Sésame vers les ressources pétrolières du golfe arabo-persique, le détroit d’Ormuz effraie car cette voie de navigation pourrait bien constituer la carotide de notre économie, nécessaire à son irrigation, mais aussi terriblement vulnérable. Et cette vulnérabilité est renforcée par le risque toujours plausible de l’éclatement d’un conflit dans cette région. Mais au-delà de la rhétorique belliqueuse des protagonistes de cette crise et de leur gesticulation diplomatique qui alimente les médias, l’examen factuel des forces en présence restreint considérablement le champ des possibilités.
Aux sources de notre économie, le golfe
A l’endroit le plus resserré, le détroit d’Ormuz ne mesure que 55 km de large pour une profondeur de 70 m. Si le sabordage d’un pétrolier en travers de la voie de navigation pour bloquer le trafic reste un fantasme, ces caractéristiques physiques facilitent néanmoins les attaques depuis la terre, et en particulier depuis les nombreuses îles qui bordent la partie Nord et la sortie du détroit. En 2005, la production de pétrole du golfe arabo-persique s’élevait à 24 millions de barils par jour (Mbj) soit 28 % de la production mondiale et 17 Mbj transitaient vers les pays consommateurs par voie de mer. Ainsi, 12 % du pétrole brut utilisé aux Etats-Unis passe par Ormuz, 25 % de celui utilisé en Europe et 66 % de celui utilisé au Japon. Ce pétrole est acheminé par des VLCC (Very Large Crude Carrier) qui embarquent de 200 000 à 300 000 tonnes à chaque voyage. La seule alternative au transport par super tanker repose sur les réseaux d’oléoducs – souvent mal entretenus – pouvant transporter le pétrole irakien en Turquie et en Syrie ou qui traversent l’Arabie saoudite d’est en ouest jusqu’au port de Yanbu, sur la mer Rouge. Mais la capacité totale de ces voies de transport n’excède pas 7 Mbj et leur développement exigerait des investissements coûteux et des délais importants. Il n’existe donc aucune alternative immédiate et crédible au transit des super tankers via le détroit d’Ormuz. De plus, la dépendance de l’Occident envers cette région du monde ne cesse de croître. En effet, les deux tiers des réserves de pétrole mondiales sont concentrées au Moyen-Orient. Cette situation, ajoutée au fait que les autres régions de production auront totalement épuisé leurs réserves conventionnelles dans une vingtaine d’année, fait que notre dépendance pétrolière à l’égard du golfe « arabo-persique » ne peut que croître. Confirmant ce constat, l’EIA (Enery Information Administration) prévoit que les exportations de pétrole via le détroit d’Ormuz devraient doubler d’ici 2020.
Blocage du détroit
L’histoire récente montre que le scénario d’un blocage du détroit n’est peut-être pas irréaliste. En effet, la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 généra de fortes restrictions de navigation dans le détroit, les deux ennemis ayant abondamment recours aux attaques contre le trafic commercial afin d’étouffer l’économie de leur adversaire. La compagnie d’assurance Lloyd’s, de Londres, estime que 546 navires commerciaux ont été endommagés durant la « tanker war » de 1984 à 1988 et que 430 marins civils ont été tués. La plupart des attaques ont été prononcées par les Iraniens à l’aide de missiles antinavires, de mines dérivantes et de vedettes rapides à l’encontre des navires s’approvisionnant au Koweit. Les Etats-Unis payèrent un lourd tribut à la préservation de la liberté de navigation dans le détroit et dans le golfe. En effet, la frégate de type OH Perry USS Stark fut touchée par un missile exocet lancé depuis un aéronef irakien en mai 1984 et l’USS Samuel B Robert sauta sur une mine iranienne en avril 1988. C’est également durant cette guerre, le 3 juillet 1988, que le croiseur USS Vincennes, alors qu’il luttait contre des vedettes rapides iraniennes, engagea par erreur le vol 655 de l’Iran Air, tuant 290 pèlerins qui se rendaient à la Mecque.
Ainsi, la fermeture du détroit n’est pas qu’une vue de l’esprit et les moyens iraniens actuels se sont considérablement perfectionnés par rapport à ceux employés en 1980.
Les moyens iraniens
Les forces armées iraniennes se répartissent entre une armée régulière comptant 150 000 hommes et les gardiens de la révolution (Pasdaran), armée de libération nationale à forte identité idéologique, composée de 120 000 hommes. Ces forces comportent classiquement des composantes navales, aériennes et terrestres. La marine iranienne est en mesure de jouer un rôle important dans le détroit d’Ormuz avec ses 3 sous-marins de type Kilo, ses 30 vedettes rapides lance-missiles de conception russe ou chinoise, ses 200 embarcations rapides diverses et sa capacité de mouillage de mine. Ces moyens sont dotés d’un armement performant, comme le missile 3M54 (Klub-S) de conception russe, qui peut être lancé depuis un sous-marin pour toucher une cible située à 220 km avec une vitesse finale supérieure à Mach 2, ou la torpille VA111 (Skhval) qui se déplace à plus de 300 km/h. Il ne s’agit pas ici de dresser un inventaire exhaustif de la puissance navale iranienne, mais uniquement d’appeler l’attention sur sa réalité. Mais le véritable danger provient certainement des batteries côtières de missiles anti-navire comme le rappelle cruellement l’engagement de la frégate israélienne de types SAAR-V Hanit par un missile C802 Silkworm de conception chinoise le 14 juillet 2006, au large des côtes libanaises. Ce missile subsonique transporte une charge de 165 kg à 120 km avec une altitude de vol comprise entre 5 et 7 mètres. Il est doté de capacité antibrouillage et peut être lancé depuis la terre, depuis un avion ou depuis un bateau. L’Iran a déployé des Silkworm montés sur camion tout le long de la côte Nord du détroit d’Ormuz et du golfe persique, sur les îles Abu Musa, Qeshm et Sirri. De plus, une usine d’assemblage de missile C802 est installée à Bandar Abbas ce qui permet de penser que l’Iran ne connaîtra pas de pénurie sur ce type de matériel. Mais il ne s’agit pas de l’arme la plus redoutable de cette catégorie puisque l’Iran dispose également du missile de conception soviétique SSN22 Sunburn, spécialement conçu dans les années 80 pour attaquer les croiseurs AEGIS américain. Ce missile combine une vitesse importante, supérieure à mach 2, avec de violentes manœuvres terminales et un fort durcissement aux contre-mesures électroniques afin de contrarier la majorité des défenses antimissiles. Sa portée de 120 km et sa charge militaire de 600 kg le rendent tout particulièrement menaçant. Lui aussi est déployé à bord de camions sur les pourtours du golfe. Lors de la guerre de 1980, la capacité de minage de l’Iran se limitait à de vieilles mines hors d’âge achetées en Corée du Nord. Mais, là encore, la situation a bien évolué et l’Iran dispose désormais de plusieurs milliers de mines modernes, furtives, dotées de systèmes de mise à feu évolués. Ainsi, la mine autopropulsée EM-52, de conception chinoise, qui peut être mise en œuvre dans des eaux très profondes, élargit la capacité de minage iranienne à l’ouvert du détroit. Cet inventaire des systèmes navals les plus emblématiques de l’Iran souligne la réalité d’une menace qu’on ne peut sous-estimer sous peine de graves déconvenues. Cette prise de conscience est tout particulièrement nécessaire car l’Iran ne fait aucun mystère de sa stratégie entièrement orientée vers l’interdiction du trafic maritime, mais aussi naval, dans le golfe. Mieux, elle l’affiche ouvertement en organisant périodiquement des manœuvres navales dans le détroit d’Ormuz.
Aux sources de notre économie, le golfe
A l’endroit le plus resserré, le détroit d’Ormuz ne mesure que 55 km de large pour une profondeur de 70 m. Si le sabordage d’un pétrolier en travers de la voie de navigation pour bloquer le trafic reste un fantasme, ces caractéristiques physiques facilitent néanmoins les attaques depuis la terre, et en particulier depuis les nombreuses îles qui bordent la partie Nord et la sortie du détroit. En 2005, la production de pétrole du golfe arabo-persique s’élevait à 24 millions de barils par jour (Mbj) soit 28 % de la production mondiale et 17 Mbj transitaient vers les pays consommateurs par voie de mer. Ainsi, 12 % du pétrole brut utilisé aux Etats-Unis passe par Ormuz, 25 % de celui utilisé en Europe et 66 % de celui utilisé au Japon. Ce pétrole est acheminé par des VLCC (Very Large Crude Carrier) qui embarquent de 200 000 à 300 000 tonnes à chaque voyage. La seule alternative au transport par super tanker repose sur les réseaux d’oléoducs – souvent mal entretenus – pouvant transporter le pétrole irakien en Turquie et en Syrie ou qui traversent l’Arabie saoudite d’est en ouest jusqu’au port de Yanbu, sur la mer Rouge. Mais la capacité totale de ces voies de transport n’excède pas 7 Mbj et leur développement exigerait des investissements coûteux et des délais importants. Il n’existe donc aucune alternative immédiate et crédible au transit des super tankers via le détroit d’Ormuz. De plus, la dépendance de l’Occident envers cette région du monde ne cesse de croître. En effet, les deux tiers des réserves de pétrole mondiales sont concentrées au Moyen-Orient. Cette situation, ajoutée au fait que les autres régions de production auront totalement épuisé leurs réserves conventionnelles dans une vingtaine d’année, fait que notre dépendance pétrolière à l’égard du golfe « arabo-persique » ne peut que croître. Confirmant ce constat, l’EIA (Enery Information Administration) prévoit que les exportations de pétrole via le détroit d’Ormuz devraient doubler d’ici 2020.
Blocage du détroit
L’histoire récente montre que le scénario d’un blocage du détroit n’est peut-être pas irréaliste. En effet, la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988 généra de fortes restrictions de navigation dans le détroit, les deux ennemis ayant abondamment recours aux attaques contre le trafic commercial afin d’étouffer l’économie de leur adversaire. La compagnie d’assurance Lloyd’s, de Londres, estime que 546 navires commerciaux ont été endommagés durant la « tanker war » de 1984 à 1988 et que 430 marins civils ont été tués. La plupart des attaques ont été prononcées par les Iraniens à l’aide de missiles antinavires, de mines dérivantes et de vedettes rapides à l’encontre des navires s’approvisionnant au Koweit. Les Etats-Unis payèrent un lourd tribut à la préservation de la liberté de navigation dans le détroit et dans le golfe. En effet, la frégate de type OH Perry USS Stark fut touchée par un missile exocet lancé depuis un aéronef irakien en mai 1984 et l’USS Samuel B Robert sauta sur une mine iranienne en avril 1988. C’est également durant cette guerre, le 3 juillet 1988, que le croiseur USS Vincennes, alors qu’il luttait contre des vedettes rapides iraniennes, engagea par erreur le vol 655 de l’Iran Air, tuant 290 pèlerins qui se rendaient à la Mecque.
Ainsi, la fermeture du détroit n’est pas qu’une vue de l’esprit et les moyens iraniens actuels se sont considérablement perfectionnés par rapport à ceux employés en 1980.
Les moyens iraniens
Les forces armées iraniennes se répartissent entre une armée régulière comptant 150 000 hommes et les gardiens de la révolution (Pasdaran), armée de libération nationale à forte identité idéologique, composée de 120 000 hommes. Ces forces comportent classiquement des composantes navales, aériennes et terrestres. La marine iranienne est en mesure de jouer un rôle important dans le détroit d’Ormuz avec ses 3 sous-marins de type Kilo, ses 30 vedettes rapides lance-missiles de conception russe ou chinoise, ses 200 embarcations rapides diverses et sa capacité de mouillage de mine. Ces moyens sont dotés d’un armement performant, comme le missile 3M54 (Klub-S) de conception russe, qui peut être lancé depuis un sous-marin pour toucher une cible située à 220 km avec une vitesse finale supérieure à Mach 2, ou la torpille VA111 (Skhval) qui se déplace à plus de 300 km/h. Il ne s’agit pas ici de dresser un inventaire exhaustif de la puissance navale iranienne, mais uniquement d’appeler l’attention sur sa réalité. Mais le véritable danger provient certainement des batteries côtières de missiles anti-navire comme le rappelle cruellement l’engagement de la frégate israélienne de types SAAR-V Hanit par un missile C802 Silkworm de conception chinoise le 14 juillet 2006, au large des côtes libanaises. Ce missile subsonique transporte une charge de 165 kg à 120 km avec une altitude de vol comprise entre 5 et 7 mètres. Il est doté de capacité antibrouillage et peut être lancé depuis la terre, depuis un avion ou depuis un bateau. L’Iran a déployé des Silkworm montés sur camion tout le long de la côte Nord du détroit d’Ormuz et du golfe persique, sur les îles Abu Musa, Qeshm et Sirri. De plus, une usine d’assemblage de missile C802 est installée à Bandar Abbas ce qui permet de penser que l’Iran ne connaîtra pas de pénurie sur ce type de matériel. Mais il ne s’agit pas de l’arme la plus redoutable de cette catégorie puisque l’Iran dispose également du missile de conception soviétique SSN22 Sunburn, spécialement conçu dans les années 80 pour attaquer les croiseurs AEGIS américain. Ce missile combine une vitesse importante, supérieure à mach 2, avec de violentes manœuvres terminales et un fort durcissement aux contre-mesures électroniques afin de contrarier la majorité des défenses antimissiles. Sa portée de 120 km et sa charge militaire de 600 kg le rendent tout particulièrement menaçant. Lui aussi est déployé à bord de camions sur les pourtours du golfe. Lors de la guerre de 1980, la capacité de minage de l’Iran se limitait à de vieilles mines hors d’âge achetées en Corée du Nord. Mais, là encore, la situation a bien évolué et l’Iran dispose désormais de plusieurs milliers de mines modernes, furtives, dotées de systèmes de mise à feu évolués. Ainsi, la mine autopropulsée EM-52, de conception chinoise, qui peut être mise en œuvre dans des eaux très profondes, élargit la capacité de minage iranienne à l’ouvert du détroit. Cet inventaire des systèmes navals les plus emblématiques de l’Iran souligne la réalité d’une menace qu’on ne peut sous-estimer sous peine de graves déconvenues. Cette prise de conscience est tout particulièrement nécessaire car l’Iran ne fait aucun mystère de sa stratégie entièrement orientée vers l’interdiction du trafic maritime, mais aussi naval, dans le golfe. Mieux, elle l’affiche ouvertement en organisant périodiquement des manœuvres navales dans le détroit d’Ormuz.
Commentaire