Ce que vous devriez réellement savoir à propos de l’Ukraine
Par Bryce Greene
Arrêt sur info — 08 mars 2022
Alors que le conflit est en cours en Ukraine, cet article écrit en janvier demeure tout à fait pertinent. Il permet de situer le contexte et aide à bien comprendre les causes économiques, politiques et géopolitiques ayant conduit au déclenchement de cette guerre. Il expose la désinformation des grands médias, leur alignement irresponsable sur les Etats-Unis et les Etats de l’OTAN, en clair, leur incapacité à éclairer et expliquer les faits dont les fausses interprétations sont susceptibles de conduire à des guerres et à plonger des peuples entiers dans l’horreur. Arrêt sur info
Note du traducteur : Cet article a initialement été publié en anglais le 28 janvier 2022 sur le site d’information Fairness & Accuracy In Reporting. Nous le reproduisons en intégralité.
Ukraine : une guerre évitable, qui était prévisible
Par Bryce Greene
Paru le 28 janvier 2022 sur Fair.org sous le titre What You Should Really Know About Ukraine – Traduit par Jules/Arrêt sur info
Alors que les tensions commençaient à monter en Ukraine, les médias américains traditionnels ont produit un flot d’articles tentant d’expliquer la situation sous des titres tels que « Ukraine Explained » (L’Ukraine expliquée, New York Times, 08/12/2021) et « What You Need to Know About Tensions Between Ukraine and Russia » (Ce que vous avez besoin de savoir à propos des tensions entre l’Ukraine et la Russie, Washington Post, 26/11/2021). Les encadrés présentent des informations qui tentent de replacer les gros titres dans leur contexte. Mais pour vraiment comprendre cette crise, il est nécessaire d’en apprendre bien plus que ce que ces articles proposent.
The Washington Post (11/26/21) placed an article on “tensions between Ukraine and Russia” under the heading “Asia.” As the Post (4/7/14) has noted, “The less Americans know about Ukraine’s location, the more they want US to intervene.”
Ces articles « explicatifs » sont emblématiques de la couverture de l’Ukraine dans le reste des médias dominants, qui ont presque unanimement donné une vision pro-occidentale des relations entre les États-Unis et la Russie et de l’histoire qui les sous-tend. Les médias se sont fait le relai du point de vue de ceux qui pensent que les États-Unis devraient jouer un rôle actif dans la politique ukrainienne et imposer leur vision par le biais de menaces militaires.
La ligne officielle est à peu près la suivante : La Russie défie l’OTAN et « l’ordre international fondé sur des normes » en menaçant d’envahir l’Ukraine, et l’administration Biden se devait de dissuader la Russie en fournissant davantage de garanties de sécurité au gouvernement Zelensky. Le récit officiel utilise l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie en 2014 comme point de départ des relations américano-russes et comme preuve de l’objectif de Poutine de reconstruire l’empire russe perdu depuis longtemps.
La revendication de la Russie auprès de l’OTAN de cesser son élargissement jusqu’aux frontières de la Russie est considérée comme une exigence si inconcevable qu’elle ne peut être interprétée que comme un prétexte pour envahir l’Ukraine. Par conséquent, les États-Unis devraient envoyer des armes et des troupes en Ukraine, et garantir la sécurité de ce pays par le biais des menaces militaires à l’encontre de la Russie (FAIR.org, 1/15/22).
Le Washington Post se demande : « Pourquoi y a-t-il des tensions entre la Russie et l’Ukraine ? », et répond :
« En mars 2014, la Russie a annexé la Crimée aux dépens de l’Ukraine. Un mois plus tard, une guerre a éclaté entre les séparatistes ukrainiens alliés à la Russie et l’armée ukrainienne dans la région de Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) estime que plus de 13 000 personnes ont été tuées. »
Ce compte rendu est extrêmement trompeur, car il écarte le rôle crucial que les États-Unis ont joué dans l’escalade des tensions dans la région. Dans presque tous les cas que nous avons examinés, les rapports ont omis le rôle majeur des États-Unis dans le coup d’État de 2014 [la prétendue « révolution » de Maïdan] (**) qui a précédé l’annexion de la Crimée par la Russie. Se concentrer sur cette dernière étape ne sert qu’à fabriquer un consentement à l’intervention des États-Unis dans un pays étranger.
L’Occident veut des politiques favorables aux investisseurs en Ukraine
David Leonhardt (New York Times, 12/8/21) explains it all: “Putin believes that Ukraine — a country of 44 million people that was previously part of the Soviet Union — should be subservient to Russia.
La toile de fond du coup d’État et de l’annexion de 2014 ne peut être comprise sans examiner la stratégie américaine visant à ouvrir les marchés ukrainiens aux investisseurs étrangers et à placer cette économie sous le contrôle de multinationales géantes.
L’un des outils clés de cette stratégie a été le Fonds monétaire international (FMI), qui utilise les prêts d’aide pour pousser les gouvernements à adopter des politiques favorables aux investisseurs étrangers. Le FMI est financé par le capital financier et les gouvernements occidentaux et il les représente. Depuis des décennies, il est à l’avant-garde des efforts visant à remodeler les économies du monde entier, avec des résultats souvent désastreux la guerre civile au Yémen et le coup d’État en Bolivie ont tous deux fait suite à un rejet des conditions du FMI.
En Ukraine, le FMI avait depuis longtemps prévu de mettre en œuvre une série de réformes économiques afin de rendre le pays plus attrayant pour les investisseurs. Ces réformes comprenaient la suppression du contrôle des salaires (c’est-à-dire faire baisser les salaires), la « réforme et la réduction » des secteurs de la santé et de l’éducation (qui représentaient la majeure partie de l’emploi en Ukraine) et la suppression des subventions au gaz naturel accordées aux citoyens ukrainiens, qui offrait une énergie abordable au grand public. Les organisateurs du coup d’État, comme la secrétaire d’État adjointe américaine Victoria Nuland, ont souligné à plusieurs reprises la nécessité pour le gouvernement ukrainien de mettre en œuvre les réformes « nécessaires ».
En 2013, après les premières mesures d’intégration à l’Occident, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch s’est opposé à ces changements et a mis fin aux négociations d’intégration commerciale avec l’Union européenne. Quelques mois avant son renversement, il a relancé les négociations économiques avec la Russie, infligeant un affront majeur à la sphère économique occidentale. À ce moment-là, les protestations nationalistes s’intensifiaient et allaient renverser son gouvernement.
Après le coup d’État de 2014, le nouveau gouvernement a rapidement relancé l’accord avec l’Union européenne. Après avoir réduit de moitié les subventions au chauffage, il a obtenu un engagement de 27 milliards de dollars de la part du FMI. Parmi les objectifs du FMI figurait toujours la « réduction du rôle de l’État et des intérêts catégoriels dans l’économie », afin d’attirer davantage de capitaux étrangers.
Le FMI est l’une des nombreuses institutions mondiales dont le rôle dans le maintien des inégalités mondiales n’est souvent pas signalé et passe inaperçu aux yeux du grand public. La quête économique des États-Unis pour ouvrir les marchés mondiaux aux capitaux est un moteur essentiel des affaires internationales, mais si la presse choisit de l’ignorer, le débat public demeure incomplet et superficiel.
Les États-Unis ont aidé à renverser le président élu de l’Ukraine
Assistant Secretary of State Victoria Nuland (BBC, 2/7/14) picks the new Ukrainian president: “I think Yats is the guy who’s got the economic experience, the governing experience.”
Assistant Secretary of State Victoria Nuland (BBC, 2/7/14) picks the new Ukrainian president: “I think Yats is the guy who’s got the economic experience, the governing experience.”
Au cours du bras de fer entre les États-Unis et la Russie, les Américains se sont engagés dans une campagne de déstabilisation contre le gouvernement de Viktor Ianoukovitch (Président de l’Ukraine de février 2010 à février 2014). Cette campagne a culminé avec le renversement du président élu lors de la révolution de Maïdan – également connue sous le nom de coup d’État de Maïdan – du nom de la place de Kiev où s’est déroulé l’essentiel des manifestations .
Alors que les troubles politiques submergeaient le pays à l’approche de 2014, les États-Unis alimentaient le sentiment antigouvernemental par le biais d’organisations telles que l’U.S. Agency for International Development (USAID) et la National Endowment for Democracy (NED), tout comme ils l’avaient fait en 2004. En décembre 2013, Nuland, la secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes et défenseur de longue date du changement de régime, a déclaré que le gouvernement américain avait dépensé 5 milliards de dollars depuis 1991 afin de promouvoir la « démocratie » en Ukraine. L’argent a servi à soutenir de « hauts fonctionnaires du gouvernement ukrainien ..[des] membres du monde des affaires ainsi que de la société civile de l’opposition » qui sont en harmonie avec les objectifs des États-Unis. (*)
La NED est une organisation clé dans le réseau du soft power américain qui déverse 170 millions de dollars par an dans des organisations dédiées à la défense ou à l’installation de régimes favorables aux États-Unis. David Ignatius du Washington Post (22/09/1991) écrivait que l’organisation agit en « faisant en public ce que la CIA faisait en privé ». La NED cible les gouvernements qui s’opposent à la politique militaire ou économique des États-Unis, en suscitant une opposition antigouvernementale.
Le conseil d’administration de la NED comprend Elliott Abrams, dont le dossier sordide va de l’affaire Iran/Contra dans les années 1980 aux efforts de l’administration Trump pour renverser le gouvernement vénézuélien. En 2013, le président de la NED, Carl Gershman, a écrit un article dans le Washington Post (26/09/2013) qui décrivait l’Ukraine comme le « premier prix » dans la rivalité Est/Ouest. Après l’administration Obama, Nuland a rejoint le conseil d’administration de la NED avant de retourner au département d’État au sein de l’administration Biden en tant que sous-secrétaire d’État aux affaires politiques.
L’International Republican Institute (IRI) est l’un des nombreux bénéficiaires de l’argent de la NED pour des projets en Ukraine. L’IRI, autrefois présidé par le sénateur John McCain, a longtemps participé aux opérations américaines de changement de régime. Pendant les manifestations qui ont abouti à la chute du gouvernement de Ianoukovitch, McCain et d’autres responsables américains se sont rendus personnellement en Ukraine pour encourager les manifestants.
Des responsables américains ont été surpris en train de désigner le nouveau gouvernement
Le 6 février 2014, alors que les manifestations antigouvernementales s’intensifiaient, une source anonyme (dont beaucoup pensent qu’il s’agit de la Russie) a divulgué un appel entre la secrétaire d’État adjointe Nuland et l’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt. Les deux responsables ont discuté de la question de savoir quels responsables de l’opposition pourraient faire partie d’un éventuel nouveau gouvernement, et ont convenu qu’Arseniy Yatsenyuk – que Nuland appelle par son surnom « Yats » – devrait en être le responsable. Il a également été convenu que quelqu’un de « haut placé » serait chargé de faire avancer les choses. Cette personne était Joe Biden.
Quelques semaines plus tard, le 22 février, après qu’un massacre causé par des tireurs d’élite suspects ait accru les tensions, le Parlement ukrainien a rapidement démis Ianoukovitch de ses fonctions, dans le cadre d’une manœuvre constitutionnellement douteuse. M. Ianoukovitch a ensuite fui le pays, qualifiant ce renversement de coup d’État. Le 27 février, M. Yatsenyuk est devenu premier ministre.
Quand l’appel de Nuland à Pyatt a fuité, les médias se sont aussitôt emparés de la phrase de Nuland « Fuck the EU » [L’Union européenne peut aller se faire foutre]. Le commentaire a fait les gros titres (Daily Beast, 06/02/2014 ; BuzzFeed, 06/02/2014 ; Atlantic, 06/02/2014 ; Guardian, 06/02/2014), tandis que les preuves attestant des efforts du côté des États-Unis pour le changement de gouvernement ont été minimisées. Avec le titre « Russia Claims U.S. Is Meddling Over Ukraine » (La Russie affirme que les États-Unis s’ingèrent en Ukraine) , le New York Times (06/02/2014) laisse un ennemi officiel des États-Unis énoncer les faits attestant de l’implication américaine en Ukraine, ce qui émousse leur effet sur le public. Le Times (06/02/2014) a ensuite décrit les deux responsables comme ayant « discuté de la crise politique à Kiev » et partagé « leurs points de vue sur la façon dont elle pourrait être résolue ».
Par Bryce Greene
Arrêt sur info — 08 mars 2022
Alors que le conflit est en cours en Ukraine, cet article écrit en janvier demeure tout à fait pertinent. Il permet de situer le contexte et aide à bien comprendre les causes économiques, politiques et géopolitiques ayant conduit au déclenchement de cette guerre. Il expose la désinformation des grands médias, leur alignement irresponsable sur les Etats-Unis et les Etats de l’OTAN, en clair, leur incapacité à éclairer et expliquer les faits dont les fausses interprétations sont susceptibles de conduire à des guerres et à plonger des peuples entiers dans l’horreur. Arrêt sur info
Note du traducteur : Cet article a initialement été publié en anglais le 28 janvier 2022 sur le site d’information Fairness & Accuracy In Reporting. Nous le reproduisons en intégralité.
Ukraine : une guerre évitable, qui était prévisible
Par Bryce Greene
Paru le 28 janvier 2022 sur Fair.org sous le titre What You Should Really Know About Ukraine – Traduit par Jules/Arrêt sur info
Alors que les tensions commençaient à monter en Ukraine, les médias américains traditionnels ont produit un flot d’articles tentant d’expliquer la situation sous des titres tels que « Ukraine Explained » (L’Ukraine expliquée, New York Times, 08/12/2021) et « What You Need to Know About Tensions Between Ukraine and Russia » (Ce que vous avez besoin de savoir à propos des tensions entre l’Ukraine et la Russie, Washington Post, 26/11/2021). Les encadrés présentent des informations qui tentent de replacer les gros titres dans leur contexte. Mais pour vraiment comprendre cette crise, il est nécessaire d’en apprendre bien plus que ce que ces articles proposent.
The Washington Post (11/26/21) placed an article on “tensions between Ukraine and Russia” under the heading “Asia.” As the Post (4/7/14) has noted, “The less Americans know about Ukraine’s location, the more they want US to intervene.”
Ces articles « explicatifs » sont emblématiques de la couverture de l’Ukraine dans le reste des médias dominants, qui ont presque unanimement donné une vision pro-occidentale des relations entre les États-Unis et la Russie et de l’histoire qui les sous-tend. Les médias se sont fait le relai du point de vue de ceux qui pensent que les États-Unis devraient jouer un rôle actif dans la politique ukrainienne et imposer leur vision par le biais de menaces militaires.
La ligne officielle est à peu près la suivante : La Russie défie l’OTAN et « l’ordre international fondé sur des normes » en menaçant d’envahir l’Ukraine, et l’administration Biden se devait de dissuader la Russie en fournissant davantage de garanties de sécurité au gouvernement Zelensky. Le récit officiel utilise l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie en 2014 comme point de départ des relations américano-russes et comme preuve de l’objectif de Poutine de reconstruire l’empire russe perdu depuis longtemps.
La revendication de la Russie auprès de l’OTAN de cesser son élargissement jusqu’aux frontières de la Russie est considérée comme une exigence si inconcevable qu’elle ne peut être interprétée que comme un prétexte pour envahir l’Ukraine. Par conséquent, les États-Unis devraient envoyer des armes et des troupes en Ukraine, et garantir la sécurité de ce pays par le biais des menaces militaires à l’encontre de la Russie (FAIR.org, 1/15/22).
Le Washington Post se demande : « Pourquoi y a-t-il des tensions entre la Russie et l’Ukraine ? », et répond :
« En mars 2014, la Russie a annexé la Crimée aux dépens de l’Ukraine. Un mois plus tard, une guerre a éclaté entre les séparatistes ukrainiens alliés à la Russie et l’armée ukrainienne dans la région de Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) estime que plus de 13 000 personnes ont été tuées. »
Ce compte rendu est extrêmement trompeur, car il écarte le rôle crucial que les États-Unis ont joué dans l’escalade des tensions dans la région. Dans presque tous les cas que nous avons examinés, les rapports ont omis le rôle majeur des États-Unis dans le coup d’État de 2014 [la prétendue « révolution » de Maïdan] (**) qui a précédé l’annexion de la Crimée par la Russie. Se concentrer sur cette dernière étape ne sert qu’à fabriquer un consentement à l’intervention des États-Unis dans un pays étranger.
L’Occident veut des politiques favorables aux investisseurs en Ukraine
David Leonhardt (New York Times, 12/8/21) explains it all: “Putin believes that Ukraine — a country of 44 million people that was previously part of the Soviet Union — should be subservient to Russia.
La toile de fond du coup d’État et de l’annexion de 2014 ne peut être comprise sans examiner la stratégie américaine visant à ouvrir les marchés ukrainiens aux investisseurs étrangers et à placer cette économie sous le contrôle de multinationales géantes.
L’un des outils clés de cette stratégie a été le Fonds monétaire international (FMI), qui utilise les prêts d’aide pour pousser les gouvernements à adopter des politiques favorables aux investisseurs étrangers. Le FMI est financé par le capital financier et les gouvernements occidentaux et il les représente. Depuis des décennies, il est à l’avant-garde des efforts visant à remodeler les économies du monde entier, avec des résultats souvent désastreux la guerre civile au Yémen et le coup d’État en Bolivie ont tous deux fait suite à un rejet des conditions du FMI.
En Ukraine, le FMI avait depuis longtemps prévu de mettre en œuvre une série de réformes économiques afin de rendre le pays plus attrayant pour les investisseurs. Ces réformes comprenaient la suppression du contrôle des salaires (c’est-à-dire faire baisser les salaires), la « réforme et la réduction » des secteurs de la santé et de l’éducation (qui représentaient la majeure partie de l’emploi en Ukraine) et la suppression des subventions au gaz naturel accordées aux citoyens ukrainiens, qui offrait une énergie abordable au grand public. Les organisateurs du coup d’État, comme la secrétaire d’État adjointe américaine Victoria Nuland, ont souligné à plusieurs reprises la nécessité pour le gouvernement ukrainien de mettre en œuvre les réformes « nécessaires ».
En 2013, après les premières mesures d’intégration à l’Occident, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch s’est opposé à ces changements et a mis fin aux négociations d’intégration commerciale avec l’Union européenne. Quelques mois avant son renversement, il a relancé les négociations économiques avec la Russie, infligeant un affront majeur à la sphère économique occidentale. À ce moment-là, les protestations nationalistes s’intensifiaient et allaient renverser son gouvernement.
Après le coup d’État de 2014, le nouveau gouvernement a rapidement relancé l’accord avec l’Union européenne. Après avoir réduit de moitié les subventions au chauffage, il a obtenu un engagement de 27 milliards de dollars de la part du FMI. Parmi les objectifs du FMI figurait toujours la « réduction du rôle de l’État et des intérêts catégoriels dans l’économie », afin d’attirer davantage de capitaux étrangers.
Le FMI est l’une des nombreuses institutions mondiales dont le rôle dans le maintien des inégalités mondiales n’est souvent pas signalé et passe inaperçu aux yeux du grand public. La quête économique des États-Unis pour ouvrir les marchés mondiaux aux capitaux est un moteur essentiel des affaires internationales, mais si la presse choisit de l’ignorer, le débat public demeure incomplet et superficiel.
Les États-Unis ont aidé à renverser le président élu de l’Ukraine
Assistant Secretary of State Victoria Nuland (BBC, 2/7/14) picks the new Ukrainian president: “I think Yats is the guy who’s got the economic experience, the governing experience.”
Assistant Secretary of State Victoria Nuland (BBC, 2/7/14) picks the new Ukrainian president: “I think Yats is the guy who’s got the economic experience, the governing experience.”
Au cours du bras de fer entre les États-Unis et la Russie, les Américains se sont engagés dans une campagne de déstabilisation contre le gouvernement de Viktor Ianoukovitch (Président de l’Ukraine de février 2010 à février 2014). Cette campagne a culminé avec le renversement du président élu lors de la révolution de Maïdan – également connue sous le nom de coup d’État de Maïdan – du nom de la place de Kiev où s’est déroulé l’essentiel des manifestations .
Alors que les troubles politiques submergeaient le pays à l’approche de 2014, les États-Unis alimentaient le sentiment antigouvernemental par le biais d’organisations telles que l’U.S. Agency for International Development (USAID) et la National Endowment for Democracy (NED), tout comme ils l’avaient fait en 2004. En décembre 2013, Nuland, la secrétaire d’État adjointe aux affaires européennes et défenseur de longue date du changement de régime, a déclaré que le gouvernement américain avait dépensé 5 milliards de dollars depuis 1991 afin de promouvoir la « démocratie » en Ukraine. L’argent a servi à soutenir de « hauts fonctionnaires du gouvernement ukrainien ..[des] membres du monde des affaires ainsi que de la société civile de l’opposition » qui sont en harmonie avec les objectifs des États-Unis. (*)
La NED est une organisation clé dans le réseau du soft power américain qui déverse 170 millions de dollars par an dans des organisations dédiées à la défense ou à l’installation de régimes favorables aux États-Unis. David Ignatius du Washington Post (22/09/1991) écrivait que l’organisation agit en « faisant en public ce que la CIA faisait en privé ». La NED cible les gouvernements qui s’opposent à la politique militaire ou économique des États-Unis, en suscitant une opposition antigouvernementale.
Le conseil d’administration de la NED comprend Elliott Abrams, dont le dossier sordide va de l’affaire Iran/Contra dans les années 1980 aux efforts de l’administration Trump pour renverser le gouvernement vénézuélien. En 2013, le président de la NED, Carl Gershman, a écrit un article dans le Washington Post (26/09/2013) qui décrivait l’Ukraine comme le « premier prix » dans la rivalité Est/Ouest. Après l’administration Obama, Nuland a rejoint le conseil d’administration de la NED avant de retourner au département d’État au sein de l’administration Biden en tant que sous-secrétaire d’État aux affaires politiques.
L’International Republican Institute (IRI) est l’un des nombreux bénéficiaires de l’argent de la NED pour des projets en Ukraine. L’IRI, autrefois présidé par le sénateur John McCain, a longtemps participé aux opérations américaines de changement de régime. Pendant les manifestations qui ont abouti à la chute du gouvernement de Ianoukovitch, McCain et d’autres responsables américains se sont rendus personnellement en Ukraine pour encourager les manifestants.
Des responsables américains ont été surpris en train de désigner le nouveau gouvernement
Le 6 février 2014, alors que les manifestations antigouvernementales s’intensifiaient, une source anonyme (dont beaucoup pensent qu’il s’agit de la Russie) a divulgué un appel entre la secrétaire d’État adjointe Nuland et l’ambassadeur américain en Ukraine Geoffrey Pyatt. Les deux responsables ont discuté de la question de savoir quels responsables de l’opposition pourraient faire partie d’un éventuel nouveau gouvernement, et ont convenu qu’Arseniy Yatsenyuk – que Nuland appelle par son surnom « Yats » – devrait en être le responsable. Il a également été convenu que quelqu’un de « haut placé » serait chargé de faire avancer les choses. Cette personne était Joe Biden.
Quelques semaines plus tard, le 22 février, après qu’un massacre causé par des tireurs d’élite suspects ait accru les tensions, le Parlement ukrainien a rapidement démis Ianoukovitch de ses fonctions, dans le cadre d’une manœuvre constitutionnellement douteuse. M. Ianoukovitch a ensuite fui le pays, qualifiant ce renversement de coup d’État. Le 27 février, M. Yatsenyuk est devenu premier ministre.
Quand l’appel de Nuland à Pyatt a fuité, les médias se sont aussitôt emparés de la phrase de Nuland « Fuck the EU » [L’Union européenne peut aller se faire foutre]. Le commentaire a fait les gros titres (Daily Beast, 06/02/2014 ; BuzzFeed, 06/02/2014 ; Atlantic, 06/02/2014 ; Guardian, 06/02/2014), tandis que les preuves attestant des efforts du côté des États-Unis pour le changement de gouvernement ont été minimisées. Avec le titre « Russia Claims U.S. Is Meddling Over Ukraine » (La Russie affirme que les États-Unis s’ingèrent en Ukraine) , le New York Times (06/02/2014) laisse un ennemi officiel des États-Unis énoncer les faits attestant de l’implication américaine en Ukraine, ce qui émousse leur effet sur le public. Le Times (06/02/2014) a ensuite décrit les deux responsables comme ayant « discuté de la crise politique à Kiev » et partagé « leurs points de vue sur la façon dont elle pourrait être résolue ».
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