Une cargaison d'armes chinoises destinées au Zimbabwe de Robert Mugabe est un motif suffisant pour que l'Occident dénonce le rôle de la Chine en Afrique. Mais ce n'est pas la première fois que les responsables économiques et politiques occidentaux observent avec appréhension le réengagement de Pékin sur le continent africain. Depuis quelque temps, la Chine ne cesse d'y ouvrir des écoles confucéennes, d'y construire des routes et des chemins de fer et de s'y fournir en pétrole, platine, or, minerais et autres ressources.
Depuis la première vague d'indépendances, dans la seconde moitié des années 1950, l'Afrique n'avait pas été au centre d'une telle effervescence. Les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon réfléchissent ensemble à la ligne de conduite à adopter ; réunions de crise, conférences et sommets sont organisés dans la plus grande hâte. A la différence du redressement de l'Europe avec le plan Marshall ou de l'industrialisation des Tigres asiatiques, qui n'auraient pu se faire sans les investissements américains, ce sont les investissements chinois qui offrent à l'Afrique sa première chance réelle de sortir de la pauvreté. Entre 1945 et 1978, les Etats-Unis ont accordé à un seul pays – la Corée du Sud – l'équivalent de toute l'aide qu'ils ont fournie à l'Afrique. Voilà le genre d'engagement dont le continent africain a aujourd'hui besoin.
Les réactions suscitées par l'intérêt de la Chine pour l'Afrique mettent en évidence l'hypocrisie occidentale et le fait que les pays africains peuvent encore être perçus comme des possessions coloniales. Alors que les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont amputé ou gonflé artificiellement leur budget d'aide, la Chine s'est engagée à doubler son assistance à l'Afrique d'ici à 2009. De même que la majeure partie de l'aide occidentale au développement sert davantage à promouvoir les intérêts commerciaux des donateurs qu'à alléger la pauvreté, l'aide chinoise à l'Afrique est souvent liée à des accords commerciaux. Mais la Chine est en train d'ouvrir ses marchés aux produits africains – ce que les gouvernements occidentaux rechignent à faire – et les contreparties de son aide demeurent raisonnables.
Comme en témoigne son soutien au régime Mugabe, l'engagement de la Chine en Afrique n'a certes pas que des aspects positifs. Face à la prolifération des partis d'opposition et à l'essor des mouvements civils, un certain nombre de dirigeants africains s'inspirent du modèle de parti politique dominant et répressif en place au Zimbabwe. Mais la guerre américaine contre le terrorisme a elle aussi aidé des dictateurs africains en leur permettant d'arrêter et d'incarcérer des opposants. Il semble que la plupart des pays dirigés par le même homme depuis de longues années – Togo, Gabon, Guinée-Equatoriale, Angola, Cameroun, Mauritanie, Guinée, Ouganda et Swaziland – ont du pétrole ou participent à la lutte américaine contre le terrorisme. C'est la raison pour laquelle les pays riches en pétrole et gouvernés par des dictateurs sont rarement sur la sellette.
Cela dit, les gouvernements africains doivent insister pour que leurs accords commerciaux avec la Chine renferment des clauses obligeant celle-ci à respecter un tant soit peu les droits du travail, les droits de l'homme et les normes environnementales. La Chine a autant besoin des ressources du veld [la campagne d'Afrique du Sud exploitée pour l'élevage ou la culture des céréales] que l'Afrique a besoin de son argent. Pour conserver son taux de croissance de 9 %, l'économie chinoise doit disposer de ressources que seule l'Afrique peut lui fournir en aussi grandes quantités et à si bas prix.
Mais s'ils veulent tirer profit de ce partenariat, les pays africains doivent se montrer plus fermes. La Chine achète des ressources stratégiques à très bon prix et avec peu de contreparties. La plupart des pays exportent des matières premières et importent des produits à fort coefficient de main-d'œuvre en provenance de Chine. En règle générale, l'essor des exportations crée peu d'emplois et les importations les délocalisent. L'Afrique doit faire en sorte que ses accords de partenariat redynamisent ses industries manufacturières en difficulté et diversifient rapidement son économie. Elle ne doit plus dilapider ses richesses.
William Gumede
Mail & Guardian
Depuis la première vague d'indépendances, dans la seconde moitié des années 1950, l'Afrique n'avait pas été au centre d'une telle effervescence. Les Etats-Unis, l'Union européenne et le Japon réfléchissent ensemble à la ligne de conduite à adopter ; réunions de crise, conférences et sommets sont organisés dans la plus grande hâte. A la différence du redressement de l'Europe avec le plan Marshall ou de l'industrialisation des Tigres asiatiques, qui n'auraient pu se faire sans les investissements américains, ce sont les investissements chinois qui offrent à l'Afrique sa première chance réelle de sortir de la pauvreté. Entre 1945 et 1978, les Etats-Unis ont accordé à un seul pays – la Corée du Sud – l'équivalent de toute l'aide qu'ils ont fournie à l'Afrique. Voilà le genre d'engagement dont le continent africain a aujourd'hui besoin.
Les réactions suscitées par l'intérêt de la Chine pour l'Afrique mettent en évidence l'hypocrisie occidentale et le fait que les pays africains peuvent encore être perçus comme des possessions coloniales. Alors que les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont amputé ou gonflé artificiellement leur budget d'aide, la Chine s'est engagée à doubler son assistance à l'Afrique d'ici à 2009. De même que la majeure partie de l'aide occidentale au développement sert davantage à promouvoir les intérêts commerciaux des donateurs qu'à alléger la pauvreté, l'aide chinoise à l'Afrique est souvent liée à des accords commerciaux. Mais la Chine est en train d'ouvrir ses marchés aux produits africains – ce que les gouvernements occidentaux rechignent à faire – et les contreparties de son aide demeurent raisonnables.
Comme en témoigne son soutien au régime Mugabe, l'engagement de la Chine en Afrique n'a certes pas que des aspects positifs. Face à la prolifération des partis d'opposition et à l'essor des mouvements civils, un certain nombre de dirigeants africains s'inspirent du modèle de parti politique dominant et répressif en place au Zimbabwe. Mais la guerre américaine contre le terrorisme a elle aussi aidé des dictateurs africains en leur permettant d'arrêter et d'incarcérer des opposants. Il semble que la plupart des pays dirigés par le même homme depuis de longues années – Togo, Gabon, Guinée-Equatoriale, Angola, Cameroun, Mauritanie, Guinée, Ouganda et Swaziland – ont du pétrole ou participent à la lutte américaine contre le terrorisme. C'est la raison pour laquelle les pays riches en pétrole et gouvernés par des dictateurs sont rarement sur la sellette.
Cela dit, les gouvernements africains doivent insister pour que leurs accords commerciaux avec la Chine renferment des clauses obligeant celle-ci à respecter un tant soit peu les droits du travail, les droits de l'homme et les normes environnementales. La Chine a autant besoin des ressources du veld [la campagne d'Afrique du Sud exploitée pour l'élevage ou la culture des céréales] que l'Afrique a besoin de son argent. Pour conserver son taux de croissance de 9 %, l'économie chinoise doit disposer de ressources que seule l'Afrique peut lui fournir en aussi grandes quantités et à si bas prix.
Mais s'ils veulent tirer profit de ce partenariat, les pays africains doivent se montrer plus fermes. La Chine achète des ressources stratégiques à très bon prix et avec peu de contreparties. La plupart des pays exportent des matières premières et importent des produits à fort coefficient de main-d'œuvre en provenance de Chine. En règle générale, l'essor des exportations crée peu d'emplois et les importations les délocalisent. L'Afrique doit faire en sorte que ses accords de partenariat redynamisent ses industries manufacturières en difficulté et diversifient rapidement son économie. Elle ne doit plus dilapider ses richesses.
William Gumede
Mail & Guardian
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