Accrochés sur les fourreaux d'épaule, ses galons le présentent : un rameau d'olivier surmonté d'un croissant. L'aumônier régional musulman Soufiane El Bariki reçoit dans son bureau de la caserne Xaintrailles, à Bordeaux, dont il partage le secrétariat avec ses trois collègues, catholique, protestant et juif. Il est le premier à occuper ce poste à l'état-major de la zone de défense Sud-Ouest. La création de l'aumônerie musulmane date d'un décret du 16 mars 2005. L'aumônier en chef a été nommé à Paris en juin 2006. Ses adjoints ont été affectés aux quatre armes : terre, air, mer, gendarmerie. Ceux qui sont nommés à la tête des régions s'occupent de tous les militaires, quel que soit leur insigne. Et Soufiane El Bariki ne chôme pas. Il ne reste jamais très longtemps entre ses quatre murs. Il est ravi.
De la faculté à l'armée
Ses parents, originaires du Maroc, sont venus travailler dans les usines de sidérurgie alsaciennes en 1975. Soufiane est né à Mulhouse deux ans plus tard. Il y a fait ses études et enseigné à l'université les sciences économiques et juridiques. Des fourmis dans les pieds, l'envie d'action et de responsabilité le poussent à frapper à la porte de l'armée de terre. Formé à l'école des officiers de Saint-Cyr Coëtquidan, le voilà affecté au 12e régiment d'artillerie à Haguenau. « D'abord directeur adjoint du pôle restauration -hôtellerie-loisirs, je gérais 120 personnes, y compris le suivi de leur carrière. C'était comme une PME. » Puis il s'occupe du budget du régiment. Des postes qui lui conviennent.
Jusqu'au jour où le décret promulgue la création de l'aumônerie musulmane. Les trois autres existaient depuis 1880. « J'ai postulé aussitôt. » Soufiane avait aussi décroché un certificat d'études de la religion musulmane à la mosquée de Saint-Fons, près de Lyon. « Je ne pensais pas m'en servir. » Un bon sésame. L'uniforme d'aumônier est à sa taille, estime le jury, qui, séduit par ses références théologiques, lui offre un premier poste à Draguignan, dans le Var, puis au Tchad. Bordeaux sera sa troisième affectation. La première mission de Soufiane : conseiller le commandement sur toutes les questions liées au culte.
Accompagnement spirituel
Pas toujours facile d'observer le ramadan sur un théâtre d'opération. « Il y a des horaires à respecter pour le début du jeûne et sa rupture. Mais cela ne doit rien désorganiser. J'explique donc que la religion musulmane est ferme dans ses principes mais souple dans ses pratiques : une dérogation est possible dans le cadre du travail pour que la religion soit en adéquation totale avec les obligations de service exigées par l'institution. Le militaire peut interrompre le jeûne à condition de le rattraper. Idem pour la prière du voyageur. »
Soufiane joue aussi un rôle important auprès des personnels qui peuvent faire appel à lui pour célébrer un mariage ou un enterrement. « Un accompagnement spirituel souvent réclamé avec l'éloignement. » Et surtout, il écoute : « Mon bureau est ouvert à tout le monde. »
Aujourd'hui, il doit participer à une cérémonie chez les gendarmes de Battesti puis filer à la BA 106 de Mérignac pour répondre à des interrogations sur la nourriture halal. Le lendemain, il sera appelé à La Rochelle. « Depuis qu'on sait que je suis là, on me sollicite énormément. »
Auteur : DOMINIQUE MANENC
d.manenc@sudouest.com
Source: Sud-Ouest
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