+
- Depuis des décennies, Washington façonne selon ses intérêts le conflit régional du Sahara Occidental. L'historien espagnol Domingo Garí, professeur à l'Université de La Laguna, vient de publier un ouvrage qui décrypte cette influence, expliquant que la décision de Donald Trump de reconnaitre la souveraineté marocaine est le fruit d’un long processus où la realpolitik et la défense d’Israël en sont les marqueurs
L’historien espagnol Domingo Garí, professeur à l’Université de La Laguna, vient de publier Les États-Unis dans la guerre du Sahara occidental (Editions Catarata), centré sur la période charnière de 1974 à 1991. Il en conclut que la décision du président Donald Trump de reconnaitre la souveraineté du Maroc sur le territoire n’a rien d’exceptionnel en soi : « Trump n’a rien fait d’aussi nouveau. Il a simplement poussé jusqu’au bout la position de Ronald Reagan », estime-t-il dans un entretien avec Diario de Avisos.
Pour l’historien, et bien que Washington n’ait pas agi en Afrique du Nord comme il l’a fait avec l’envoi de troupes au Vietnam, sa « complicité avec Hassan II depuis que le Maroc a intensifié ses revendications sur le territoire » est indéniable.
Garí, qui a enquêté sur l’abondant matériel numérisé sur le Sahara dans diverses archives nord-américaines, entre autres, ceux des anciens présidents Gerald Ford et Jimmy Carter, du département d’État ou de la CIA, explique que si officiellement, les États-Unis ont préconisé une solution sous l’égide de l’ONU, « Henry Kissinger, alors secrétaire d’Etat, n’était pas favorable au droit à l’autodétermination des Sahraouis, qu’il considérait comme un groupe de 40 000 nomades qui ne savaient pas très bien dans quel monde ils vivaient. Et il a dit qu’il n’avait pas besoin de plus de conflits qui l’empêcheraient de s’endormir la nuit ».
Et pour contenter Kissinger, Hassan II a toujours été habile à agiter le spectre de la guerre froide avec les États-Unis et à se présenter comme un ami de l’Occident, rappelle la même source. Il a ainsi envoyé un contingent de 1 500 soldats sous commandement français durant la guerre du Shaba, où ils sont venus en aide au dictateur congolais Mobutu Seseseko, dont les troupes luttaient contre la guérilla socialiste du Front de libération nationale du Congo, soutenu par l’Angola et Cuba.
« Hassan II n’a jamais parlé du Polisario. Pour lui, derrière était l’Algérie et l’intérêt supposé d’avoir accès à l’Atlantique pour exporter des matières premières comme le fer. Et l’Algérie était un pays non aligné, promoteur du nationalisme révolutionnaire et lié à l’URSS », explique Garí. Le paradoxe, selon son livre, est qu’à cette époque, les échanges économiques marocains étaient plus importants avec les Soviétiques qu’avec les Américains. Et c’est l’inverse qui s’est produit pour l’Algérie : ses échanges les plus importants étaient avec les États-Unis.
Face à la décision de la Cour internationale de justice de La Haye n’ayant pas, en octobre 1975, entériné la revendication de Rabat quant à sa souveraineté sur l’ex-Sahara espagnol, Hassan II a lancé le 6 novembre la Marche verte alors que le dictateur Franco est déjà mourant.
« Le prince Juan Carlos de l’époque avait demandé à Hassan II quelques semaines de plus avant de lancer la Marche, mais il n’y a pas prêté attention », explique Garí. Les Américains étaient également favorables à l’attente de la sortie des Espagnols, mais ils n’étaient pas non plus indignés par l’attitude marocaine, note l’auteur.
Une semaine après la Marche, l’accord tripartite de Madrid a été signé, où l’Espagne a cédé le territoire au Maroc et à la Mauritanie, bien qu’elle ait défendu « le respect de l’autodétermination du peuple sahraoui ». « Mais la réalité est que le pouvoir en Espagne a toujours été favorable à la cession du Sahara au Maroc », explique Garí. « Le colonel Diego Aguirre raconte très bien dans le livre Guerre au Sahara que la décision du gouvernement espagnol a été promue par le haut état-major de l’armée, qui considérait qu’un Sahara dans la continuité du Maroc empêcherait l’influence algérienne sur les îles Canaries », explique l’historien. « De plus, la cession du Sahara a permis de garder Ceuta et Melilla », prétend-il.
A Suivre
Le Desk.ma
- Depuis des décennies, Washington façonne selon ses intérêts le conflit régional du Sahara Occidental. L'historien espagnol Domingo Garí, professeur à l'Université de La Laguna, vient de publier un ouvrage qui décrypte cette influence, expliquant que la décision de Donald Trump de reconnaitre la souveraineté marocaine est le fruit d’un long processus où la realpolitik et la défense d’Israël en sont les marqueurs
L’historien espagnol Domingo Garí, professeur à l’Université de La Laguna, vient de publier Les États-Unis dans la guerre du Sahara occidental (Editions Catarata), centré sur la période charnière de 1974 à 1991. Il en conclut que la décision du président Donald Trump de reconnaitre la souveraineté du Maroc sur le territoire n’a rien d’exceptionnel en soi : « Trump n’a rien fait d’aussi nouveau. Il a simplement poussé jusqu’au bout la position de Ronald Reagan », estime-t-il dans un entretien avec Diario de Avisos.
Pour l’historien, et bien que Washington n’ait pas agi en Afrique du Nord comme il l’a fait avec l’envoi de troupes au Vietnam, sa « complicité avec Hassan II depuis que le Maroc a intensifié ses revendications sur le territoire » est indéniable.
Garí, qui a enquêté sur l’abondant matériel numérisé sur le Sahara dans diverses archives nord-américaines, entre autres, ceux des anciens présidents Gerald Ford et Jimmy Carter, du département d’État ou de la CIA, explique que si officiellement, les États-Unis ont préconisé une solution sous l’égide de l’ONU, « Henry Kissinger, alors secrétaire d’Etat, n’était pas favorable au droit à l’autodétermination des Sahraouis, qu’il considérait comme un groupe de 40 000 nomades qui ne savaient pas très bien dans quel monde ils vivaient. Et il a dit qu’il n’avait pas besoin de plus de conflits qui l’empêcheraient de s’endormir la nuit ».
Et pour contenter Kissinger, Hassan II a toujours été habile à agiter le spectre de la guerre froide avec les États-Unis et à se présenter comme un ami de l’Occident, rappelle la même source. Il a ainsi envoyé un contingent de 1 500 soldats sous commandement français durant la guerre du Shaba, où ils sont venus en aide au dictateur congolais Mobutu Seseseko, dont les troupes luttaient contre la guérilla socialiste du Front de libération nationale du Congo, soutenu par l’Angola et Cuba.
« Hassan II n’a jamais parlé du Polisario. Pour lui, derrière était l’Algérie et l’intérêt supposé d’avoir accès à l’Atlantique pour exporter des matières premières comme le fer. Et l’Algérie était un pays non aligné, promoteur du nationalisme révolutionnaire et lié à l’URSS », explique Garí. Le paradoxe, selon son livre, est qu’à cette époque, les échanges économiques marocains étaient plus importants avec les Soviétiques qu’avec les Américains. Et c’est l’inverse qui s’est produit pour l’Algérie : ses échanges les plus importants étaient avec les États-Unis.
Face à la décision de la Cour internationale de justice de La Haye n’ayant pas, en octobre 1975, entériné la revendication de Rabat quant à sa souveraineté sur l’ex-Sahara espagnol, Hassan II a lancé le 6 novembre la Marche verte alors que le dictateur Franco est déjà mourant.
« Le prince Juan Carlos de l’époque avait demandé à Hassan II quelques semaines de plus avant de lancer la Marche, mais il n’y a pas prêté attention », explique Garí. Les Américains étaient également favorables à l’attente de la sortie des Espagnols, mais ils n’étaient pas non plus indignés par l’attitude marocaine, note l’auteur.
Une semaine après la Marche, l’accord tripartite de Madrid a été signé, où l’Espagne a cédé le territoire au Maroc et à la Mauritanie, bien qu’elle ait défendu « le respect de l’autodétermination du peuple sahraoui ». « Mais la réalité est que le pouvoir en Espagne a toujours été favorable à la cession du Sahara au Maroc », explique Garí. « Le colonel Diego Aguirre raconte très bien dans le livre Guerre au Sahara que la décision du gouvernement espagnol a été promue par le haut état-major de l’armée, qui considérait qu’un Sahara dans la continuité du Maroc empêcherait l’influence algérienne sur les îles Canaries », explique l’historien. « De plus, la cession du Sahara a permis de garder Ceuta et Melilla », prétend-il.
A Suivre
Le Desk.ma
Commentaire