ACHAT D'UN BIEN IMMOBILIER PAR LE BIAIS D'UN PRET BANCAIRE
Traduit de l'arabe par Azzedine GACI
Président du CRCM Rhône Alpes
Question : Est ce que je peux acheter une maison (ou un appartement) en contractant un prêt immobilier auprès d’une banque.
Cette question a suscité beaucoup de polémiques chez les musulmans en Europe et dans le monde occidental en général. Le Conseil a reçu plusieurs études qui approuvent ou désapprouvent ce type d'achat.
Après avoir passé en revue ces documents et étudié en profondeur le sujet, le Conseil est arrivé aux conclusions suivantes à la majorité de ses membres :
1. Le Conseil confirme le consensus général au sein de la communauté musulmane à savoir que l´usure est illicite. C´est un péché majeur, un des sept péchés capitaux, et ceux qui pratiquent l´usure sont en conflit avec Dieu et Son Envoyé (Psl). D'ailleurs, le Conseil confirme la décision prise par les conseils de jurisprudence à travers le monde musulman qui assimile les intérêts bancaires à l´usure.
2. Le Conseil invite la communauté musulmane en Occident à explorer toutes les alternatives islamiques sans aucune ambiguïté, comme par exemple la vente à profit (murâbaha) que pratiquent couramment les banques islamiques. Le Conseil encourage aussi les musulmans à ouvrir leurs propres entreprises du bâtiment pour offrir aux musulmans des moyens de paiement plus souples.
3. Le Conseil appelle les organisations musulmanes de l'Europe à négocier avec les banques européennes pour trouver des formules légales et acceptables par leurs clients musulmans, comme par exemple la vente à paiements décalés (bay` at-taqsit), où l´acquéreur doit payer un supplément pour le délai accordé. Cette formule qui profitera aussi bien à la communauté musulmane qu´aux banques est déjà opérationnelle dans certains pays européens. Sachant que certaines banques européennes ont ouvert des filiales dans des pays musulmans où les transactions sont conformes à la jurisprudence islamique, le Conseil leur lance donc cet appel afin qu´elles répondent aux besoins des musulmans.
4. Si aucune des solutions proposées ci-dessus n´est possible, le Conseil, à la lumière des preuves, des règles juridiques et des considérations de jurisprudence, ne voit alors aucun mal à l´acquisition par un musulman d´un logement par un emprunt bancaire, si les conditions suivantes sont strictement réunies :
a) Le logement acheté est réservé au seul usage de l´acquéreur et de son foyer.
b) Le logement doit constituer la résidence principale de l´acquéreur qui ne doit posséder aucun autre logement.
c) L´acquéreur ne doit pas avoir d´actifs pouvant lui permettre d´acheter sa résidence principale sans recourir à l´emprunt bancaire.
Pour établir cet avis juridique (fatwa), le Conseil s´est basé essentiellement sur les deux principes suivants :
Premier principe :
Il s´agit de la règle de jurisprudence reconnue et énoncée comme suit :
« La nécessité extrême rend licites les choses illicites. » Ou : « La nécessité lève l´interdiction. » Cette règle découle de cinq textes coraniques, dont :
« Alors qu´Il vous a détaillé ce qu´Il vous a interdit, à moins que vous ne soyez contraints d´y recourir. » Coran 6/119
« Il n´y a pas de péché sur celui qui est contraint sans toutefois abuser ni transgresser, car Dieu est Pardonneur et Miséricordieux. » Coran 2/173
En outre, les juristes ont établi que la notion de « besoin ou nécessité » (al-hâja) d´un groupe ou d´un individu peut avoir la même valeur et peut être traitée au même titre que « l´obligation ou la nécessité extrême » (ad-darûra).
Juridiquement, on considère qu´une personne est dans une situation de « besoin ou nécessité » lorsque l´absence de dérogation à l´interdit lui cause une gêne et des difficultés importantes dans sa vie. Dans le cas de « l´obligation ou de la nécessité extrême », la personne se trouve dans une situation où elle ne peut éviter la levée de l´interdit.
Or, Dieu a épargné toute gêne et toute difficulté à la communauté, comme le précise les versets suivants :
« C´est Lui qui vous a élus ; et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion, celle de votre père Abraham, lequel vous a déjà nommés "Musulmans" avant (ce Livre) et dans ce (Livre), afin que le Messager soit témoin contre vous, et que vous soyez vous-mêmes témoins contre les gens. » Coran 22/78
« Dieu ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. » Coran 5/6
Le logement qui permet d´épargner la gêne au musulman et d´alléger ses difficultés, est celui qui répond à certains comme la superficie, l´emplacement ou le confort.
Si le Conseil s´est basé sur cette règle de "la nécessité extrême ou le besoin qui équivaut à une nécessité extrême", il n´oublie pas pour autant de prendre en considération l´autre règle juridique qui l'encadre et la complète.
Cette règle précise que « ce qui a été rendu licite par l´extrême nécessité doit faire l´objet d´une grande attention et être traité avec sérieux ». C´est pourquoi la fatwa ne couvre pas les autres situations d´emprunts bancaires comme celle relative à l´achat d´un local commercial. Elle se limite seulement à l´acquisition d´un logement personnel, pour ceux qui n´en possèdent pas encore.
Le logement constitue sans aucun doute une nécessité extrême pour le musulman et la famille musulmane. Il fait partie des bienfaits que Dieu offre à Ses Serviteurs comme l´affirme le verset :
« Et Dieu a fait de vos maisons, pour vous, une habitation. » Coran 16/80
Le Prophète (Psl) a fait du logement spacieux un des trois ou quatre éléments constitutifs du bonheur. Or, le logement locatif ne répond pas entièrement aux besoins du musulman. Payer un loyer toute sa vie ne lui donne aucun sentiment de sécurité. En effet, en tant que locataire, il peut être expulsé de son logement pour différentes raisons et à tout moment, comme par exemple dans le cas d'une baisse de revenus ou de licenciement ...
Acquérir son propre logement épargne donc au musulman toutes ces déconvenues, et en lui permettant de s´installer au voisinage immédiat d´une mosquée, d´un centre islamique ou d´une école, il pourra rencontrer et connaître d´autres familles musulmanes et préserver ainsi son identité. De plus, en tant que propriétaire, il sera libre d'aménager son logement en fonction de ses propres besoins religieux et sociaux.
Au-delà de tous ces bienfaits individuels, et libérée de la pression financière découlant d'un système locatif, cette communauté musulmane minoritaire pourra ainsi consacrer son énergie à la da`wa (témoignage), un effort rendu quasi impossible quand on passe tout son temps à essayer de couvrir les dépenses de son loyer et des charges quotidiennes.
Deuxième principe :
Le second critère sur lequel se base notre fatwa est l´avis juridique qui autorise les musulmans à utiliser l´usure et autres pratiques non valides dans les pays autres que les pays musulmans.
C´est l´opinion de savants renommés comme Abû Hanîfa, son ami Muhammad ash-Shaybanî, Sufyân ath-Thawrî, Ibrâhîm an-Nakhâ´î et plus généralement de l´école hanafite. C´est aussi une des opinions d´Ahmad Ibn Hanbal qui a été authentifiée par Ibn Taymiyya selon le témoignage de certains Hanbalites.
Traduit de l'arabe par Azzedine GACI
Président du CRCM Rhône Alpes
Question : Est ce que je peux acheter une maison (ou un appartement) en contractant un prêt immobilier auprès d’une banque.
Cette question a suscité beaucoup de polémiques chez les musulmans en Europe et dans le monde occidental en général. Le Conseil a reçu plusieurs études qui approuvent ou désapprouvent ce type d'achat.
Après avoir passé en revue ces documents et étudié en profondeur le sujet, le Conseil est arrivé aux conclusions suivantes à la majorité de ses membres :
1. Le Conseil confirme le consensus général au sein de la communauté musulmane à savoir que l´usure est illicite. C´est un péché majeur, un des sept péchés capitaux, et ceux qui pratiquent l´usure sont en conflit avec Dieu et Son Envoyé (Psl). D'ailleurs, le Conseil confirme la décision prise par les conseils de jurisprudence à travers le monde musulman qui assimile les intérêts bancaires à l´usure.
2. Le Conseil invite la communauté musulmane en Occident à explorer toutes les alternatives islamiques sans aucune ambiguïté, comme par exemple la vente à profit (murâbaha) que pratiquent couramment les banques islamiques. Le Conseil encourage aussi les musulmans à ouvrir leurs propres entreprises du bâtiment pour offrir aux musulmans des moyens de paiement plus souples.
3. Le Conseil appelle les organisations musulmanes de l'Europe à négocier avec les banques européennes pour trouver des formules légales et acceptables par leurs clients musulmans, comme par exemple la vente à paiements décalés (bay` at-taqsit), où l´acquéreur doit payer un supplément pour le délai accordé. Cette formule qui profitera aussi bien à la communauté musulmane qu´aux banques est déjà opérationnelle dans certains pays européens. Sachant que certaines banques européennes ont ouvert des filiales dans des pays musulmans où les transactions sont conformes à la jurisprudence islamique, le Conseil leur lance donc cet appel afin qu´elles répondent aux besoins des musulmans.
4. Si aucune des solutions proposées ci-dessus n´est possible, le Conseil, à la lumière des preuves, des règles juridiques et des considérations de jurisprudence, ne voit alors aucun mal à l´acquisition par un musulman d´un logement par un emprunt bancaire, si les conditions suivantes sont strictement réunies :
a) Le logement acheté est réservé au seul usage de l´acquéreur et de son foyer.
b) Le logement doit constituer la résidence principale de l´acquéreur qui ne doit posséder aucun autre logement.
c) L´acquéreur ne doit pas avoir d´actifs pouvant lui permettre d´acheter sa résidence principale sans recourir à l´emprunt bancaire.
Pour établir cet avis juridique (fatwa), le Conseil s´est basé essentiellement sur les deux principes suivants :
Premier principe :
Il s´agit de la règle de jurisprudence reconnue et énoncée comme suit :
« La nécessité extrême rend licites les choses illicites. » Ou : « La nécessité lève l´interdiction. » Cette règle découle de cinq textes coraniques, dont :
« Alors qu´Il vous a détaillé ce qu´Il vous a interdit, à moins que vous ne soyez contraints d´y recourir. » Coran 6/119
« Il n´y a pas de péché sur celui qui est contraint sans toutefois abuser ni transgresser, car Dieu est Pardonneur et Miséricordieux. » Coran 2/173
En outre, les juristes ont établi que la notion de « besoin ou nécessité » (al-hâja) d´un groupe ou d´un individu peut avoir la même valeur et peut être traitée au même titre que « l´obligation ou la nécessité extrême » (ad-darûra).
Juridiquement, on considère qu´une personne est dans une situation de « besoin ou nécessité » lorsque l´absence de dérogation à l´interdit lui cause une gêne et des difficultés importantes dans sa vie. Dans le cas de « l´obligation ou de la nécessité extrême », la personne se trouve dans une situation où elle ne peut éviter la levée de l´interdit.
Or, Dieu a épargné toute gêne et toute difficulté à la communauté, comme le précise les versets suivants :
« C´est Lui qui vous a élus ; et Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion, celle de votre père Abraham, lequel vous a déjà nommés "Musulmans" avant (ce Livre) et dans ce (Livre), afin que le Messager soit témoin contre vous, et que vous soyez vous-mêmes témoins contre les gens. » Coran 22/78
« Dieu ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. » Coran 5/6
Le logement qui permet d´épargner la gêne au musulman et d´alléger ses difficultés, est celui qui répond à certains comme la superficie, l´emplacement ou le confort.
Si le Conseil s´est basé sur cette règle de "la nécessité extrême ou le besoin qui équivaut à une nécessité extrême", il n´oublie pas pour autant de prendre en considération l´autre règle juridique qui l'encadre et la complète.
Cette règle précise que « ce qui a été rendu licite par l´extrême nécessité doit faire l´objet d´une grande attention et être traité avec sérieux ». C´est pourquoi la fatwa ne couvre pas les autres situations d´emprunts bancaires comme celle relative à l´achat d´un local commercial. Elle se limite seulement à l´acquisition d´un logement personnel, pour ceux qui n´en possèdent pas encore.
Le logement constitue sans aucun doute une nécessité extrême pour le musulman et la famille musulmane. Il fait partie des bienfaits que Dieu offre à Ses Serviteurs comme l´affirme le verset :
« Et Dieu a fait de vos maisons, pour vous, une habitation. » Coran 16/80
Le Prophète (Psl) a fait du logement spacieux un des trois ou quatre éléments constitutifs du bonheur. Or, le logement locatif ne répond pas entièrement aux besoins du musulman. Payer un loyer toute sa vie ne lui donne aucun sentiment de sécurité. En effet, en tant que locataire, il peut être expulsé de son logement pour différentes raisons et à tout moment, comme par exemple dans le cas d'une baisse de revenus ou de licenciement ...
Acquérir son propre logement épargne donc au musulman toutes ces déconvenues, et en lui permettant de s´installer au voisinage immédiat d´une mosquée, d´un centre islamique ou d´une école, il pourra rencontrer et connaître d´autres familles musulmanes et préserver ainsi son identité. De plus, en tant que propriétaire, il sera libre d'aménager son logement en fonction de ses propres besoins religieux et sociaux.
Au-delà de tous ces bienfaits individuels, et libérée de la pression financière découlant d'un système locatif, cette communauté musulmane minoritaire pourra ainsi consacrer son énergie à la da`wa (témoignage), un effort rendu quasi impossible quand on passe tout son temps à essayer de couvrir les dépenses de son loyer et des charges quotidiennes.
Deuxième principe :
Le second critère sur lequel se base notre fatwa est l´avis juridique qui autorise les musulmans à utiliser l´usure et autres pratiques non valides dans les pays autres que les pays musulmans.
C´est l´opinion de savants renommés comme Abû Hanîfa, son ami Muhammad ash-Shaybanî, Sufyân ath-Thawrî, Ibrâhîm an-Nakhâ´î et plus généralement de l´école hanafite. C´est aussi une des opinions d´Ahmad Ibn Hanbal qui a été authentifiée par Ibn Taymiyya selon le témoignage de certains Hanbalites.
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