Les Echos
Publié le 29 août 2022 à 18:30Mis à jour le 29 août 2022 à 18:35
En clarifiant ses positions en faveur d'un élargissement de l'UE, le chancelier allemand répond enfin au discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron. Mais à force de vouloir faire la synthèse entre les intérêts divergents de l'Est et de l'Ouest du continent, Olaf Scholz laisse plusieurs zones d'ombre.
Pour un discours qui offre enfin une base de discussion au couple franco-allemand et à la communauté européenne sur l'avenir de l'Europe, Olaf Scholz est resté fidèle à lui-même : sa déclaration de cinquante minutes sur un ton monocorde à l'université Charles de Prague a tranché avec le discours flamboyant d'Emmanuel Macron il y a près de cinq ans à la Sorbonne.
« Contrairement à Angela Merkel qui n'avait pas tenu de discours programmatique sur l'Europe, Olaf Scholz a fait preuve de clarté sur ce que le changement d'ère marqué par la guerre en Ukraine signifie selon lui pour l'UE. Après celui qu'il a tenu devant le Bundestag le 27 février, c'est un second discours qui fera référence », estime néanmoins Yann Wernert, expert de la relation franco-allemande au centre Jacques Delors à Berlin.
Priorité à l'élargissement
Le chancelier a ainsi tranché le vieux débat opposant élargissement et approfondissement de l'UE, en faveur de la première option. Face à la menace impérialiste russe, « une Union de 30 ou 36 Etats », ce qui inclurait les six Etats des Balkans occidentaux ainsi que l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, devient à ses yeux géopolitiquement déterminante pour la stabilité du Vieux Continent.
Dans cette perspective, Olaf Scholz s'engage en faveur d'une réforme des institutions européennes afin de s'assurer que ce nouvel ensemble restera manoeuvrable. Malgré la réticence des pays d'Europe de l'Est, l'abandon de la règle de l'unanimité en faveur de décisions à la majorité, en premier lieu en matière de politique étrangère et fiscale, rejoint ainsi la position française.
Mais ce rapprochement est surtout motivé par le pragmatisme et la volonté de cohésion. Le chancelier se montre ainsi ouvert à une réforme du Pacte de stabilité « sans préjugés, sans donner de leçons, sans rejeter la faute ». Le but est d'avoir des règles respectées et appliquées afin de réduire durablement l'endettement des Etats. « Cette ligne plus compatible avec celle de la France est aussi un message fort à l'égard de pays comme la Grèce : l'Allemagne ne fera plus les mêmes erreurs », analyse Yann Wernert.
La cohésion au détriment du leadership
Olaf Scholz reprend aussi le concept d'une « communauté politique européenne » évoquée par Emmanuel Macron. Mais il le réduit à un « forum » au sein duquel gouvernements de l'UE et partenaires européens discuteraient « une ou deux fois par an ». Une Europe à deux vitesses comme le souhaiterait le président français, Olaf Scholz n'en veut pas, l'unité reste le mot d'ordre.
Lire aussi :
La longue route de l'Europe vers une armée puissante et efficace
Le chancelier réaffirme aussi son engagement en faveur d'une défense européenne plus souveraine, mais il ne cite pas les projets franco-allemands, préférant évoquer l'organisation d'une défense aérienne étendue aux pays de l'Est. « Ce discours répond avant tout aux préoccupations de ces derniers, c'est moins un programme comme le discours de la Sorbonne qu'une tentative de synthèse d'intérêts européens divergents », pointe Martin Koopmann, directeur de la Fondation Genshagen, pour qui « ce n'est pas suffisant pour assurer une position de leadership à l'Allemagne. »
Ninon Renaud (Correspondante à Berlin
Publié le 29 août 2022 à 18:30Mis à jour le 29 août 2022 à 18:35
En clarifiant ses positions en faveur d'un élargissement de l'UE, le chancelier allemand répond enfin au discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron. Mais à force de vouloir faire la synthèse entre les intérêts divergents de l'Est et de l'Ouest du continent, Olaf Scholz laisse plusieurs zones d'ombre.
Pour un discours qui offre enfin une base de discussion au couple franco-allemand et à la communauté européenne sur l'avenir de l'Europe, Olaf Scholz est resté fidèle à lui-même : sa déclaration de cinquante minutes sur un ton monocorde à l'université Charles de Prague a tranché avec le discours flamboyant d'Emmanuel Macron il y a près de cinq ans à la Sorbonne.
« Contrairement à Angela Merkel qui n'avait pas tenu de discours programmatique sur l'Europe, Olaf Scholz a fait preuve de clarté sur ce que le changement d'ère marqué par la guerre en Ukraine signifie selon lui pour l'UE. Après celui qu'il a tenu devant le Bundestag le 27 février, c'est un second discours qui fera référence », estime néanmoins Yann Wernert, expert de la relation franco-allemande au centre Jacques Delors à Berlin.
Priorité à l'élargissement
Le chancelier a ainsi tranché le vieux débat opposant élargissement et approfondissement de l'UE, en faveur de la première option. Face à la menace impérialiste russe, « une Union de 30 ou 36 Etats », ce qui inclurait les six Etats des Balkans occidentaux ainsi que l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie, devient à ses yeux géopolitiquement déterminante pour la stabilité du Vieux Continent.
Dans cette perspective, Olaf Scholz s'engage en faveur d'une réforme des institutions européennes afin de s'assurer que ce nouvel ensemble restera manoeuvrable. Malgré la réticence des pays d'Europe de l'Est, l'abandon de la règle de l'unanimité en faveur de décisions à la majorité, en premier lieu en matière de politique étrangère et fiscale, rejoint ainsi la position française.
Mais ce rapprochement est surtout motivé par le pragmatisme et la volonté de cohésion. Le chancelier se montre ainsi ouvert à une réforme du Pacte de stabilité « sans préjugés, sans donner de leçons, sans rejeter la faute ». Le but est d'avoir des règles respectées et appliquées afin de réduire durablement l'endettement des Etats. « Cette ligne plus compatible avec celle de la France est aussi un message fort à l'égard de pays comme la Grèce : l'Allemagne ne fera plus les mêmes erreurs », analyse Yann Wernert.
La cohésion au détriment du leadership
Olaf Scholz reprend aussi le concept d'une « communauté politique européenne » évoquée par Emmanuel Macron. Mais il le réduit à un « forum » au sein duquel gouvernements de l'UE et partenaires européens discuteraient « une ou deux fois par an ». Une Europe à deux vitesses comme le souhaiterait le président français, Olaf Scholz n'en veut pas, l'unité reste le mot d'ordre.
Lire aussi :
La longue route de l'Europe vers une armée puissante et efficace
Le chancelier réaffirme aussi son engagement en faveur d'une défense européenne plus souveraine, mais il ne cite pas les projets franco-allemands, préférant évoquer l'organisation d'une défense aérienne étendue aux pays de l'Est. « Ce discours répond avant tout aux préoccupations de ces derniers, c'est moins un programme comme le discours de la Sorbonne qu'une tentative de synthèse d'intérêts européens divergents », pointe Martin Koopmann, directeur de la Fondation Genshagen, pour qui « ce n'est pas suffisant pour assurer une position de leadership à l'Allemagne. »
Ninon Renaud (Correspondante à Berlin