Le Nouvel Économiste,
Publié le 20/01/2022
Alors que les tensions avec ses alliés s’accumulent et que croît l’hostilité avec ses ennemis, le pays est sur une pente dangereuse
Au-delà de la gestion précipitée de la pandémie de Covid-19 par l’État, de l’atteinte progressive aux droits de l’homme et à la liberté d’expression, et du taux de chômage du pays qui a atteint son paroxysme depuis 2001, le pays a essuyé de nombreux revers au niveau diplomatique.
“La réticence des États-Unis à apporter une aide militaire ou le refus de vendre des drones d’attaque au Maroc sont autant de signes supplémentaires qui montrent le refroidissement des relations entre ces deux pays”
En effet, les relations entre le Maroc et les États-Unis ne sont plus au beau fixe. Rabat ne jouit plus du soutien indéfectible de Washington, comme le projet de loi de crédits et la loi d’autorisation de la défense nationale (NDAA) pour l’année fiscale 2022 le montrent dans le choix des mots. Ces deux projets de loi incluent notamment des changements importants concernant le Maroc et le Sahara occidental. La réticence des États-Unis à apporter une aide militaire ou le refus de vendre des drones d’attaque au Maroc sont autant de signes supplémentaires qui montrent le refroidissement des relations entre ces deux pays.
Refroidissement d’une amitié historique avec les États-Unis
Pourtant, le Maroc a toujours été le protégé des cercles politiques américains, et ce, depuis la création des États-Unis. Le Maroc a d’ailleurs été le premier à avoir reconnu l’indépendance des États-Unis en 1777. Pour comprendre la situation actuelle, il faut donc remonter en 2015, lorsque le roi Mohammed VI avait fait une promesse de don de 12 millions de dollars à la Fondation Clinton, s’opposant ainsi de facto à Donald Trump. Le Maroc s’était alors retrouvé dans le collimateur de Donald Trump lors de la campagne présidentielle de 2016, ainsi que durant son mandat présidentiel, puisqu’aucune réunion officielle n’avait eu lieu entre les deux pays. Ce n’est qu’à la toute fin du mandat de Donald Trump qu’un revirement avait eu lieu avec la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le territoire contesté du Sahara occidental, en échange de la normalisation des liens du Maroc avec Israël. Cette décision unilatérale a été vivement critiquée par de nombreuses personnalités politiques au sein de l’establishment américain, à la fois chez les démocrates et chez les républicains.
Celles-ci demandent encore aujourd’hui à leur président, Joe Biden, de revenir sur la décision de son prédécesseur, car ils considèrent les revendications du Royaume du Maroc comme “illégitimes”. L’administration Biden, qui a pris soin de rester neutre sur ce sujet, se retrouve donc en difficulté puisqu’elle ne semble pas résolue à approfondir la mise en œuvre de la proclamation de souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara. Mais elle ne peut pas non plus faire marche arrière sous peine de mettre en danger le rétablissement des relations entre Israël et le royaume chérifien.
Allemagne, France, UE, rien ne va plus
Depuis la nomination de Nasser Bourita au poste de ministre des Affaires étrangères du Maroc en 2017, les relations avec de nombreux autres pays se sont aussi ostensiblement détériorées. En effet, depuis mars 2021, le Maroc et l’Allemagne n’ont plus aucune communication diplomatique. En mai 2021, Rabat a retiré l’ambassadeur marocain en Espagne et a provoqué un afflux massif de migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta, située en Afrique du Nord, en raison de l’assouplissement des restrictions frontalières. Des allégations d’écoute du téléphone du président français et de fonctionnaires et journalistes français par les services secrets marocains ont éclaté en juillet 2021, ce qui a provoqué des tensions entre la France et le Maroc. Enfin, au niveau de l’Union européenne, la Cour de justice a pris la décision, en septembre 2021, d’annuler les échanges agricoles et de pêche entre le Maroc et l’Union européenne.
“Le Maroc, qui pratique de toute évidence une diplomatie belliqueuse et agressive, est sur une pente dangereuse qui pourrait l’amener à s’enfermer dans des conflits régionaux”
Outre les performances critiquées du ministre des Affaires étrangères marocain, d’autres décisions diplomatiques mettent en lumière la perte de vitesse de la diplomatie marocaine. La nomination du rabbin israélo-marocain, Yoshiyahu Yosef Pinto, chargé de faire appliquer la cacherout [code alimentaire judaïque, ndlr] au Maroc et faisant office de figure de proue du lobbying marocain à l’international, en est la preuve idoine. Ce dernier a en effet été condamné en Israël pour tentative de corruption et a écopé d’une peine d’un an d’emprisonnement, ce qui a eu indirectement pour conséquence de mettre à mal un peu plus le panache et la crédibilité de la diplomatie marocaine.
Ainsi, le Maroc, qui pratique de toute évidence une diplomatie belliqueuse et agressive, est sur une pente dangereuse qui pourrait l’amener à s’enfermer dans des conflits régionaux, notamment avec son meilleur ennemi l’Algérie, mais également à s’isoler de ses alliés.
Maelström moyen-oriental,
Ardavan Amir-Aslani et Inès Belkheiri
Publié le 20/01/2022
Alors que les tensions avec ses alliés s’accumulent et que croît l’hostilité avec ses ennemis, le pays est sur une pente dangereuse
Au-delà de la gestion précipitée de la pandémie de Covid-19 par l’État, de l’atteinte progressive aux droits de l’homme et à la liberté d’expression, et du taux de chômage du pays qui a atteint son paroxysme depuis 2001, le pays a essuyé de nombreux revers au niveau diplomatique.
“La réticence des États-Unis à apporter une aide militaire ou le refus de vendre des drones d’attaque au Maroc sont autant de signes supplémentaires qui montrent le refroidissement des relations entre ces deux pays”
En effet, les relations entre le Maroc et les États-Unis ne sont plus au beau fixe. Rabat ne jouit plus du soutien indéfectible de Washington, comme le projet de loi de crédits et la loi d’autorisation de la défense nationale (NDAA) pour l’année fiscale 2022 le montrent dans le choix des mots. Ces deux projets de loi incluent notamment des changements importants concernant le Maroc et le Sahara occidental. La réticence des États-Unis à apporter une aide militaire ou le refus de vendre des drones d’attaque au Maroc sont autant de signes supplémentaires qui montrent le refroidissement des relations entre ces deux pays.
Refroidissement d’une amitié historique avec les États-Unis
Pourtant, le Maroc a toujours été le protégé des cercles politiques américains, et ce, depuis la création des États-Unis. Le Maroc a d’ailleurs été le premier à avoir reconnu l’indépendance des États-Unis en 1777. Pour comprendre la situation actuelle, il faut donc remonter en 2015, lorsque le roi Mohammed VI avait fait une promesse de don de 12 millions de dollars à la Fondation Clinton, s’opposant ainsi de facto à Donald Trump. Le Maroc s’était alors retrouvé dans le collimateur de Donald Trump lors de la campagne présidentielle de 2016, ainsi que durant son mandat présidentiel, puisqu’aucune réunion officielle n’avait eu lieu entre les deux pays. Ce n’est qu’à la toute fin du mandat de Donald Trump qu’un revirement avait eu lieu avec la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le territoire contesté du Sahara occidental, en échange de la normalisation des liens du Maroc avec Israël. Cette décision unilatérale a été vivement critiquée par de nombreuses personnalités politiques au sein de l’establishment américain, à la fois chez les démocrates et chez les républicains.
Celles-ci demandent encore aujourd’hui à leur président, Joe Biden, de revenir sur la décision de son prédécesseur, car ils considèrent les revendications du Royaume du Maroc comme “illégitimes”. L’administration Biden, qui a pris soin de rester neutre sur ce sujet, se retrouve donc en difficulté puisqu’elle ne semble pas résolue à approfondir la mise en œuvre de la proclamation de souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara. Mais elle ne peut pas non plus faire marche arrière sous peine de mettre en danger le rétablissement des relations entre Israël et le royaume chérifien.
Allemagne, France, UE, rien ne va plus
Depuis la nomination de Nasser Bourita au poste de ministre des Affaires étrangères du Maroc en 2017, les relations avec de nombreux autres pays se sont aussi ostensiblement détériorées. En effet, depuis mars 2021, le Maroc et l’Allemagne n’ont plus aucune communication diplomatique. En mai 2021, Rabat a retiré l’ambassadeur marocain en Espagne et a provoqué un afflux massif de migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta, située en Afrique du Nord, en raison de l’assouplissement des restrictions frontalières. Des allégations d’écoute du téléphone du président français et de fonctionnaires et journalistes français par les services secrets marocains ont éclaté en juillet 2021, ce qui a provoqué des tensions entre la France et le Maroc. Enfin, au niveau de l’Union européenne, la Cour de justice a pris la décision, en septembre 2021, d’annuler les échanges agricoles et de pêche entre le Maroc et l’Union européenne.
“Le Maroc, qui pratique de toute évidence une diplomatie belliqueuse et agressive, est sur une pente dangereuse qui pourrait l’amener à s’enfermer dans des conflits régionaux”
Outre les performances critiquées du ministre des Affaires étrangères marocain, d’autres décisions diplomatiques mettent en lumière la perte de vitesse de la diplomatie marocaine. La nomination du rabbin israélo-marocain, Yoshiyahu Yosef Pinto, chargé de faire appliquer la cacherout [code alimentaire judaïque, ndlr] au Maroc et faisant office de figure de proue du lobbying marocain à l’international, en est la preuve idoine. Ce dernier a en effet été condamné en Israël pour tentative de corruption et a écopé d’une peine d’un an d’emprisonnement, ce qui a eu indirectement pour conséquence de mettre à mal un peu plus le panache et la crédibilité de la diplomatie marocaine.
Ainsi, le Maroc, qui pratique de toute évidence une diplomatie belliqueuse et agressive, est sur une pente dangereuse qui pourrait l’amener à s’enfermer dans des conflits régionaux, notamment avec son meilleur ennemi l’Algérie, mais également à s’isoler de ses alliés.
Maelström moyen-oriental,
Ardavan Amir-Aslani et Inès Belkheiri
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