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Le parquet marocain a ouvert une enquête vendredi sur les circonstances du décès de deux vacanciers franco-marocain et marocain tués mardi par des tirs des garde-côtes algériens. Les deux hommes étaient partis avec trois autres jeunes sur des jet-skis depuis une station balnéaire marocaine adossée à la frontière avec l’Algérie. Selon un des survivants, interrogé par le site Al Omk, ils "se sont perdus" et "se sont retrouvés en Algérie", à court d’essence.
À la tombée de la nuit, un navire des garde-côtes algériens s’est approché du groupe. Des coups de feu ont retenti. Bilan : deux personnes de 29 et 40 ans sont décédées. Un des deux corps se trouverait encore en Algérie, selon les médias marocains. Au cœur de cette affaire, la frontière entre le Maroc et l’Algérie, fermée depuis 1994. Retour sur les origines des tensions entre les deux nations, alimentées par la question controversée du Sahara occidental.
Guerre des Sables et Sahara occidental
Les rivalités entre les deux "frères ennemis" du Maghreb ne datent pas d’hier. Lors de l’indépendance des deux pays - en 1956 pour le Maroc et en 1962 pour l’Algérie – , la délimitation entre les deux pays est déjà un sujet de friction. Il tournera à l’affrontement, lors de la "guerre des Sables" à l’automne 1963. Le Maroc revendique certains territoires algériens qui lui ont été confisqués par la puissance coloniale française. Après quatre mois d’affrontements, les belligérants s’accordent pour démilitariser la zone disputée. Les relations restent cordiales pendant une dizaine d’années.
Cet apaisement est rompu par la libération d’un territoire fraîchement libéré de son occupant espagnol : le Sahara occidental. Au sud du Maroc, cette large bande de terre de 266.000 kilomètres carrés longe la côte Atlantique et borde sur quelques kilomètres l’Algérie.
En 1975, le colonisateur espagnol fait ses bagages sans que la question de l’après ne soit réglée. Ses eaux poissonneuses et ses terres riches en phosphate intéressent le Maroc. L’Algérie, de son côté, aimerait le voir indépendant.
© Laurent Vangeenderhuysen (2021)
À ce jour, la question du Sahara Occidental n’est toujours pas réglée. Le territoire est toujours reconnu par l’ONU comme "non-autonome", c’est-à-dire non décolonisé, "dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes". Dans les faits, 80% du territoire est contrôlé par Rabat. Mais un mouvement politique nommé Polisario, soutenu par l’Algérie, réclame un référendum sous l’égide de l’ONU pour obtenir son indépendance totale.
Depuis, "le dossier du Sahara occidental a été intégré dans le récit marocain comme un sujet d’intérêt national", écrit Tilila Sara Kakrim, dans une note de la Fondation pour la recherche stratégique. "Ce contentieux va au-delà d’une question de frontières puisqu’il incarne l’intégrité territoriale du pays, cher au récit de l’État et clairement opposé au récit algérien, qui ne reconnaît pas la marocanité du Sahara occidental."
Une frontière fermée depuis près de trente ans
Loin du Sahara occidental, la frontière principale entre les deux pays d’Afrique du nord, longue d’environ 1900 km, est fermée depuis près de trente ans. En 1994, le Maroc accuse l’Algérie d’être impliqué dans un attentat contre un hôtel à Marrakech et instaure un visa obligatoire aux ressortissants algériens pour entrer sur son territoire. Alger réplique en fermant sa frontière. Depuis, la circulation est bloquée entre les deux pays, déchirant des familles entières.
Sur le plan diplomatique, les tensions s’accentuent fin 2020 quand le Maroc normalise ses relations avec Israël dans le cadre d’un accord négocié avec les Etats-Unis, qui acceptent de rejoindre la positon du Maroc sur le Sahara occidental. Après des mois d’escalade, l’Algérie rompt ses liens diplomatiques avec le Maroc en août 2021, accusant Rabat d'"actes hostiles".
À l’heure actuelle, les liens diplomatiques sont toujours coupés. Récemment, le roi du Maroc Mohammed VI a réitéré son souhait d’un "retour à la normale" avec l’Algérie. Dans le même temps, les affrontements déstabilisent toujours le Sahara occidental. Vendredi encore, un chef militaire du Front Polisario et trois combattants sahraouis ont été tués par un drone marocain, "de fabrication israélienne", selon les médias locaux.
RTBF