Malgré les promesses, la désespérance d'habitants d'un bidonville marocain
le 05.12.2012 à 13h46, mis à jour le 05.12.2012 à 13h46
A Salé, ancienne cité corsaire, si la mer n'est jamais loin, c'est un océan de bâches et de taules qui s'offre soudain au regard, sous le ciel bleu automnal: dans le bidonville de Sahb el-Caïd, malgré les promesses de relogement, des habitants disent leur désespérance.
(C) AFPSALE (Maroc) (AFP) - A Salé, ancienne cité corsaire, si la mer n'est jamais loin, c'est un océan de bâches et de taules qui s'offre soudain au regard, sous le ciel bleu automnal: dans le bidonville de Sahb el-Caïd, malgré les promesses de relogement, des habitants disent leur désespérance.
Fin novembre s'est tenue à Rabat --la capitale marocaine et grande voisine de Salé--, une conférence internationale sur les bidonvilles. Au terme des travaux, les participants se sont engagés à oeuvrer pour réduire de moitié leur proportion entre 2015 et 2030.
Cet événement a aussi été l'occasion pour les responsables de l'ONU-Habitat de louer la politique du Maroc, à la faveur principalement d'un programme "villes sans bidonvilles" lancé en 2004 dont doivent bénéficier près de deux millions de personnes au total. Celui-ci a déjà "atteint un taux de réalisation de 70%", selon un rapport officiel.
Au dernier jour de la conférence, une délégation s'est aussi rendue à Salé, pionnière en la matière d'après un responsable local cité par l'agence MAP.
Posté au pied de Sahb el-Caïd, bidonville de 10 hectares et quelque 10.000 habitants, Aziz Addahbi affiche toutefois son scepticisme. "Cette conférence, ça n'est que des paroles", clame-t-il.
Né il y a 33 ans à Sahb el-Caïd, il dit ne plus croire aux promesses. Depuis les années 80, "nous avons accepté tout ce qui était proposé. Mais devant l'absence d'actes, on ne peut plus faire confiance, on ne peut plus croire", affirme le jeune homme, qui fait office de représentant des habitants.
Selon lui, un millier de familles a quitté ces dernières années le bidonville. Mais pour 1.300 autres devant être relogées sur place, "le projet aurait dû aboutir en 2007. On est en 2012, rien n'a été fait", s'agace-t-il.
L'an dernier, les habitants ont longuement manifesté, sans succès, argue-t-il encore. En mars, les forces de l'ordre sont intervenues pour mettre fin à "l'occupation de la voie publique". Des policiers ont été blessés, huit personnes arrêtées.
Couvertures
En cette fin d'automne, après plusieurs jours d'intempéries, Sahb el-Caïd est baigné de soleil. Le linge pend aux abords d'habitations recouvertes de bâches en plastique, afin de limiter les infiltrations.
Quelques points de ravitaillement permettent l'accès à l'eau potable, le piratage celui à l'électricité. Des tas de gravats marquent l'emplacement d'habitats détruits, "dans le cadre du programme de relogement", glisse Aziz.
Hassan, la quarantaine, ouvre grand la porte de la maisonnette qu'il partage avec sa mère et ses frères et soeurs. A l'intérieur, quelques matelas au sol et beaucoup de couvertures. Dans la chambre, un sac bouche vaguement la fenêtre.
Vendeur de poisson, il souligne être le seul à subvenir aux besoins de sa famille et dit devoir s'acquitter de trois dirhams (27 centimes d'euros) par semaine au propriétaire du terrain.
A quelques pas, Aïcha Bakkar, mère de quatre enfants, et Bouchra, sa fille d'un an dans le dos, échangent entre voisines.
"Quelle est la pire saison entre l'hiver et l'été? Les deux...", rétorque Bouchra. Dans le petit groupe qui s'est constitué autour de la conversation, tous acquiescent.
"On est toujours trempés en hiver. En été c'est le soleil qui tape sur les taules et nous fait fondre", renchérit Aziz Addahbi.
Au Maroc, la question des bidonvilles s'était retrouvée au coeur des débats après les attentats de Casablanca en 2003: les auteurs étaient originaires de celui de Sidi Moumen, en périphérie de la capitale économique.
En 2012, malgré les réels progrès, près d'un citadin sur six reste privé d'un logement "décent", selon le ministre de tutelle Mohamed Nabil Benabdallah.
A l'échelle de l'Afrique, le nombre d'habitants des bidonvilles a dépassé le milliard en 2011 et pourrait doubler d'ici 2030. Une conférence Habitat-III est prévue en 2016, 20 ans après Habitat-II.
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