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Une nouvelle fois, un séisme a frappé le Maroc inutile

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  • Une nouvelle fois, un séisme a frappé le Maroc inutile

    Le séisme qui a frappé vendredi soir le Sud-Ouest marocain, faisant plus de 2 600 morts selon un dernier bilan, a touché des terres pauvres et montagneuses, délaissées par le pouvoir central, celles-là mêmes que le colonisateur français avait qualifiées d’« inutiles ».

    Rachida El Azzouzi

    C’étaitC’était il y a bientôt vingt ans. Un puissant séisme de magnitude 6,3 ravageait dans la nuit du 23 au 24 février 2004 la province d’Al-Hoceima au nord-est du Maroc, et frappait en son cœur le Rif et sa cordillère de montagnes, une région rurale et amazighe (« berbère ») déshéritée, abandonnée par l’État central. Imzouren, Aït-Kamara… plusieurs communes avaient été complètement détruites.

    Deux décennies plus tard, le souvenir de la catastrophe, qui a causé plus de 628 morts et des centaines de blessés, hante la population comme si elle s’était produite la veille. Et ce souvenir a été violemment ravivé vendredi 8 septembre lorsque « les montagnes ont dansé », selon une expression amazighe, cette fois dans le Haut Atlas, au sud-ouest du pays, provoquant la mort d’au moins 2 680 personnes et plus de 2 476 blessés, selon le dernier bilan du ministère de l’intérieur marocain, communiqué lundi 11 septembre dans l’après-midi.

    Le souvenir a été d’autant plus ravivé que le séisme d’aujourd’hui, d’une magnitude 7 sur l’échelle de Richter, fait résonance avec celui de 2004 tant il raconte un même drame, celui des inégalités qui sévissent du nord au sud du royaume du Maroc.

    Les zones sinistrées par le tremblement de terre dans la province d’Al-Haouz dans la région de Marrakech-Safi (plus de 1 450 morts), et dans celle de Taroudant (plus de 760 morts) dans la région d’Agadir, sont parmi les plus marginalisées, les plus sous-équipées, les plus pauvres du pays. Ce sont des régions qui ont été délibérément tenues à l’écart de la modernisation. Et elles sont perchées dans les montagnes, en terre rurale et amazighophone, là aussi, comme vingt ans plus tôt au nord du pays.

    Agrandir l’image : Illustration 1Dans le village de montagne de Tafeghaghte, le 9 septembre 2023, après le tremblement de terre. © Photo Fadel Senna / AFP

    « Il y a un calquage du tremblement de terre sur des zones pauvres, marginalisées, enclavées. C’est la carte de ce qui a été appelé le “Maroc inutile”, là où l’indice de pauvreté est le plus fort », note la géographe franco-marocaine Chadia Arab en invoquant une politique théorisée par le grand artisan de la colonisation française au Maroc, le maréchal Hubert Lyautey, une politique qui, au lendemain de l’indépendance, a été renforcée par la monarchie marocaine au lieu d’être combattue.

    C’est Lyautey qui évoque le Maroc “utile”, celui de la côte et des plaines, et “l’inutile”, celui de la montagne et des tribus berbères du Maroc (Rif, Moyen, Haut et Anti-Atlas marocains), explique la chercheuse du CNRS, spécialiste des migrations internationales. La colonisation française avait su nommer ces montagnes qui, faute de production de richesses, ont été considérées comme inutiles. Aujourd’hui encore, ces zones sont le fait de politiques d’abandon. On a préféré aménager et mettre le paquet dans les centres urbains, côtiers et touristiques. »

    Une lente agonie


    Une analyse partagée par la géographe marocaine Fatima Gebrati (lire notre entretien), autrice d’une thèse sur la mobilisation territoriale des acteurs du développement local dans le Haut Atlas de Marrakech. Elle la livre à Mediapart alors qu’elle roule dans un décor apocalyptique en direction de Talat N’Yacoub, une commune de la province d’El-Haouz, pulvérisée par le séisme, y compris les bâtiments construits aux normes antisismiques. Elle y achemine de l’aide humanitaire aux victimes livrées à elles-mêmes : « La montagne a été trop longtemps marginalisée en matière d’aménagements du territoire. Les raisons sont multiples et la première a à voir avec la colonisation du Maroc par la France. [...] Seul le “Maroc utile” et non “l’inutile” comptait pour la France. »

    « C’est dans les montagnes que la lutte contre la colonisation a été la plus farouche »,rappelle encore l’universitaire. Et c’est l’une des raisons de leur lente agonie depuis des décennies. « La transformation de l’économie marocaine en une “économie satellite” par la colonisation française s’appuyait en effet sur la distinction, par les autorités du Protectorat, entre un “Maroc utile” et un “Maroc inutile”, abondent sur la plateforme Cairn les chercheurs Tarik Harroud et Max Rousseau dans un article où ils éclairent notamment « le rôle du politique dans un État gouverné par un régime extérieur (pendant la période coloniale) puis par un régime autoritaire ».

    La distinction « Maroc utile/inutile », expliquent-ils, « reprenait grosso modo la distinction entre “Bled el-Makhzen”, les territoires soumis à l’autorité du sultan, et “Bled el-Siba”, les territoires de révolte. Cette précision s’avère utile : il existe une composante à la fois économique et politique à la vision duale qui prédomine dans l’aménagement du territoire marocain, dont l’impact sur la destinée des territoires s’avère crucial ».


    Agrandir l’image : Illustration 2Des femmes avec ce qui reste de leurs biens après le séisme dans le village Aï-Belaziz, au sud d'Al-Hoceima le 24 février 2004. © Photo Abdelhak Senna / AFP

    Parmi les territoires « punis » les plus emblématiques pour Harroud et Rousseau, illustrant l’héritage colonial perpétué par la monarchie : le Rif, réputé frondeur, maté dans le sang dès les lendemains de l’indépendance, ignoré pendant tout le règne de Hassan II notamment, livré à la misère, à l’économie informelle, à la culture et au trafic du cannabis, ou encore le Haut Atlas. Dans ces zones où la population est victime d’une double injustice, à la fois géophysique (enclavement, difficultés d’accès lié au relief) et géopolitique, la société civile joue un rôle majeur, essentiel.

    Elle pallie les insuffisances quand ce n’est pas les absences de l’État avec les moyens du bord. Une partie de cette société civile a migré, fui la pauvreté pour l’Europe, notamment la France où elle a constitué le bataillon ouvrier dans les usines et les mines françaises.

    À l’instar d’autres régions enclavées (Haut Atlas),écrivent Harroud et Rousseau, la population du Rif dépend aujourd’hui majoritairement de l’économie résidentielle, avec les transferts monétaires issus de l’importante émigration européenne. La “périphérisation” du Rif, sous l’effet des sous-investissements publics dans ses zones rurales, a finalement débouché sur son déclin : à partir des années 1970, l’instauration du regroupement familial dans les pays d’immigration, l’émigration clandestine, et la sécheresse menaçant les activités agropastorales, entraînent une décroissance. »

    Devenu·es la diaspora MRE (Marocains résidant à l’étranger), les immigré·es marocain·es vont jusqu’à financer l’électrification de leurs douars (villages) relégués, l’aménagement des routes, la construction d’une école, d’une bibliothèque, ou d’un dispensaire.

    La géographe Chadia Arab cite l’exemple de l’ONG Migrations et développement, créée en 1986 par des migrants marocains et basée à Marseille et Agadir, qui fait « un boulot remarquable ». « Dans les années 80-90, parce qu’il n’y avait pas de routes reliant leurs villages, ce sont les migrants qui les ont bâties. »C’est à nouveau, entre autres, cette diaspora qui s’active aujourd’hui aux côtés des Marocain·es pour secourir les victimes du séisme, depuis l’annonce de la catastrophe.

    Révolte de la « hogra »


    Plus que le séisme de 2004, c’est, douze ans plus tard, un « hirak chaabi », un soulèvement populaire d’une ampleur inédite en 18 ans de règne de Mohammed VI, qui a contraint la monarchie à investir dans des infrastructures de base et de voirie dans le Rif. Il a fallu pour cela que, dans la ville d’Al-Hoceima, « perle de la Méditerranée » où le roi Mohammed VI aime faire du jet-ski, Mouhcine Fikri, 31 ans, se retrouve broyé par une benne à ordures alors qu’il tentait de sauver 500 kilos d’espadon pêchés illégalement que lui avaient saisis les gendarmes, une fortune.

    Sa mort atroce a fait de lui une icône de la hogra – mépris en arabe –, ce mot qui dit l’humiliation, l’arbitraire, la violence au quotidien du système marocain, le Makhzen, l’appareil étatique. Et un détonateur : pendant plusieurs semaines, la population a manifesté pour obtenir dignité et justice sociale, des routes, des hôpitaux, une université, du travail…

    Le mouvement a été violemment réprimé (des peines de prison allant jusqu’à vingt ans de prison pour les meneurs) mais des grands travaux ont enfin été lancés. Sans pour autant sortir de l’ornière la région du sous-développement tant le retard pris est énorme.
    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر

  • #2
    Le charlatan mafieux Mohamed VI est trop occupé à vivre dans le grand luxe royal pour se soucier des problèmes de ses sujets les plus démunis y compris ceux qui vivent dans des maisons modestes très vulnérables aux séismes.

    Autoproclamé "commandeur des croyants", le charlatan mafieux Mohamed VI va naturellement manipuler ses sujets avec la propagande religieuse pour mieux les arnaquer et leur faire oublier la responsabilité de l'Etat marocain dans cette catastrophe.

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    • #3
      D'ailleurs, au moment du séisme, le roi M6 se trouvait à Paris, dans son palace luxueux acheté pour près de 100 millions de dollars.
      « Même si vous mettiez le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche je n'abandonnerais jamais ma mission". Prophète Mohammed (sws). Algérie unie et indivisible.

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