peine. Il lui dit : « Nous avons voulu une chose ; Dieu en a voulu une autre ; et ce que Dieu a voulu est le meilleur. »
Entretemps descendirent en effet lesdits versets qui, sous certaines conditions et en dernière analyse, lorsque tous les moyens de persuasion et de réconciliation sont épuisés, autorisent le mari à battre sa femme. Il est très clair que c’était l’échec de la mesure d’interdiction prise par le Prophète qui avait entraîné ce revirement. Pourquoi ? Dieu avait-il désavoué Son Messager ? Impensable. Dieu ne pouvait avoir laissé Son Messager agir trois ans durant contre sa volonté. Comment expliquer le revirement ? Il n’y a pas eu de revirement, mais une prise en compte de la conjoncture qui n’était pas propice à l’interdiction brutale d’une coutume ancestrale avec sanction humiliante pour les contrevenants. Pour éviter de graves désordres sociaux à un moment où des menaces sérieuses pesaient sur la ville, il fallait surseoir à l’application de l’interdiction par voie pénale, en attendant des circonstances plus favorables.
L’interdiction de frapper les femmes n’était pas abandonnée, elle était seulement remise à des temps plus favorables, sans mettre l’ordre social en danger. On ne peut rien faire contre la volonté d’un peuple qui n’est pas encore mûr pour des ruptures nécessaires et des évolutions inéluctables. Il faut savoir composer et temporiser, accepter des compromis, pour atteindre l’objectif désiré à moindres frais, dans la paix et la cohésion sociale. Dieu nous donne une leçon de sagesse dont nous devons nous inspirer dans tous nos efforts législatifs. Il y avait communion de pensée entre Dieu et Son Messager. Seulement, ce dernier voulait aller trop vite, presser le pas, et c’est en ce sens que « ce que Dieu a voulu est le meilleur ». Le meilleur compte tenu de la conjoncture, et c’est là qu’intervient notre lecture vectorielle du Coran.
La mentalité patriarcale dominante n’était pas encore mûre pour l’interdiction totale et stricte, sous peine de qisâs. Et on était à la veille d’une bataille qui s’annonçait difficile et qui nécessitait la mobilisation des hommes, de tous les hommes. Il fallait temporiser et composer momentanément avec la mentalité dominante, en attendant que le moment soit plus propice et que les esprits évoluent. C’était de la Realpolitik, dans le bon sens de l’expression, parce qu’on ne change le réel qu’en lui obéissant. Comme dans le cas de la trêve d’Al-Hudaybiyya, qui, sur l’heure, avait paru aux compagnons du Prophète comme une humiliante reculade. Il s’agissait de l’ajustement d’une mesure qui s’était révélée impopulaire. Ni revirement ni contradiction donc entre Dieu et Son Messager. L’intention est la même. Elle n’a pas varié. Seulement, Dieu est l’Infiniment Sage. La preuve ayant été faite que la mesure d’interdiction était en avance sur son temps, il fallait la reporter dans un souci d’apaisement, laissant le temps au temps, et procédant par éducation et exhortation. Mais la direction à suivre est fléchée, et il faut aller dans le sens du vecteur. Telle est notre lecture du Coran, qui est une parole vivante. C’est-à-dire qu’il faut sans cesse actualiser dans le sens voulu par le législateur divin.
C’est justement ce que fit le Prophète, qui est naturellement le meilleur interprète du Coran. Celui-ci, en effet, après la descente du verset sur la maltraitance des femmes, n’abandonna pas la partie. Il renonça seulement au qisâs, qui s’était révélé prématuré et impopulaire, mais il poursuivit sa campagne contre la coutume de frapper les femmes et il avait toujours donné l’exemple. Il ne haussait même pas le ton avec ses épouses. Il commenta ainsi les versets en question : « Le meilleur d’entre vous ne frappe pas sa femme. » Marquant encore davantage sa désapprobation, il disait : « Je déteste qu’un homme frappe sa femme dans un accès de colère, alors que le jour même il se peut qu’il partage avec elle son lit. » Au niveau de l’intention, sur l’interdiction de frapper les femmes, la coïncidence était totale entre Dieu et Son Messager – et il ne peut en être autrement. De cette expérience du passé, il nous faut faire notre profit et ne pas confondre, dans les réformes sociales, vitesse et précipitation.
(suite)
Chez l’homme, l’agressivité naturelle envers le partenaire féminin est un état résiduel de son animalité. Elle n’est l’apanage ni d’une époque ni des Arabes. Certains, parmi les plus grands noms de la pensée et de la science, ont cherché à la justifier. Pourtant, dans la pensée occidentale majoritaire, frapper les femmes est devenu, comme la polygamie, l’un des symboles de l’islam. Des imams enseignent dans les mosquées comment y procéder. « C’est dans le Coran », disent-ils. Une spécialiste, orientaliste de son état, appelée à la télévision pour éclairer l’opinion, confirma, un Coran ouvert devant elle, citant le verset adéquat, avec un zoom sur le verbe « frapper ». Le Coran est bien un livre de violence et de cruauté.
Interrogé, le recteur de la Mosquée de Paris esquiva. On lui parlait Coran, il répondit hadith, un livre ouvert devant lui aussi, mais sans indiquer lequel.
Voici maintenant les textes coraniques sur lesquels se fondent les prédicateurs salafistes, et où s’exprime l’autorisation de frapper les femmes, concession conjoncturelle, devenue caduque avec la caducité de la conjoncture qui l’avait motivée : « Les hommes doivent subvenir [qawwâmûna] aux besoins des femmes, en raison des différences dont Dieu privilégia les uns sur les autres, et en raison des dépenses qu’ils font de leurs biens. Les femmes probes sont celles qui sont pieuses, et celles qui préservent le secret de l’intimité, comme Dieu la préserve.
Quant à celles dont vous craignez la révulsion [nushûzahunna], procédez envers elles par persuasion, faites lit à part, enfin frappez-les. Si elles reviennent à vous, ne soyez pas injustes envers elles. Car Dieu est Haut et Grand. Et si vous craignez quelque brouille entre les deux époux, déléguez un arbitre de la famille de l’un et un arbitre de la famille de l’autre, si tant est qu’ils désirent la réconciliation. Alors Dieu rétablira la bonne entente entre eux. Dieu de tout est Omniscient et Bien Informé » (IV : 34-35).
Dans ces deux versets, il est question de ce qu’on appelle la qawâma, les dépenses du ménage qui incombent à l’homme, et non de l’obéissance de la femme soumise à l’autorité discriminatoire de l’homme, comme le suggèrent certaines traductions ; de l’égalité des sexes dans la différence, et non de la supériorité de l’un sur l’autre, comme l’enseigne la charia ; et du nushûz, qui relève du devoir conjugal et qui n’est pas seulement féminin, mais aussi masculin (IV : 128).
Notre interprétation de ces deux versets se situe dans le cadre d’une lecture vectorielle, c’est-à-dire intentionnaliste, du Coran, une lecture qui, comme en droit, au-delà de la lettre et de la conjoncture, cherche l’intention du législateur, ici, en l’occurrence, Dieu, pour mieux y adhérer en son esprit. En tout état de cause, en entrant dans le jeu de la charia et en tenant compte de son classement de l’agir humain en cinq catégories, frapper les femmes n’est pas un fardh (« obligation religieuse »). Or tout ce qui n’est pas fardh peut être aboli. Tout au plus la mesure entre-t-elle dans la catégorie du halâl (« permis »).
Or tout ce qui est halâl peut demeurer halâl, et être néanmoins interdit lorsque l’intérêt public l’exige. On peut interdire de fumer dans les lieux publics ; on peut imposer aux voitures des sens interdits, etc. De même, on peut, sans avoir besoin de l’aval des imams, interdire de frapper les femmes et sanctionner toute propagande en ce sens. Le halâl peut être mamnû’ (« interdit »). Pour éviter toutes les confusions savamment entretenues, il faut préciser les concepts. La législation de l’État n’a pas besoin d’être conforme à la charia. Dans le cas présent, il s’agissait dans le Coran d’une concession ponctuelle et conjoncturelle, historiquement imposée par la coutume et les circonstances, et assortie d’une très forte réprobation, donc appelée à être interdite, comme elle le fut au départ, et à disparaître.
Le Coran est « descendu » dans un milieu où frapper les femmes était une coutume, une coutume qui n’est pas une exclusivité arabe, faut-il le rappeler ? Une coutume si tenace qu’elle se poursuit toujours dans toutes les sociétés et dans tous les milieux. Cette coutume fut d’abord interdite par Mohammed, avec sanction pénale pour les hommes qui transgressaient l’interdiction. La mesure prise par le Prophète provoqua un mouvement de révolte générale tel que le Coran vint établir une procédure pour régler les conflits conjugaux, une procédure qui faisait une concession à la coutume.
Le Coran autorise l’époux à corriger physiquement son épouse. Les Mecquois avaient l’habitude de frapper leurs femmes, et le calife Omar était champion en la matière. Il était le chef de la tendance dure envers les femmes. Oum Salama, une épouse du Prophète, menait le camp adverse. Telle était la situation à Médine au moment où descendirent les versets 34 et 35 de la sourate Al-Nisâ’ (« Les Femmes »).
Car à Médine, on ne frappait pas les femmes. Dès son arrivée dans cette ville, le Prophète interdit cette coutume et prit contre les époux qui battaient leurs femmes des sanctions pénales conformes à l’usage de l’époque : permettre aux femmes battues de recourir au qisâs, de battre le mari publiquement comme elles ont été battues. On imagine l’humiliation subie par des hommes qui n’avaient jamais vu ça.
Les cas de qisâs se multiplièrent. Durant trois ans, il en fut ainsi. La tension parmi les hommes ne cessa de croître, d’autant plus que les plus grands notables n’étaient pas épargnés. En shawwâl 3 (mars-avril 625), c’est-à-dire à la veille de la bataille d’Uhud, qui fut un grave échec pour les musulmans, elle devint explosive. Un cas particulièrement délicat s’était alors posé : celui de Sa’d Ibn al-Rabî’, l’un des plus grands notables médinois, et un proche du Prophète. Ce dernier le condamna au qisâs. Puis se ravisa. Avant que la sanction ne fût appliquée, il le rappela et lui apprit l’annulation de la peine. Il lui dit : « Nous avons voulu une chose ; Dieu en a voulu une autre ; et ce que Dieu a voulu est le meilleur. »
Entretemps descendirent en effet lesdits versets qui, sous certaines conditions et en dernière analyse, lorsque tous les moyens de persuasion et de réconciliation sont épuisés, autorisent le mari à battre sa femme. Il est très clair que c’était l’échec de la mesure d’interdiction prise par le Prophète qui avait entraîné ce revirement. Pourquoi ? Dieu avait-il désavoué Son Messager ? Impensable. Dieu ne pouvait avoir laissé Son Messager agir trois ans durant contre sa volonté. Comment expliquer le revirement ? Il n’y a pas eu de revirement, mais une prise en compte de la conjoncture qui n’était pas propice à l’interdiction brutale d’une coutume ancestrale avec sanction humiliante pour les contrevenants. Pour éviter de graves désordres sociaux à un moment où des menaces sérieuses pesaient sur la ville, il fallait surseoir à l’application de l’interdiction par voie pénale, en attendant des circonstances plus favorables.
L’interdiction de frapper les femmes n’était pas abandonnée, elle était seulement remise à des temps plus favorables, sans mettre l’ordre social en danger. On ne peut rien faire contre la volonté d’un peuple qui n’est pas encore mûr pour des ruptures nécessaires et des évolutions inéluctables. Il faut savoir composer et temporiser, accepter des compromis, pour atteindre l’objectif désiré à moindres frais, dans la paix et la cohésion sociale. Dieu nous donne une leçon de sagesse dont nous devons nous inspirer dans tous nos efforts législatifs. Il y avait communion de pensée entre Dieu et Son Messager. Seulement, ce dernier voulait aller trop vite, presser le pas, et c’est en ce sens que « ce que Dieu a voulu est le meilleur ». Le meilleur compte tenu de la conjoncture, et c’est là qu’intervient notre lecture vectorielle du Coran.
La mentalité patriarcale dominante n’était pas encore mûre pour l’interdiction totale et stricte, sous peine de qisâs. Et on était à la veille d’une bataille qui s’annonçait difficile et qui nécessitait la mobilisation des hommes, de tous les hommes. Il fallait temporiser et composer momentanément avec la mentalité dominante, en attendant que le moment soit plus propice et que les esprits évoluent. C’était de la Realpolitik, dans le bon sens de l’expression, parce qu’on ne change le réel qu’en lui obéissant. Comme dans le cas de la trêve d’Al-Hudaybiyya, qui, sur l’heure, avait paru aux compagnons du Prophète comme une humiliante reculade. Il s’agissait de l’ajustement d’une mesure qui s’était révélée impopulaire. Ni revirement ni contradiction donc entre Dieu et Son Messager. L’intention est la même. Elle n’a pas varié. Seulement, Dieu est l’Infiniment Sage. La preuve ayant été faite que la mesure d’interdiction était en avance sur son temps, il fallait la reporter dans un souci d’apaisement, laissant le temps au temps, et procédant par éducation et exhortation. Mais la direction à suivre est fléchée, et il faut aller dans le sens du vecteur. Telle est notre lecture du Coran, qui est une parole vivante. C’est-à-dire qu’il faut sans cesse actualiser dans le sens voulu par le législateur divin.
C’est justement ce que fit le Prophète, qui est naturellement le meilleur interprète du Coran. Celui-ci, en effet, après la descente du verset sur la maltraitance des femmes, n’abandonna pas la partie. Il renonça seulement au qisâs, qui s’était révélé prématuré et impopulaire, mais il poursuivit sa campagne contre la coutume de frapper les femmes et il avait toujours donné l’exemple. Il ne haussait même pas le ton avec ses épouses. Il commenta ainsi les versets en question : « Le meilleur d’entre vous ne frappe pas sa femme. » Marquant encore davantage sa désapprobation, il disait : « Je déteste qu’un homme frappe sa femme dans un accès de colère, alors que le jour même il se peut qu’il partage avec elle son lit. » Au niveau de l’intention, sur l’interdiction de frapper les femmes, la coïncidence était totale entre Dieu et Son Messager – et il ne peut en être autrement. De cette expérience du passé, il nous faut faire notre profit et ne pas confondre, dans les réformes sociales, vitesse et précipitation.
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