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Les failles de la nouvelle offensive russe en Ukraine

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  • Les failles de la nouvelle offensive russe en Ukraine


    Par Isabel Coles et Thomas Grove | The Wall Street Journal

    22 février 2023 à 12:45

    Les lourdes pertes subies sur le champ de bataille mettent en évidence l’inefficacité de la structure de commandement russe.


    MAKSYMIVKA, Ukraine — Sur des vidéos prises par des drones de l’armée ukrainienne sur les champs de bataille gelés de la région orientale du Donbass, on peut voir des chars détruits et un soldat russe gisant face contre terre dans une mare de sang.

    D’autres enregistrements réalisés à proximité montrent un char russe en flammes écrasant deux militaires — dont on ne sait pas s’ils sont morts ou blessés — en tentant de manœuvrer. Dans une troisième vidéo partagée par des commandants ukrainiens, un soldat russe, dont les vêtements sont en feu, fuit d’un char quelques instants avant qu’il n’explose.

    Ces scènes de chaos se déroulent sur la ligne de front autour de Vuhledar, la nouvelle cible prioritaire de la Russie. Moscou a lancé une offensive pour remporter des victoires décisives sur le terrain pendant qu’il bénéficie encore d’un avantage numérique et avant que Kiev ne reçoive pour plusieurs milliards de dollars de nouveaux armements occidentaux.

    La Russie a entamé son offensive, attendue depuis longtemps, afin de renverser la tendance après une série de défaites depuis cet été. Mais Moscou n’a pas mené une opération éclair. Au contraire, il a multiplié les assauts dans quelques secteurs, ce qui se traduit par des combats lents et extrêmement coûteux pour les deux camps.

    Selon les responsables occidentaux, les analystes militaires et les commandants ukrainiens, les affrontements autour de Vuhledar reflètent les profondes lacunes dont souffre toujours l’armée russe après un an de combats en Ukraine.

    D’après eux, le besoin urgent de la Russie d’obtenir des résultats met en évidence le manque d’entraînement des soldats récemment mobilisés et les difficultés à lancer des assauts motorisés massifs, nécessaires pour prendre le dessus sur les forces ukrainiennes. La nouvelle offensive, poursuivent les sources, révèle également les dysfonctionnements chroniques de la structure de commandement et de contrôle de la Russie.


    Selon les responsables occidentaux et les commandants militaires ukrainiens, ces problèmes, qui affectent l’armée russe depuis la première phase d’invasion bâclée de l’année dernière, se traduisent par des taux de pertes exceptionnellement élevés, les haut gradés envoyant à la mort des soldats insuffisamment préparés dans un conflit devenu une guerre d’attrition.

    Les responsables occidentaux estiment que, sur les 350 000 soldats envoyés en Ukraine — soit 97 % de ses forces terrestres selon le Royaume-Uni —, 60 000 ont été tués jusqu'à présent et que le total des morts et des blessés s'élève à 200 000.

    L’Ukraine ne communique pas de chiffres sur ses morts et ses blessés, mais les responsables occidentaux les estiment à 100 000.

    La Russie a probablement perdu plus de 2 000 chars dans sa guerre en Ukraine, soit plus de la moitié de ses engins en état de marche, selon l’Institut international d'études stratégiques.

    Un commandant de compagnie de la 68e brigade mécanisée ukrainienne, déployée près de Vuhledar, affirme que la Russie a perdu 30 chars et véhicules de combat d’infanterie ainsi que des centaines d’hommes en seulement dix jours ce mois-ci.

    « C’est l’une de leurs meilleures divisions, mais leur comportement tactique sur un champ de bataille les mène à leur propre perte, poursuit le commandant qui répond au nom de guerre de Dauphin. Ils sont plus nombreux, mais nous sommes sans aucun doute plus forts. »

    Les responsables ukrainiens affirment que l’intensification des combats marque le début d’une vaste offensive visant à reprendre l’initiative sur le terrain et à s’emparer des oblasts de Donetsk et de Louhansk — les deux régions qui forment le Donbass. Après avoir échoué à prendre Kiev l’année dernière et abandonné des pans entiers du territoire qu’il avait conquis au cours des premières semaines de la guerre, le Kremlin a revu à la baisse ses objectifs de guerre les plus immédiats, qui se limitent désormais à quatre régions ukrainiennes, dont Donetsk et Louhansk.

    Les manœuvres offensives de la Russie interviennent quelques semaines après la nomination du chef d'état-major général, le général Valery Gerasimov, à la tête de ses opérations en Ukraine — une décision que les responsables occidentaux ont interprétée comme une tentative de donner un nouveau souffle aux initiatives militaires de Moscou.

    Un officier russe d’active déclare s’attendre à ce que l’offensive à venir soit plus importante que celle qui se déroule actuellement dans le Donbass. Selon lui, l’intensification récente des combats vise à épuiser les Ukrainiens sur des théâtres comme Bakhmut, une ville située sur un nœud routier et ferroviaire qui donne accès à Sloviansk et Kramatorsk, des localités tenues par les Ukrainiens dans le Donbass.

    L'état-major des forces armées ukrainiennes affirme avoir trouvé et détruit davantage de systèmes de guerre électronique qu’auparavant, signe que la Russie pourrait tenter de brouiller les communications ukrainiennes et préparer des opérations plus sophistiquées.

    « Si nous parvenons à prendre Bakhmut, il est probable que l’Ukraine ne sera plus en mesure de tenir le reste de l’oblast de Donetsk et perdra Sloviansk et Kramatorsk », assure l’officier russe.

    De toute évidence, la Russie est en mesure de soutenir une campagne longue et éprouvante — Moscou peut faire appel à des dizaines de milliers de soldats supplémentaires et a déjà augmenté la production de nouvelles munitions. Côté ukrainien, en revanche, les résultats d’une campagne de mobilisation importante apparaissent moins faciles à évaluer, selon les analystes.

    Cela étant, les doutes subsistent sur les chances de succès d’une éventuelle offensive russe à court terme. Outre les pertes humaines et de chars, les Russes semblent manquer de munitions, selon des responsables britanniques.
    « Peuvent-ils déployer beaucoup de soldats ? Oui, et c’est ce qu’ils font. Mais ils ne pourront pas déclencher une attaque blindée aussi puissante qu’il y a un an », estime Phillips OBrien, professeur d'études stratégiques à l’Université de St Andrews.

    En outre, les Ukrainiens ont utilisé leurs lance-roquettes multiples Himars pour obliger Moscou à déplacer ses installations logistiques plus loin de la ligne de front, ce qui allonge ses lignes d’approvisionnement et complique ses opérations.

    A Vuhledar, le relief plat caractéristique du Donbass donne un avantage aux soldats ukrainiens, qui sont retranchés dans une mine de charbon locale. L’emplacement de la ville, située près de l’unique ligne de chemin de fer reliant Donetsk — occupée par les Russes — à la péninsule de Crimée — une base importante pour les opérations de Moscou — en a fait une cible importante pour la Russie.

    Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a déclaré que l’unité russe impliquée dans les attaques sur Vuhledar avait enregistré 1 000 morts en l’espace de deux jours la semaine dernière. Selon lui, il s’agit d’un « taux de perte proche de ceux de la Première Guerre mondiale ».

    Autour de Vuhledar, la 155e brigade d’infanterie navale de la Garde russe est l’unité qui a encaissé une grande partie des dommages. Depuis le début du conflit, elle a combattu autour de Boutcha, près de Kiev, puis dans l’est de l’Ukraine, subissant à chaque fois des pertes, selon des responsables ukrainiens. Elle est maintenant composée en grande partie de recrues et de nouveaux mobilisés mal entraînés, et non plus des soldats professionnels avec lesquels elle a commencé la guerre.

    Le commandant en second d’un bataillon de la 68e brigade mécanisée ukrainienne doute que la Russie soit en mesure d’organiser une offensive plus importante.

    « La 155e brigade a sans doute subi trop de pertes et est désormais affaiblie »,observe un commandant dont Lermontov est le pseudonyme.

    Près de Vuhledar, le commandant Dauphin examine une carte de la zone sur une tablette, avec les positions russes indiquées par des croix rouges accompagnées d’insultes.

    Bien que les forces du Kremlin n’aient pas réalisé de percée significative ici, il reconnaît que les assauts répétés sont éprouvants pour les troupes ukrainiennes.

    Un membre de la brigade, qui tient une position d’artillerie dans une forêt, explique que les membres de son unité dorment désormais dans leurs véhicules et non plus dans leurs bunkers fortifiés depuis qu’ils ont subi plusieurs attaques nocturnes des forces russes. Dans l’obscurité, il faut pouvoir s’enfuir au plus vite.

    Quoi qu’il en soit, la plupart des Ukrainiens sont convaincus qu’ils garderont le dessus jusqu'à ce que les livraisons d’armes occidentales arrivent, notamment les chars Leopard 2 — sur lesquels des troupes de Kiev s’entraînent actuellement en Pologne — ainsi que les tanks Abrams, l’artillerie de précision et les systèmes de défense antiaériens Patriot.

    « Je ne sais pas ce qu’ils peuvent faire de plus, s’interroge un opérateur de drone de la 68e brigade. S’ils envoient juste de plus en plus d’infanterie, oui, nous aurons plus de pertes, mais je pense qu’ils n’ont aucune chance [de percer nos lignes]. »

    — Ievgeniia Sivorka a contribué à cet article


    وألعن من لم يماشي الزمان ،و يقنع بالعيش عيش الحجر
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