Allez, un peu de lecture pour qui la question intéresse : Que fallait-il avoir dans la cervelle pour prétendre au titre de savant en Islam ? En guise de réponse, voici un petit extrait des mémoires d'un homme de savoir sunnite standard, un bagdadien du 13e s. pour l'occasion, 'Abd al-Latif al-Baghdadi (1162 - 1231) :
Je fus élevé sous la protection du cheikh Abu al-Nadjib, sans connaitre le jeu et la distraction. La plus grande partie de mon temps se passait à écouter du hadith. Des ijazate (ijaza = autorisation d’enseigner accordée par un maitre a un étudiant juge apte) de professeurs de Bagdad, du Khorasan, de Syrie et d’Égypte me furent données. Un jour, mon père me dit : « Je t’ai fait entendre tous les hommes célèbres de Bagdad et je t’ai fait suivre, en matière de transmission du hadith, les cheikhs les plus illustres ». En même temps, j’étudiais l’écriture, et j’apprenais par cœur le Coran, le Fasih (célèbre ouvrage de lexicographie), Les Maqamat, Diwan al-Mutanabbi et d’autres ouvrages du même genre, ainsi qu’un abrégé de droit et un abrégé de grammaire.
Quand j’eus atteint une dizaine d’années, mon père me conduisit auprès de Kamal al-Din al-Anbari, qui était alors un cheikh de Bagdad. Il y avait entre lui et mon père une ancienne amitié, du temps où ils étudiaient le droit a la Madrasa Nizamiya. Je lus sous sa direction Khutbat al-Fasih (ouvrage d’Abu al-‘Alaa al-Ma’ari) ; il débita alors des propos nombreux et continuels auxquels je ne compris rien, mais qui suscitaient l’admiration des élèves autour de lui. Puis il dit à mon père : « Il m’est insupportable d’instruire les enfants. Conduis-le à mon élève al-Wajih al-Wasiti, puis quand son niveau sera moyen, il étudiera avec moi ». Al-Wajih, homme aveugle, riche et vertueux, me prit complètement en charge, et commença à m’instruire du matin jusqu’au soir, assistant a son cercle a la mosquée al-Zafariyya. Il faisait pour moi tous les commentaires nécessaires et me les exposait ; a la fin je lisais ma leçon et il m’en faisait un commentaire particulier. De retour a la maison, je sortais les livres sur lesquels mon professeur travaillait lui-même. Je les lui faisais apprendre par cœur et je les apprenais par cœur en même temps que lui. Puis il se rendait auprès du cheikh Kamal al-Din, lisait sa leçon, et lui la lui commentait, tandis que moi j’écoutais. Je consacrais la plus grande partie de mes nuits à apprendre et a répéter, et au fur et a mesure, ma mémoire augmentait et s’améliorait, ma compréhension se renforçait et s’éclairait et mon intelligence s’aiguisait et se perfectionnait. J’étais assidu auprès de mon professeur, et du professeur de mon professeur.
Le premier ouvrage que j’ai appris par cœur fut al-Luma’ (livre de philologie arabe d’Ibn Djinni) et je l’appris en huit mois. J’écoutais chaque jour le commentaire de ce que d’autres lisaient ; lorsque j’étais de retour chez moi je lisais le commentaire d’al-Thamanini, celui d’Omar ibn Hamza, et celui d’Ibn Burhan, ainsi que tous les autres commentaires que je trouvai. Je l’expliquais aux élèves qui m’ont êtes confies, et j’en vins à dire au sujet de chaque chapitre l’équivalent de plusieurs cahiers. Ensuite, j’appris par cœur et parfaitement Adab al-Katib (ouvrage d’orthographe et de morphologie pour les secrétaires) d’ibn Qutayba dont la première moitié me prit plusieurs mois. Après cela, j’appris par cœur Mushkil al-Quran (traite de rhétorique coranique) et Dharib al-Quran (ouvrage sur les passages difficiles du Coran) du même auteur. Puis je passai à al-Idhah (livre de grammaire) d’Abu Ali al-Farisi sur plusieurs mois. Je lus avec assiduité les commentaires, et je l’étudias avec un soin particulier, cherchant a l’approfondir et rassemblant ce qu’en ont dit les commentateurs ; quant à sa Takmila (appendice de l’ouvrage précédent), je l’apprit par cœur en quelques jours. Je lus les livres complets et les abrégés. Je m’appliquais à l’étude d’al-Muqtadab d’al-Mubarrad et du Kitab d’Ibn Durustawayh (deux ouvrages de grammaire). Au milieu de cela je ne négligeai pas d’écouter du hadith et des leçons de droit auprès de notre cheikh Ibn Fadlan a la Madrasa al-Mu’allaqa de Dar al-Dhahab.
Le cheikh Kamal al-Din à rédigé 130 ouvrages, la plus part sur la grammaire, les autres sur le droit, usul al-fiqh, la mystique et l’ascèse. J’ai écouté, lu et appris par cœur la plupart de ses livres. Il avait commence la rédaction de deux grands ouvrages, l’un sur la langue, l’autre sur le droit, mais il n’a pas pu les terminer. J’avais appris sous sa direction une partie du Kitab de Sibawayh (un des plus anciens grammairiens de la langue arabe). Après la mort du cheikh, je me consacrais encore au Kitab et a son principal commentaire, celui d’al-Sirafi. Ensuite, je lus sous la direction d’Ibn ‘Ubayda al-Karkhi un grand nombre de livres, notamment Kitab al-Usouls (important ouvrage de grammaire) d’Ibn al-Sarraj. Je lus aussi sous sa direction un traite de farai’d (= calcul de parts successorales) et Kitab al-‘Arudh (ouvrage de prose) d’al-Khatib al-Tabrizi, un eleve particulier d’Ibn al-Shadjari. Quant a Ibn al-Khachaab, je l’ai entendu lire les Ma’ani (ouvrage sur le sens du Coran) d’al-Zadjadj, sous la direction de la secrétaire Shuhda bint al-Ibari.
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Quand j’eus atteint une dizaine d’années, mon père me conduisit auprès de Kamal al-Din al-Anbari, qui était alors un cheikh de Bagdad. Il y avait entre lui et mon père une ancienne amitié, du temps où ils étudiaient le droit a la Madrasa Nizamiya. Je lus sous sa direction Khutbat al-Fasih (ouvrage d’Abu al-‘Alaa al-Ma’ari) ; il débita alors des propos nombreux et continuels auxquels je ne compris rien, mais qui suscitaient l’admiration des élèves autour de lui. Puis il dit à mon père : « Il m’est insupportable d’instruire les enfants. Conduis-le à mon élève al-Wajih al-Wasiti, puis quand son niveau sera moyen, il étudiera avec moi ». Al-Wajih, homme aveugle, riche et vertueux, me prit complètement en charge, et commença à m’instruire du matin jusqu’au soir, assistant a son cercle a la mosquée al-Zafariyya. Il faisait pour moi tous les commentaires nécessaires et me les exposait ; a la fin je lisais ma leçon et il m’en faisait un commentaire particulier. De retour a la maison, je sortais les livres sur lesquels mon professeur travaillait lui-même. Je les lui faisais apprendre par cœur et je les apprenais par cœur en même temps que lui. Puis il se rendait auprès du cheikh Kamal al-Din, lisait sa leçon, et lui la lui commentait, tandis que moi j’écoutais. Je consacrais la plus grande partie de mes nuits à apprendre et a répéter, et au fur et a mesure, ma mémoire augmentait et s’améliorait, ma compréhension se renforçait et s’éclairait et mon intelligence s’aiguisait et se perfectionnait. J’étais assidu auprès de mon professeur, et du professeur de mon professeur.
Le premier ouvrage que j’ai appris par cœur fut al-Luma’ (livre de philologie arabe d’Ibn Djinni) et je l’appris en huit mois. J’écoutais chaque jour le commentaire de ce que d’autres lisaient ; lorsque j’étais de retour chez moi je lisais le commentaire d’al-Thamanini, celui d’Omar ibn Hamza, et celui d’Ibn Burhan, ainsi que tous les autres commentaires que je trouvai. Je l’expliquais aux élèves qui m’ont êtes confies, et j’en vins à dire au sujet de chaque chapitre l’équivalent de plusieurs cahiers. Ensuite, j’appris par cœur et parfaitement Adab al-Katib (ouvrage d’orthographe et de morphologie pour les secrétaires) d’ibn Qutayba dont la première moitié me prit plusieurs mois. Après cela, j’appris par cœur Mushkil al-Quran (traite de rhétorique coranique) et Dharib al-Quran (ouvrage sur les passages difficiles du Coran) du même auteur. Puis je passai à al-Idhah (livre de grammaire) d’Abu Ali al-Farisi sur plusieurs mois. Je lus avec assiduité les commentaires, et je l’étudias avec un soin particulier, cherchant a l’approfondir et rassemblant ce qu’en ont dit les commentateurs ; quant à sa Takmila (appendice de l’ouvrage précédent), je l’apprit par cœur en quelques jours. Je lus les livres complets et les abrégés. Je m’appliquais à l’étude d’al-Muqtadab d’al-Mubarrad et du Kitab d’Ibn Durustawayh (deux ouvrages de grammaire). Au milieu de cela je ne négligeai pas d’écouter du hadith et des leçons de droit auprès de notre cheikh Ibn Fadlan a la Madrasa al-Mu’allaqa de Dar al-Dhahab.
Le cheikh Kamal al-Din à rédigé 130 ouvrages, la plus part sur la grammaire, les autres sur le droit, usul al-fiqh, la mystique et l’ascèse. J’ai écouté, lu et appris par cœur la plupart de ses livres. Il avait commence la rédaction de deux grands ouvrages, l’un sur la langue, l’autre sur le droit, mais il n’a pas pu les terminer. J’avais appris sous sa direction une partie du Kitab de Sibawayh (un des plus anciens grammairiens de la langue arabe). Après la mort du cheikh, je me consacrais encore au Kitab et a son principal commentaire, celui d’al-Sirafi. Ensuite, je lus sous la direction d’Ibn ‘Ubayda al-Karkhi un grand nombre de livres, notamment Kitab al-Usouls (important ouvrage de grammaire) d’Ibn al-Sarraj. Je lus aussi sous sa direction un traite de farai’d (= calcul de parts successorales) et Kitab al-‘Arudh (ouvrage de prose) d’al-Khatib al-Tabrizi, un eleve particulier d’Ibn al-Shadjari. Quant a Ibn al-Khachaab, je l’ai entendu lire les Ma’ani (ouvrage sur le sens du Coran) d’al-Zadjadj, sous la direction de la secrétaire Shuhda bint al-Ibari.
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