On les appela d'abord des "Indigènes" (1904-1945). Puis ils furent les "Immigrés" (1945-1981). Aujourd'hui, ils sont des "Français" (1981-2009) : les titres choisis pour chacun des épisodes (3 × 52 minutes) de l'émouvante série documentaire "Musulmans de France", réalisée par Karim Miské et coécrite par l'historien scénariste Emmanuel Blanchard, résument à merveille l'histoire de ces Français originaires du Maghreb ou d'Afrique noire et l'évolution de leur identité sur le territoire national. "C'est peut-être le moment d'écrire leur histoire. Elle fait partie de la nôtre", annonce le commentaire de la trilogie en guise de préambule.
En effet. De la poignée de Kabyles colonisés venus pour la première fois d'Algérie en 1904 pour travailler dans les mines du Nord, jusqu'à la nomination symbolique au gouvernement par Nicolas Sarkozy de trois femmes "issues de l'immigration" en 2007, le film de Karim Miské retrace avec clarté et pédagogie les moments clés d'une véritable épopée qui, ainsi synthétisée, trouve la lisibilité qui lui manquait.
Les intervenants - historiens et sociologues, mais aussi imam, scénariste, éducateur retraité -, choisis pour leur regard éclairé mais aussi pour leur propre appartenance à cette histoire, ajoutent à la fresque de Karim Miské, ainsi incarnée, une dimension attachante, un sentiment de proximité. Le genre historique en est revivifié, tandis que chaque spectateur se sent bel et bien concerné par "cette histoire qui est aussi la sienne".
DES LIENS SOCIÉTAUX PUISSANTS
Une histoire qui, longue déjà de plus d'un siècle, semble pourtant s'être curieusement faite à son insu. Année après année, Algériens d'abord, puis Marocains, Tunisiens, Maliens et Sénégalais, venus en métropole dans l'idée d'en repartir un jour, découvrent qu'ils vont en fait rester, l'immigration familiale puis la naissance d'enfants sur le territoire contribuant à les y fixer. De même, les Français de souche, vaguement conscients, pendant des décennies, de la présence d'immigrés à leurs côtés, réalisent avec stupeur, au cours des années 1960 et 1970, que ces derniers ont désormais autant de légitimité qu'eux à vivre en France.
C'est qu'entre-temps, des liens sociétaux puissants se sont tissés qui ne pourront plus jamais être dénoués. C'est l'un des intérêts de cette trilogie documentaire que de les évoquer, avec discernement mais évidence, quand elle n'en révèle pas certains : outre la participation des immigrés, enrôlés dans l'armée française, aux deux guerres mondiales, le documentaire rappelle leur rôle - qui reste encore à explorer - dans la Résistance, le Front populaire ou encore en Mai 68.
Toutes ces facettes, comme les débats contemporains portant sur le voile ou l'excision, seront discutées au cours d'une soirée spéciale animée par Carole Gaessler.
"Musulmans de France", mardi 23 février à partir de 20 h 35 sur France 5. Sortie en DVD le 11 mars.
Lorraine Rossignol
Le Monde
En effet. De la poignée de Kabyles colonisés venus pour la première fois d'Algérie en 1904 pour travailler dans les mines du Nord, jusqu'à la nomination symbolique au gouvernement par Nicolas Sarkozy de trois femmes "issues de l'immigration" en 2007, le film de Karim Miské retrace avec clarté et pédagogie les moments clés d'une véritable épopée qui, ainsi synthétisée, trouve la lisibilité qui lui manquait.
Les intervenants - historiens et sociologues, mais aussi imam, scénariste, éducateur retraité -, choisis pour leur regard éclairé mais aussi pour leur propre appartenance à cette histoire, ajoutent à la fresque de Karim Miské, ainsi incarnée, une dimension attachante, un sentiment de proximité. Le genre historique en est revivifié, tandis que chaque spectateur se sent bel et bien concerné par "cette histoire qui est aussi la sienne".
DES LIENS SOCIÉTAUX PUISSANTS
Une histoire qui, longue déjà de plus d'un siècle, semble pourtant s'être curieusement faite à son insu. Année après année, Algériens d'abord, puis Marocains, Tunisiens, Maliens et Sénégalais, venus en métropole dans l'idée d'en repartir un jour, découvrent qu'ils vont en fait rester, l'immigration familiale puis la naissance d'enfants sur le territoire contribuant à les y fixer. De même, les Français de souche, vaguement conscients, pendant des décennies, de la présence d'immigrés à leurs côtés, réalisent avec stupeur, au cours des années 1960 et 1970, que ces derniers ont désormais autant de légitimité qu'eux à vivre en France.
C'est qu'entre-temps, des liens sociétaux puissants se sont tissés qui ne pourront plus jamais être dénoués. C'est l'un des intérêts de cette trilogie documentaire que de les évoquer, avec discernement mais évidence, quand elle n'en révèle pas certains : outre la participation des immigrés, enrôlés dans l'armée française, aux deux guerres mondiales, le documentaire rappelle leur rôle - qui reste encore à explorer - dans la Résistance, le Front populaire ou encore en Mai 68.
Toutes ces facettes, comme les débats contemporains portant sur le voile ou l'excision, seront discutées au cours d'une soirée spéciale animée par Carole Gaessler.
"Musulmans de France", mardi 23 février à partir de 20 h 35 sur France 5. Sortie en DVD le 11 mars.
Lorraine Rossignol
Le Monde