Les émeutes de Beyrouth sont un trompe l’œil. Elles ont été volontairement facilitées par les États-Unis qui espéraient pousser le Hezbollah à tuer les principaux leaders du gouvernement. Car seul un carnage aurait pu justifier une intervention de l’OTAN. Cependant l’Alliance nationale a fait preuve d’une grande retenue et n’a pas attaqué le palais du gouvernement. Cherchant à relancer les affrontements, le Premier ministre de facto a dénoncé les deux seules personnalités consensuelles aptes à entreprendre une médiation et a appelé à une contre-grève générale pour créer les conditions de débordements.
En trois jours (7, 8, 9 mai 2008), les cartes ont été entièrement redistribuées au Liban. Si l’on s’en tient à la propagande de l’OTAN déversée par les agences de presse occidentale, le Hezbollah aurait organisé un coup d’État et pris le contrôle de Beyrouth-Ouest. Or, cette version ne tient pas une minute au regard des informations transmises par ces mêmes agences de presse. Premièrement, le Hezbollah a livré de brefs combats contre des intérêts de la famille Hariri à Beyrout-Ouest, mais s’est immédiatement retiré en passant le relais à l’armée, il n’y a donc pas eu de prise de contrôle de la ville. Deuxièmement, un « coup d’État » est une prise du pouvoir par surprise, mais jamais le Hezbollah n’a tenté de s’emparer du palais du gouvernement ou de liquider l’équipe gouvernementale. Au contraire, le Hezbollah, comme d’aileurs toute l’Alliance nationale, continue à ignorer le gouvernement de facto dont il ne reconnaît pas la légitimité parce que dénué de base constitutionnelle.
4 ans de crise, dont 18 mois de blocage
Les événements de ces trois jours sont un épisode supplémentaire du feuilleton ouvert depuis le vote par le Congrès des États-Unis du Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restauration Act, le 15 octobre 2003. Cette loi, adoptée dans la foulée de l’invasion de l’Irak, donnait au président Bush un blanc-seing pour lancer une nouvelle guerre contre le Liban et la Syrie lorsqu’il le jugerait utile.
J’ai décrit en détail dans L’Effroyable imposture 2 et sur Voltairenet.org, les plans successifs élaborés par Washington pour parvenir à ses fins et les nombreux rebondissements politiques et militaires de ce projet : l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri au moment où il se rapprochait du Hezbollah, la campagne médiatique pour rendre mensongèrement la Syrie responsable de ce crime, les élections législatives truquées, le retrait de l’armée syrienne hors du Liban, la sous-traitance de la guerre par le Pentagone à Tsahal, l’attaque israélienne et la destruction du Sud du Liban, la victoire militaire du Hezbollah, enfin le maintien illégal au pouvoir du gouvernement Siniora et le blocage de l’élection présidentielle.
Récapitulons un instant les épisodes précédents. Le 11 novembre 2006, la démission de cinq ministres entraîne la chute du gouvernement au regard de l’article 95A de la Constitution. Mais le Premier ministre Fouad Siniora décide de se maintenir au pouvoir. Le putsch est avalisé par la « communauté internationale » qui y voit la seule solution pour barrer la route à la coalition conduite par le Hezbollah. Il s’agit en effet d’un enjeu vital pour l’Empire anglo-saxon : un gouvernement dominé par le Hezbollah donnerait le signal de révolutions dans le monde arabe et marquerait la fin inéluctable non pas de l’État d’Israël, mais du régime sioniste au pouvoir à Tel-Aviv.
Bien que seule légitime à exercer le pouvoir au vu de sa résistance victorieuse face à l’invasion israélienne d’une part et de son soutien populaire massif d’autre part, l’Alliance nationale conduite par le Hezbollah et le Courant patriotique libre s’abstient de marcher sur le palais du gouvernement. Au contraire, Hassan Nasrallah et Michel Aoun s’appliquent à faire la démonstration qu’ils feront passer l’unité du pays avant les intérêts partisans, fussent-ils majoritaires. Cette extrême retenue s’explique par la crainte d’une nouvelle intervention militaire directe ou indirecte des États-Unis qui ne manqueraient pas de s’appuyer sur certains partis politiques minoritaires.
La situation politique s’est inscrite dans la géographie de Beyrouth. Alors que la famille Hariri avait installé deux grandes tentes sur la place des Martyrs lors de la « révolution du cèdre » (éphémère version locale des « révolutions oranges » orchestrées par la CIA), l’Alliance nationale a planté un vaste campement couvrant l’ensemble du centre ville et manifestant visuellement le rapport de force. Du coup, les putschistes se sont retranchés dans le palais du gouvernement, le Sérail, transformé en forteresse derrière des plots de béton, des murs de barbelés et des blindés.
Le face à face entre les putschistes et l’Alliance nationale s’éternise depuis 18 mois, chacun mettant le temps à profit.
Le gouvernement de facto, soutenu non pas par l’Occident comme aime à le dire la presse anglo-saxonne, mais par les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, s’est doté d’un appareil de sécurité. Une police spéciale a été constituée en salariant les miliciens des Forces libanaises (parti d’extrême droite du criminel de guerre Samir Geagea) et en les envoyant se former auprès d’instructeurs US en Jordanie. En outre, la famille Hariri a créé diverses sociétés de gardiennage, qui sont autant de milices privées.
L’Alliance nationale a reconstitué l’arsenal de la Résistance avec l’aide officielle de l’Iran et officieuse de la Syrie comme le souligne la presse européenne, mais aussi l’aide discrète et continue de deux membres du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine. Le Hezbollah a envoyé de jeunes volontaires se former en Iran auprès des Gardiens de la Révolution et a construit un vaste réseau de lignes de défense au Sud du pays. Simultanément, le Hezbollah a aidé les autres composantes de l’Alliance nationale à se militariser et à se coordonner de manière à pouvoir exercer une résistance commune lors de la prochaine agression étrangère. Le groupe qui, après le Hezbollah, dispose des combattants les plus aguérris est aujourd’hui le Parti social nationaliste pansyrien (PSNS) d’Ali Qanso, dont la presse occidentale feint d’ignorer l’existence car il se définit comme laïque et n’entre pas dans l’analyse confessionnelle chère à la pensée coloniale. Le mandat du président de la République, Émile Lahoud (proche de l’Alliance nationale), est arrivé à son terme le 23 novembre 2007. Refusant de suivre l’exemple de Fouad Siniora et de s’accrocher au pouvoir, M. Lahoud a quitté ses fonctions à l’heure dite en respectant les procédures démocratiques.
L’élection de son successeur par le Parlement suppose une majorité qualifiée, donc un accord entre les deux camps. En réalité, le gouvernement de facto s’en moque car la fonction présidentielle est largement honorifique. Son unique préoccupation est de se maintenir indéfiniment en place. L’Alliance nationale, quant à elle, envisage cette élection dans le cadre d’un équilibre global qui comprend un accord sur la représentativité du prochain gouvernement et sur le découpage des circonscriptions législatives.
À Washington, on estime que vu la faiblesse du soutien populaire au gouvernement de facto, toute évolution politique ne pourra se faire qu’à son détriment. Les États-Unis ont donc incité leurs relais locaux à geler la situation. Le blocage s’est étendu à tous les organes constitutionnels. Désormais le pays est sans gouvernement légitime, sans cour constitutionnelle, sans président et sans assemblée législative (le Parlement n’ayant plus de mandat que pour procéder à l’élection présidentielle).
Les administrations ne peuvent plus fonctionner. La crise politique a engendré une crise économique. La misère s’étend. Les gens ne peuvent survivre qu’avec l’aide de leur famille à l’étranger ou des subsides des partis politiques. Dans ce contexte, les œuvres sociales du Hezbollah ont rempli l’espace laissé vacant par un État défaillant.
En trois jours (7, 8, 9 mai 2008), les cartes ont été entièrement redistribuées au Liban. Si l’on s’en tient à la propagande de l’OTAN déversée par les agences de presse occidentale, le Hezbollah aurait organisé un coup d’État et pris le contrôle de Beyrouth-Ouest. Or, cette version ne tient pas une minute au regard des informations transmises par ces mêmes agences de presse. Premièrement, le Hezbollah a livré de brefs combats contre des intérêts de la famille Hariri à Beyrout-Ouest, mais s’est immédiatement retiré en passant le relais à l’armée, il n’y a donc pas eu de prise de contrôle de la ville. Deuxièmement, un « coup d’État » est une prise du pouvoir par surprise, mais jamais le Hezbollah n’a tenté de s’emparer du palais du gouvernement ou de liquider l’équipe gouvernementale. Au contraire, le Hezbollah, comme d’aileurs toute l’Alliance nationale, continue à ignorer le gouvernement de facto dont il ne reconnaît pas la légitimité parce que dénué de base constitutionnelle.
4 ans de crise, dont 18 mois de blocage
Les événements de ces trois jours sont un épisode supplémentaire du feuilleton ouvert depuis le vote par le Congrès des États-Unis du Syria Accountability and Lebanese Sovereignty Restauration Act, le 15 octobre 2003. Cette loi, adoptée dans la foulée de l’invasion de l’Irak, donnait au président Bush un blanc-seing pour lancer une nouvelle guerre contre le Liban et la Syrie lorsqu’il le jugerait utile.
J’ai décrit en détail dans L’Effroyable imposture 2 et sur Voltairenet.org, les plans successifs élaborés par Washington pour parvenir à ses fins et les nombreux rebondissements politiques et militaires de ce projet : l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri au moment où il se rapprochait du Hezbollah, la campagne médiatique pour rendre mensongèrement la Syrie responsable de ce crime, les élections législatives truquées, le retrait de l’armée syrienne hors du Liban, la sous-traitance de la guerre par le Pentagone à Tsahal, l’attaque israélienne et la destruction du Sud du Liban, la victoire militaire du Hezbollah, enfin le maintien illégal au pouvoir du gouvernement Siniora et le blocage de l’élection présidentielle.
Récapitulons un instant les épisodes précédents. Le 11 novembre 2006, la démission de cinq ministres entraîne la chute du gouvernement au regard de l’article 95A de la Constitution. Mais le Premier ministre Fouad Siniora décide de se maintenir au pouvoir. Le putsch est avalisé par la « communauté internationale » qui y voit la seule solution pour barrer la route à la coalition conduite par le Hezbollah. Il s’agit en effet d’un enjeu vital pour l’Empire anglo-saxon : un gouvernement dominé par le Hezbollah donnerait le signal de révolutions dans le monde arabe et marquerait la fin inéluctable non pas de l’État d’Israël, mais du régime sioniste au pouvoir à Tel-Aviv.
Bien que seule légitime à exercer le pouvoir au vu de sa résistance victorieuse face à l’invasion israélienne d’une part et de son soutien populaire massif d’autre part, l’Alliance nationale conduite par le Hezbollah et le Courant patriotique libre s’abstient de marcher sur le palais du gouvernement. Au contraire, Hassan Nasrallah et Michel Aoun s’appliquent à faire la démonstration qu’ils feront passer l’unité du pays avant les intérêts partisans, fussent-ils majoritaires. Cette extrême retenue s’explique par la crainte d’une nouvelle intervention militaire directe ou indirecte des États-Unis qui ne manqueraient pas de s’appuyer sur certains partis politiques minoritaires.
La situation politique s’est inscrite dans la géographie de Beyrouth. Alors que la famille Hariri avait installé deux grandes tentes sur la place des Martyrs lors de la « révolution du cèdre » (éphémère version locale des « révolutions oranges » orchestrées par la CIA), l’Alliance nationale a planté un vaste campement couvrant l’ensemble du centre ville et manifestant visuellement le rapport de force. Du coup, les putschistes se sont retranchés dans le palais du gouvernement, le Sérail, transformé en forteresse derrière des plots de béton, des murs de barbelés et des blindés.
Le face à face entre les putschistes et l’Alliance nationale s’éternise depuis 18 mois, chacun mettant le temps à profit.
Le gouvernement de facto, soutenu non pas par l’Occident comme aime à le dire la presse anglo-saxonne, mais par les États-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, s’est doté d’un appareil de sécurité. Une police spéciale a été constituée en salariant les miliciens des Forces libanaises (parti d’extrême droite du criminel de guerre Samir Geagea) et en les envoyant se former auprès d’instructeurs US en Jordanie. En outre, la famille Hariri a créé diverses sociétés de gardiennage, qui sont autant de milices privées.
L’Alliance nationale a reconstitué l’arsenal de la Résistance avec l’aide officielle de l’Iran et officieuse de la Syrie comme le souligne la presse européenne, mais aussi l’aide discrète et continue de deux membres du Conseil de sécurité, la Russie et la Chine. Le Hezbollah a envoyé de jeunes volontaires se former en Iran auprès des Gardiens de la Révolution et a construit un vaste réseau de lignes de défense au Sud du pays. Simultanément, le Hezbollah a aidé les autres composantes de l’Alliance nationale à se militariser et à se coordonner de manière à pouvoir exercer une résistance commune lors de la prochaine agression étrangère. Le groupe qui, après le Hezbollah, dispose des combattants les plus aguérris est aujourd’hui le Parti social nationaliste pansyrien (PSNS) d’Ali Qanso, dont la presse occidentale feint d’ignorer l’existence car il se définit comme laïque et n’entre pas dans l’analyse confessionnelle chère à la pensée coloniale. Le mandat du président de la République, Émile Lahoud (proche de l’Alliance nationale), est arrivé à son terme le 23 novembre 2007. Refusant de suivre l’exemple de Fouad Siniora et de s’accrocher au pouvoir, M. Lahoud a quitté ses fonctions à l’heure dite en respectant les procédures démocratiques.
L’élection de son successeur par le Parlement suppose une majorité qualifiée, donc un accord entre les deux camps. En réalité, le gouvernement de facto s’en moque car la fonction présidentielle est largement honorifique. Son unique préoccupation est de se maintenir indéfiniment en place. L’Alliance nationale, quant à elle, envisage cette élection dans le cadre d’un équilibre global qui comprend un accord sur la représentativité du prochain gouvernement et sur le découpage des circonscriptions législatives.
À Washington, on estime que vu la faiblesse du soutien populaire au gouvernement de facto, toute évolution politique ne pourra se faire qu’à son détriment. Les États-Unis ont donc incité leurs relais locaux à geler la situation. Le blocage s’est étendu à tous les organes constitutionnels. Désormais le pays est sans gouvernement légitime, sans cour constitutionnelle, sans président et sans assemblée législative (le Parlement n’ayant plus de mandat que pour procéder à l’élection présidentielle).
Les administrations ne peuvent plus fonctionner. La crise politique a engendré une crise économique. La misère s’étend. Les gens ne peuvent survivre qu’avec l’aide de leur famille à l’étranger ou des subsides des partis politiques. Dans ce contexte, les œuvres sociales du Hezbollah ont rempli l’espace laissé vacant par un État défaillant.
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