Présent en Algérie depuis 38 ans, jésuite depuis 31 ans, successeur de saint Augustin sur le siège de Constantine et Hippone depuis trois ans et demi, Mgr Paul Desfarges, 68 ans, participe au Synode pour la nouvelle évangélisation. Il fut l’un de ceux qui a ouvertement évoqué la question des musulmans convertis au catholicisme.
Quel est le sens de la présence de l’Église catholique en Algérie ?
Mon diocèse compte 12 millions d’habitants, quelques centaines de catholiques, 17 prêtres et une vingtaine de religieux et religieuses. La majorité des baptisés sont des étudiants africains. Au début de leur séjour, ils sont parfois pris à partie parce qu’ils ne sont pas musulmans, puis des liens d’amitié se tissent avec d’autres jeunes.
Ainsi vit notre Église, au rythme de ce que disait le cardinal Léon-Étienne Duval : « L’amitié est révolutionnaire ». Car tel est le sens de notre présence d’Église : la rencontre, l’amitié, la fraternité. Je rêve d’une petite communauté chrétienne qui puisse croître dans le monde spirituel musulman. Pour moi, ce n’est que par excès de bonté que les choses arrivent. L’islam n’est pas une menace. Les musulmans sont des frères qui croient en une autre religion. Nous ne devons pas être agressifs sous prétexte que l’autre l’est. Restons disciples de Jésus. Certes, il s’agit d’un chemin difficile.
Les conversions de musulmans algériens au catholicisme sont-elles un phénomène public ?
Oui, il y a quelques conversions d’Algériens. Pour la ville de Constantine, qui compte un million d’habitants, elles se comptent sur les doigts d’une main, peut-être quelques dizaines pour mon diocèse Il s’agit de parcours très personnels, témoignant d’un questionnement intérieur. Nous prenons toujours le temps d’un discernement pour respecter la liberté des personnes. Il nous faut respecter une très grande discrétion, car il s’agit toujours d’une souffrance pour les familles et les entourages, ainsi confrontés à un choix proprement impensable, inouï. Les parents, souvent, culpabilisent.
Avez-vous été étonné de voir ce thème abordé au Synode pour la nouvelle évangélisation ?
De fait, ce thème a été abordé par des représentants du Maghreb, de Syrie, d’Afrique. Je n’en ai pas été surpris. Avec le printemps arabe, il se passe quelque chose. Les gens se posent des questions. Ils ne sont pas forcément satisfaits par le discours habituel entendu dans les mosquées. Et souhaitent affirmer la liberté de croire, ou de ne pas croire.
En Algérie, le phénomène est désormais public. Je possède la nationalité algérienne. Si notre constitution reconnaît la liberté de conscience, depuis 2006, une loi sur le culte non musulman condamne le prosélytisme. Elle vise surtout les groupes évangéliques. Lorsque j’aborde cette question avec les autorités, je leur dis que nous sommes très sérieux : pour nous la seule raison admissible est une rencontre personnelle authentique avec le Christ.
Qu’attendez-vous de ce Synode ?
Qu’il promeuve un regard positif sur les autres religions, qu’il poursuive sur le chemin du dialogue, de la rencontre et de l’approfondissement. Au nom de l’Évangile, Dieu est rentré en conversation avec l’humanité. Le nouveau paradigme de la mission, c’est la Visitation. Dans la rencontre entre les personnes, on dit à l’autre : « J’aime ta vie. Merci de me la faire connaître. » C’est un chemin de fraternité. Nous ne serons évangélisateurs que de ce dont nous vivrons vraiment.
Recueilli par Frédéric Mounier et Dominique Greiner (à Rome)
LA CROIX
Quel est le sens de la présence de l’Église catholique en Algérie ?
Mon diocèse compte 12 millions d’habitants, quelques centaines de catholiques, 17 prêtres et une vingtaine de religieux et religieuses. La majorité des baptisés sont des étudiants africains. Au début de leur séjour, ils sont parfois pris à partie parce qu’ils ne sont pas musulmans, puis des liens d’amitié se tissent avec d’autres jeunes.
Ainsi vit notre Église, au rythme de ce que disait le cardinal Léon-Étienne Duval : « L’amitié est révolutionnaire ». Car tel est le sens de notre présence d’Église : la rencontre, l’amitié, la fraternité. Je rêve d’une petite communauté chrétienne qui puisse croître dans le monde spirituel musulman. Pour moi, ce n’est que par excès de bonté que les choses arrivent. L’islam n’est pas une menace. Les musulmans sont des frères qui croient en une autre religion. Nous ne devons pas être agressifs sous prétexte que l’autre l’est. Restons disciples de Jésus. Certes, il s’agit d’un chemin difficile.
Les conversions de musulmans algériens au catholicisme sont-elles un phénomène public ?
Oui, il y a quelques conversions d’Algériens. Pour la ville de Constantine, qui compte un million d’habitants, elles se comptent sur les doigts d’une main, peut-être quelques dizaines pour mon diocèse Il s’agit de parcours très personnels, témoignant d’un questionnement intérieur. Nous prenons toujours le temps d’un discernement pour respecter la liberté des personnes. Il nous faut respecter une très grande discrétion, car il s’agit toujours d’une souffrance pour les familles et les entourages, ainsi confrontés à un choix proprement impensable, inouï. Les parents, souvent, culpabilisent.
Avez-vous été étonné de voir ce thème abordé au Synode pour la nouvelle évangélisation ?
De fait, ce thème a été abordé par des représentants du Maghreb, de Syrie, d’Afrique. Je n’en ai pas été surpris. Avec le printemps arabe, il se passe quelque chose. Les gens se posent des questions. Ils ne sont pas forcément satisfaits par le discours habituel entendu dans les mosquées. Et souhaitent affirmer la liberté de croire, ou de ne pas croire.
En Algérie, le phénomène est désormais public. Je possède la nationalité algérienne. Si notre constitution reconnaît la liberté de conscience, depuis 2006, une loi sur le culte non musulman condamne le prosélytisme. Elle vise surtout les groupes évangéliques. Lorsque j’aborde cette question avec les autorités, je leur dis que nous sommes très sérieux : pour nous la seule raison admissible est une rencontre personnelle authentique avec le Christ.
Qu’attendez-vous de ce Synode ?
Qu’il promeuve un regard positif sur les autres religions, qu’il poursuive sur le chemin du dialogue, de la rencontre et de l’approfondissement. Au nom de l’Évangile, Dieu est rentré en conversation avec l’humanité. Le nouveau paradigme de la mission, c’est la Visitation. Dans la rencontre entre les personnes, on dit à l’autre : « J’aime ta vie. Merci de me la faire connaître. » C’est un chemin de fraternité. Nous ne serons évangélisateurs que de ce dont nous vivrons vraiment.
Recueilli par Frédéric Mounier et Dominique Greiner (à Rome)
LA CROIX
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