"Oui, Madame la présidente". Quatre mots prononcés par Vincent Bolloré, vendredi 26 février,
ont suffi pour que le piège se referme. Le magnat de la logistique et de la communication
venait de reconnaître sa culpabilité devant le tribunal judiciaire de Paris. Oui, il savait qu’Euro
RSCG (aujourd’hui Havas), une des pépites de son groupe, avait aidé l’indéboulonnable
président du Togo, Faure Gnassingbé, à se faire réélire en 2010. Oui, 300 000 euros de
prestations de « communication » ont été offert à ce potentat africain, l’une des fígures les plus
caricaturales de la « Françafrique », par une autre société du groupe Bolloré afín d’obtenir l’attribution
d’une concession de trente-cinq ans du port de Lomé. Oui, quelques mois après la présidentielle, le
même Bolloré a fourni un emploi íctif à 8 500 euros mensuels à Patrick Bolouvi, demi-frère du
président togolais.
Mais ces aveux, qui devaient éviter un procès retentissant grâce à la procédure de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), le « plaider coupable » à la française, se sont retournés
contre le milliardaire. Contre toute attente, Isabelle Prévost-Desprez, ancienne juge d’instruction
spécialisée dans les affaires politico-fínancières qui présidait l’audience, n’a pas « homologué » les
peines requises par le parquet, 375 000 euros d’amende. A la consternation de Vincent Bolloré et des
dirigeants d’Havas présents à l’audience, la juge a estimé que les faits reprochés avaient" gravement porté atteinte a la souveraineté du Togo"
et ironie supplémentaire, une amende de 12 millions d’euros a été infligée en parallèle à la société Bolloré SE au
titre de personne morale.
Le système politique togolais ne s’est jamais vraiment remis du crime originel qui l’a fondé : l’assassinat
en 1963, avec la complicité de la France, de Sylvanus Olympio, premier président de la République, réputé
hostile à Paris. Un assassinat revendiqué un temps par le futur président Eyadéma lui-même, auquel
l’extraordinaire roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma"en attendant le vote des betes sauvages "
(Le Seuil, 1998) a donné la dimension d’un mythe shakespearien.
Il est finalement assez logique de voir un groupe médiatique, lié aux opérations africaines de type
néocolonial de M. Bolloré, militer contre l’étude des séquelles du colonialisme. A Lomé, le milliardaire
prospère en finançant le maintien au pouvoir du satrape local, perpétuant la soumission du pays à ses
anciens maîtres français. A Paris, fort de ses bonnes affaires africaines, il entretient une chaîne de
télévision engagée dans une guerre idéologique sans nuances contre ceux qui osent s’intéresser au
« postcolonial ».
Ce raccourci africain ne peut-il pas aussi être entendu comme un avertissement à l’heure où, à un an de
la présidentielle, on dit Vincent Bolloré tenté par l’acquisition d’Europe 1 ou de RTL en vue d’un
rapprochement avec CNews ? Le capitaine d’industrie « fait » certaines élections en Afrique de l’Ouest.
Pourrait-il être tenté de les « faire » en France ?
ont suffi pour que le piège se referme. Le magnat de la logistique et de la communication
venait de reconnaître sa culpabilité devant le tribunal judiciaire de Paris. Oui, il savait qu’Euro
RSCG (aujourd’hui Havas), une des pépites de son groupe, avait aidé l’indéboulonnable
président du Togo, Faure Gnassingbé, à se faire réélire en 2010. Oui, 300 000 euros de
prestations de « communication » ont été offert à ce potentat africain, l’une des fígures les plus
caricaturales de la « Françafrique », par une autre société du groupe Bolloré afín d’obtenir l’attribution
d’une concession de trente-cinq ans du port de Lomé. Oui, quelques mois après la présidentielle, le
même Bolloré a fourni un emploi íctif à 8 500 euros mensuels à Patrick Bolouvi, demi-frère du
président togolais.
Mais ces aveux, qui devaient éviter un procès retentissant grâce à la procédure de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), le « plaider coupable » à la française, se sont retournés
contre le milliardaire. Contre toute attente, Isabelle Prévost-Desprez, ancienne juge d’instruction
spécialisée dans les affaires politico-fínancières qui présidait l’audience, n’a pas « homologué » les
peines requises par le parquet, 375 000 euros d’amende. A la consternation de Vincent Bolloré et des
dirigeants d’Havas présents à l’audience, la juge a estimé que les faits reprochés avaient" gravement porté atteinte a la souveraineté du Togo"
et ironie supplémentaire, une amende de 12 millions d’euros a été infligée en parallèle à la société Bolloré SE au
titre de personne morale.
Le système politique togolais ne s’est jamais vraiment remis du crime originel qui l’a fondé : l’assassinat
en 1963, avec la complicité de la France, de Sylvanus Olympio, premier président de la République, réputé
hostile à Paris. Un assassinat revendiqué un temps par le futur président Eyadéma lui-même, auquel
l’extraordinaire roman de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma"en attendant le vote des betes sauvages "
(Le Seuil, 1998) a donné la dimension d’un mythe shakespearien.
Il est finalement assez logique de voir un groupe médiatique, lié aux opérations africaines de type
néocolonial de M. Bolloré, militer contre l’étude des séquelles du colonialisme. A Lomé, le milliardaire
prospère en finançant le maintien au pouvoir du satrape local, perpétuant la soumission du pays à ses
anciens maîtres français. A Paris, fort de ses bonnes affaires africaines, il entretient une chaîne de
télévision engagée dans une guerre idéologique sans nuances contre ceux qui osent s’intéresser au
« postcolonial ».
Ce raccourci africain ne peut-il pas aussi être entendu comme un avertissement à l’heure où, à un an de
la présidentielle, on dit Vincent Bolloré tenté par l’acquisition d’Europe 1 ou de RTL en vue d’un
rapprochement avec CNews ? Le capitaine d’industrie « fait » certaines élections en Afrique de l’Ouest.
Pourrait-il être tenté de les « faire » en France ?
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