Le petit Manhattan français a 50 ans

Du décret de De Gaulle au projet de Jean Nouvel, la saga de la Défense.
TONINO SERAFINI
QUOTIDIEN : mardi 9 septembre 2008
1958, l’idée d’un axe des affaires s’impose
C’était à l’époque de l’Etat interventionniste. La puissance publique est alors jugée légitime pour accompagner le développement économique et contribuer à l’aménagement du territoire. On est en 1958, le général de Gaulle, fraîchement revenu au pouvoir, signe de sa main le 9 septembre 1958 un décret qui crée l’Epad (Etablissement public d’aménagement de la Défense). On est au milieu des Trente Glorieuses. Pour accompagner le boom économique du pays, l’Etat juge indispensable de développer un nouveau quartier de bureaux, aux portes de la capitale. Cinquante ans plus tard, la Défense compte un peu plus de 3 millions de mètres carrés de bureaux, 150 000 emplois, 250 000 m2 de commerces et 8 000 logements. C’est devenu la vitrine de la France dans les milieux d’affaires internationaux.
Au départ pour réaliser cet aménagement, l’Etat a délimité un périmètre de 760 hectares à l’ouest de Paris, dans le prolongement de l’axe historique qui va du Louvre (résidence des rois de France avant Versailles) jusqu’au château de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), en passant par le jardin des Tuileries, la place de la Concorde et les Champs-Elysées. La Défense se trouve à 3 kilomètres de l’Arc de Triomphe, sur les territoires des communes de Courbevoie, Puteaux et Nanterre. Elle se situe dans la continuité d’un autre quartier de bureaux situé autour des Champs-Elysées, qui compte aujourd’hui 3,5 millions de mètre carrés de bureaux. En un demi-siècle, l’axe historique est donc devenu un axe des affaires. Une partie des 760 hectares du périmètre initial de l’Epad a servi dans les années 1960 à construire la fac de Nanterre et une cité administrative comprenant la préfecture et le conseil général des Hauts-de-Seine. La Défense doit son nom à une statue érigée en 1883 en hommage aux défenseurs de Paris lors de la guerre de 1870 contre la Prusse.
Un essor à étapes et une relance en 1978
Le quartier d’affaires a mis du temps à démarrer. Il a fallu attendre décembre 1964 pour que l’Etat acte par décret un plan masse des architectes Camelot, De Mailly et Zehrfuss. La configuration actuelle du site, son aménagement et l’ordonnancement architectural du quartier découlent de cet acte fondateur. La Défense a été construite sur une dalle. En dessous, des voies souterraines permettent la circulation de transit et la desserte du quartier en voiture, en autobus, en RER ou métro. En surface, l’espace est dédié aux piétons. Le quartier est organisé autour d’une esplanade de la longueur des Champs-Elysées. Le parti pris architectural est résolument moderne et homogène. Son architecture à la verticale en fait un petit «Manhattan à la française». «La magie de la Défense c’est d’être parvenu à créer une sorte de collision entre des éléments verticaux. Il y a quelque chose de sylvestre, comme une forêt qui apparaît dans le paysage urbain», juge l’architecte Bruno Fortier. Le plan masse de 1964 prévoit la construction de 24 tours, totalisant 800 000 m2 de bureaux. Mais les débuts sont difficiles. On ne se bouscule pas à la Défense. Esso a été la première société à s’y implanter. Pour impulser le mouvement, l’Etat incite ses sociétés nationales à s’y établir : La tour Aquitaine (Elf) est construite en 1967 en même temps que celle du Crédit lyonnais. Puis EDF arrive (1971). Suivront les assureurs GAN et l’UAP (1974), à l’époque nationalisés. Côté architecture, des tours gratte-ciel apparaissent : UAP (190 mètres), Gan (214 mètres), Fiat (235 mètres). En 1970 le RER arrive : il met la Défense à 5 minutes de l’Etoile c’est-à-dire des Champs-Elysées. Le choc pétrolier de 1973 donne un coup d’arrêt au développement du quartier. Un plan de relance est adopté en 1978 par le gouvernement Barre. Arrive alors un promoteur, Christian Pellerin, qui va donner une nouvelle impulsion à la Défense avec ses tours «troisième génération».
2013, arrivée prévue de la tour Signal
En 1983, parmi les «grands travaux» lancés par François Mitterrand, figure la Grande Arche de la Défense, réplique moderne à l’Arc de Triomphe. Ce cube de 112 mètres de haut et de long évidé en son centre est l’œuvre de l’architecte danois Johan Otto von Spreckelsen. Le lancement des travaux, après un concours international d’architecture largement médiatisé, est une aubaine pour aider à attirer des investisseurs et des entreprises. Six ans plus tard, en juillet 1989, l’inauguration de ce bâtiment de 100 000 mètres carrés destiné au ministère de l’Equipement va donner un énorme coup de projecteur sur la Défense. A l’occasion du bicentenaire de la Révolution, la France organise les 14 et 15 juillet dans la Grande Arche le sommet du G7, sous l’œil des caméras du monde entier. Le quartier compte alors 2 millions de mètres carrés de bureaux. Son développement ne se démentira pas.
Mais déjà les tours construites dans les années 1960 commencent à vieillir. Elles ne répondent plus aux besoins des utilisateurs. Certaines entreprises (Arcelor, Generali, Afnor…) quittent même la Défense pour s’installer dans le secteur du Stade de France, où émerge un nouveau quartier de bureaux ultramodernes et plus accessibles depuis les aéroports de Roissy et du Bourget. De surcroît les loyers y sont nettement moins chers : 320 euros du mètre carré contre 520 euros à la Défense. Sentant le danger poindre, l’Epad a obtenu en 2006 du gouvernement un plan de relance. Il prévoit la démolition de plusieurs tours désuètes et la construction de 500 000 mètres carrés de bureaux neufs.
Parmi les immeubles à venir figure la tour Signal de Jean Nouvel, un gratte-ciel de 301 mètres. D’une surface de 140 000 m2, il comprend des bureaux, des commerces, des équipements publics et des logements. Date probable de livraison : 2013.

Du décret de De Gaulle au projet de Jean Nouvel, la saga de la Défense.
TONINO SERAFINI
QUOTIDIEN : mardi 9 septembre 2008
1958, l’idée d’un axe des affaires s’impose
C’était à l’époque de l’Etat interventionniste. La puissance publique est alors jugée légitime pour accompagner le développement économique et contribuer à l’aménagement du territoire. On est en 1958, le général de Gaulle, fraîchement revenu au pouvoir, signe de sa main le 9 septembre 1958 un décret qui crée l’Epad (Etablissement public d’aménagement de la Défense). On est au milieu des Trente Glorieuses. Pour accompagner le boom économique du pays, l’Etat juge indispensable de développer un nouveau quartier de bureaux, aux portes de la capitale. Cinquante ans plus tard, la Défense compte un peu plus de 3 millions de mètres carrés de bureaux, 150 000 emplois, 250 000 m2 de commerces et 8 000 logements. C’est devenu la vitrine de la France dans les milieux d’affaires internationaux.
Au départ pour réaliser cet aménagement, l’Etat a délimité un périmètre de 760 hectares à l’ouest de Paris, dans le prolongement de l’axe historique qui va du Louvre (résidence des rois de France avant Versailles) jusqu’au château de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), en passant par le jardin des Tuileries, la place de la Concorde et les Champs-Elysées. La Défense se trouve à 3 kilomètres de l’Arc de Triomphe, sur les territoires des communes de Courbevoie, Puteaux et Nanterre. Elle se situe dans la continuité d’un autre quartier de bureaux situé autour des Champs-Elysées, qui compte aujourd’hui 3,5 millions de mètre carrés de bureaux. En un demi-siècle, l’axe historique est donc devenu un axe des affaires. Une partie des 760 hectares du périmètre initial de l’Epad a servi dans les années 1960 à construire la fac de Nanterre et une cité administrative comprenant la préfecture et le conseil général des Hauts-de-Seine. La Défense doit son nom à une statue érigée en 1883 en hommage aux défenseurs de Paris lors de la guerre de 1870 contre la Prusse.
Un essor à étapes et une relance en 1978
Le quartier d’affaires a mis du temps à démarrer. Il a fallu attendre décembre 1964 pour que l’Etat acte par décret un plan masse des architectes Camelot, De Mailly et Zehrfuss. La configuration actuelle du site, son aménagement et l’ordonnancement architectural du quartier découlent de cet acte fondateur. La Défense a été construite sur une dalle. En dessous, des voies souterraines permettent la circulation de transit et la desserte du quartier en voiture, en autobus, en RER ou métro. En surface, l’espace est dédié aux piétons. Le quartier est organisé autour d’une esplanade de la longueur des Champs-Elysées. Le parti pris architectural est résolument moderne et homogène. Son architecture à la verticale en fait un petit «Manhattan à la française». «La magie de la Défense c’est d’être parvenu à créer une sorte de collision entre des éléments verticaux. Il y a quelque chose de sylvestre, comme une forêt qui apparaît dans le paysage urbain», juge l’architecte Bruno Fortier. Le plan masse de 1964 prévoit la construction de 24 tours, totalisant 800 000 m2 de bureaux. Mais les débuts sont difficiles. On ne se bouscule pas à la Défense. Esso a été la première société à s’y implanter. Pour impulser le mouvement, l’Etat incite ses sociétés nationales à s’y établir : La tour Aquitaine (Elf) est construite en 1967 en même temps que celle du Crédit lyonnais. Puis EDF arrive (1971). Suivront les assureurs GAN et l’UAP (1974), à l’époque nationalisés. Côté architecture, des tours gratte-ciel apparaissent : UAP (190 mètres), Gan (214 mètres), Fiat (235 mètres). En 1970 le RER arrive : il met la Défense à 5 minutes de l’Etoile c’est-à-dire des Champs-Elysées. Le choc pétrolier de 1973 donne un coup d’arrêt au développement du quartier. Un plan de relance est adopté en 1978 par le gouvernement Barre. Arrive alors un promoteur, Christian Pellerin, qui va donner une nouvelle impulsion à la Défense avec ses tours «troisième génération».
2013, arrivée prévue de la tour Signal
En 1983, parmi les «grands travaux» lancés par François Mitterrand, figure la Grande Arche de la Défense, réplique moderne à l’Arc de Triomphe. Ce cube de 112 mètres de haut et de long évidé en son centre est l’œuvre de l’architecte danois Johan Otto von Spreckelsen. Le lancement des travaux, après un concours international d’architecture largement médiatisé, est une aubaine pour aider à attirer des investisseurs et des entreprises. Six ans plus tard, en juillet 1989, l’inauguration de ce bâtiment de 100 000 mètres carrés destiné au ministère de l’Equipement va donner un énorme coup de projecteur sur la Défense. A l’occasion du bicentenaire de la Révolution, la France organise les 14 et 15 juillet dans la Grande Arche le sommet du G7, sous l’œil des caméras du monde entier. Le quartier compte alors 2 millions de mètres carrés de bureaux. Son développement ne se démentira pas.
Mais déjà les tours construites dans les années 1960 commencent à vieillir. Elles ne répondent plus aux besoins des utilisateurs. Certaines entreprises (Arcelor, Generali, Afnor…) quittent même la Défense pour s’installer dans le secteur du Stade de France, où émerge un nouveau quartier de bureaux ultramodernes et plus accessibles depuis les aéroports de Roissy et du Bourget. De surcroît les loyers y sont nettement moins chers : 320 euros du mètre carré contre 520 euros à la Défense. Sentant le danger poindre, l’Epad a obtenu en 2006 du gouvernement un plan de relance. Il prévoit la démolition de plusieurs tours désuètes et la construction de 500 000 mètres carrés de bureaux neufs.
Parmi les immeubles à venir figure la tour Signal de Jean Nouvel, un gratte-ciel de 301 mètres. D’une surface de 140 000 m2, il comprend des bureaux, des commerces, des équipements publics et des logements. Date probable de livraison : 2013.