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Territoires espagnols d'Afrique du Nord: « J’ai tout vendu pour pouvoir me nourrir »

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  • Territoires espagnols d'Afrique du Nord: « J’ai tout vendu pour pouvoir me nourrir »

    Difficile à comprendre l'embargo sur les territoires espagnols d'Afrique du Nord par la dictature marocaine, alors qu'elle (dictature marocaine) supplie l'Algérie à rouvrir les frontières terrestres algéro-marocaines.

    - " J’ai tout vendu pour pouvoir me nourrir » : au Maroc, la fermeture de la frontière avec l’Espagne tue Fnideq à petit feu"


    -Après la révolte du Rif en 2017 et celle de Jerada en 2019, une nouvelle région du Maroc est en ébullition. À Fnideq, ville sinistrée, un mouvement social réclame un programme de sauvetage socio-économique

    Vendredi, jour de manifestation à Fnideq. Cette localité de 78 000 habitants, au nord-ouest du Maroc, est tournée vers la frontière espagnole. Sa survie dépend du commerce frontalier.

    Fnideq, appelée aussi « Castillejo »par la population locale, partage la frontière avec Ceuta, enclave sous occupation espagnole. Les deux villes dépendent l’une de l’autre, économiquement et stratégiquement. Or, pour la première fois depuis des décennies, les deux villes jumelles sont séparées.

    En décembre 2019 les autorités marocaines ont décidé d’interdire de manière définitive l’entrée de marchandises depuis la ville de Ceuta. Cette « contrebande vivrière » représentait une source de revenus pour plus de 9 000 personnes à Fnideq et ses environs.



    Pour sa part, l’État avance que l’économie marocaine perd environ 650 millions d’euros chaque année en raison de l’activité de la contrebande au nord, du pays.

    Mais cet arrêt brutal de la contrebande, en l’absence d’alternatives, a provoqué une crise économique majeure dans plusieurs villes du nord du pays.

    La pandémie de COVID-19 a amplifié cette crise. Fnideq est à genoux : 600 magasins ont mis la clé sous la porte en une année, 30 % des cafés et restaurants ont cessé leur activité. Selon des estimations locales, depuis mars 2020, 3 000 personnes ont quitté définitivement cette ville, et 3 600 habitants de Fnideq qui traversaient la frontière chaque matin pour aller travailler à Ceuta ne peuvent plus le faire en raison de la fermeture du poste frontalier.

    Un an après, les habitants de Fnideq sont à bout et le font savoir haut et fort au pouvoir central de Rabat.

    Quelques semaines avant le début du mouvement, 100 personnalités de la région ont signé l’appel de Fnideq pour le sauvetage de la ville.
    À la frontière de la misère


    Fnideq était pourtant un carrefour commercial florissant. L’activité économique passait par le poste frontalier de Tarajal permettant l’importation de marchandise de contrebande depuis Ceuta.

    Cette activité était basée sur les hammala (mules), femmes et hommes chargés de transporter les marchandises depuis Ceuta vers Fnideq dans des conditions inhumaines. Une exploitation qui n’enrichissait que les barons de ce commerce frontalier à Fnideq comme à Ceuta.

    Le marché d’El Massira au centre-ville – durant de longues années destination pour les touristes nationaux qui venaient faire leurs emplettes de produits espagnols à bas prix – reste témoin de cette époque pas si lointaine.

    À l’entrée du marché, trois hommes affichent une mine des mauvais jours. Ahmed faisait partie des marchands ambulants de souk. « Le marché se meurt et nous avec. Je n’ai pas payé mon loyer depuis quatre mois. La société de distribution d’eau et d’électricité menace de me couper le réseau », se plaint-il à Middle East Eye.

    Son collègue, Nourreddine poursuit, la gorge serrée : « Les gens vendent leurs meubles pour se nourrir. »
    https://www.middleeasteye.net/sites/...?itok=ej_HSkN7Le marché d’El Massira regorgeait autrefois de produits espagnols à bas prix (MEE/Salaheddine Lemaizi)
    Parmi les jeunes de Fnideq, le sentiment de désillusion domine. Avant même cette crise, le taux de chômage en milieu urbain dans la province M’diq-Fnideq était de 18 %, soit le double du taux national (9,2 % en 2019).

    La contrebande, activité de subsistance, n’existe plus. Said et Fayçal tiennent les murs, près du marché. Ces deux faracha (terrassiers) n’ont plus confiance dans les médias ou les acteurs politiques et associatifs.

    « Les jeunes ont le choix entre la mort lente ou le hrig [immigration irrégulière] à la nage vers Sebta », confie-t-il à MEE.

    L’ampleur de la crise économique dans cette ville a poussé les jeunes à partir, sans papiers, vers Ceuta. Une traversée nocturne de cinq kilomètres à la nage.

    La mort de deux habitants de la ville lors d’une de ces tentatives de migration illégale a entraîné un mouvement de protestation, le 5 février 2020. Surprises et prises de court, les autorités ont réprimé un sit-in tenu ce soir-là. Quatre jeunes ont été arrêtés et poursuivis en détention provisoire avant d’être condamnés à six mois de prison avec sursis.
    Les femmes, pilier de cette protestation inédite


    Depuis trois semaines, les habitants de Fnideq, sans aucun encadrement politique, manifestent en bravant l’interdiction des autorités et l’état d’urgence sanitaire toujours en vigueur.

    Retour à la grande place. Il est 19 h, l’espace est sous haute surveillance. Des policiers en civil scrutent le mouvement des passants.

    Ceux qui n’habitent pas à Fnideq subissent des contrôles d’identité. Malgré cet étau sécuritaire, les femmes s’installent sur le perron de la mosquée Mohammed V.

    La grande place est noire de monde. Policiers comme habitants sont sur les nerfs. Tout le monde attend le coup d’envoi de ce sit-in.

    « Le signal sera donné sur une des pages Facebook influentes à Fnideq », prévient Mohamed Bensaissa, président de l’Observatoire du nord pour les droits humains (ONDH), présent sur place.

    À 19h15, le doute s’installe. Des policiers tentent de disperser les femmes. Sans succès.

    « Le peuple veut l’ouverture de la frontière », scandent les femmes. Manifestation à Fnideq, le 19 février 2021 (AFP)
    En petits groupes, les femmes crient le premier slogan : « Le peuple veut l’ouverture de la frontière ». Les hommes postés sur l’autre trottoir de l’artère principale leur donnent la réplique, timidement. Les policiers se retirent de la place. Le printemps de Fnideq peut continuer.

    Les femmes constituent le pilier de cette protestation inédite. Elles subissent de plein fouet les conséquences de cette crise économique. Fatema était faisait la mule entre Bab Sebta et Fnideq.

    Pour avoir une place au poste frontalier de Tarajal, elle devait passer une nuit dans la rue, près de la frontière. Malgré ces conditions pénibles, elle est prête à reprendre cette activité.

    « Ce travail me permettait de gagner entre 70 et 100 dirhams par jour [7 à 10 euros]. Mon mari travaillait aussi à la frontière. Aujourd’hui, je suis sans revenu depuis un an. J’ai tout vendu pour pouvoir me nourrir », crie-t-elle au milieu de cette foule compacte.
    « Mon mari travaillait aussi à la frontière. Aujourd’hui, je suis sans revenu depuis un an. J’ai tout vendu pour pouvoir me nourrir »

    - Fatema, mule


    Les travailleurs réguliers à Ceuta sont un autre visage de cette crise. Amina est interdite de rejoindre son travail comme femme de ménage. « J’ai rassemblé les documents demandés, je suis partie jusqu’à Rabat pour les déposer mais je n’ai pas reçu de réponse », se désole-t-elle.

    Quelques rares personnes ont pu rentrer à Sebta, mais la majorité demeurent bloquée à Fnideq et risque de perdre son emploi.

    À cette catégorie, s’ajoute une centaine de personnes toujours bloquées du côté espagnol depuis mars 2020. Le mari d’Assiya fait partie de ce groupe. Elle est venue avec ses deux filles pour cette manifestation. « Mes enfants n’ont pas vu leur papa depuis un an. Il est bloqué sans aucune raison valable », proteste-t-elle.

    Ces multiples raisons ont poussé les habitants de Fnideq à protester dans la rue. Les autorités sur place pressent le pas pour désamorcer cette crise, en multipliant les actions et les annonces. Face à ces mesures d’urgence, les habitants affichent leur scepticisme.
    « Copinage et népotisme »


    Depuis deux semaines, les autorités locales aidées par des associations qui leur sont proches distribuent des aides alimentaires et des bons de 45 euros à des familles nécessiteuses.

    « Cette distribution se fait sur la base du copinage et du népotisme avec le mokadem [agent d’autorité locale] », dénonce une femme âgée venue manifester sur la grande place.

    Une accusation récurrente parmi les habitants. Pour les jeunes de Fnideq, l’autorité locale a annoncé la création de 200 emplois sur des zones franches du nord.

    Dans les faits, il s’agit de formations renforçant l’employabilité des jeunes avec une bourse de 1 000 dirhams (93 euros) par mois durant trois mois.

    Au nord du Maroc, le pouvoir réprime pour éviter un nouveau hirak

    À cela s’ajoute l’annonce d’emplois au profit de 100 femmes de la ville dans les zones industrielles de Tétouan et Tanger.

    « Mais au lieu de calmer les esprits, ces actions de colmatage attisent la colère car elles sont marquées par un manque de transparence », observe Mohamed Younes de l’ONDH Fnideq.

    La Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima vient d’annoncer dans l’urgence un programme intégré pour le développement économique et spatial avec un budget de 38 millions d’euros. Ce programme dormait dans les tiroirs depuis un an.

    Les autorités s’activent aussi pour mettre en place une Zone d’activités économiques (ZAE). Elle comprendra 33 dépôts pour le commerce de gros et de détail de marchandises importées via le port limitrophe de Tanger Med.

    Comme nous l’avons constaté sur place, les travaux de terrassement ont à peine démarré. L’ouverture de cette ZAE est prévue pour juin 2021.

    « C’est une goutte d’eau dans un océan de misère », commente Said à MEE. Et de poursuivre : « Il n’y a aucune garantie que les personnes vraiment dans le besoin pourront bénéficier de ce projet. C’est un autre projet pour les grands importateurs. »

    Selon des estimations locales, depuis mars 2020, 3 000 personnes ont quitté définitivement Fnideq (AFP)

    La crise actuelle est en tout cas un sérieux test pour la stratégie de l’État visant à resserrer l’étau sur les produits de la contrebande provenant du nord – depuis l’Espagne – et de l’est – depuis l’Algérie.

    Comme le rappelle le chercheur Mustapha El Yahyaoui sur les colonnes du quotidien Akhbar Al Youm : «Les options à la disposition de l’État pour reconfigurer l’économie frontalière demeurent limitées. Les solutions dépendent surtout de la teneur des relations entre le Maroc et l’Espagne ».

    Autrement dit, les habitants de Fnideq payent les frais des différents contentieux entre les deux pays.

    Pour l’instant et pour atténuer la pression, les autorités locales ferment les yeux depuis trois semaines sur les activités des faracha qui se sont de nouveau installés dans le marché de la ville. Une petite victoire pour les habitants. Sans alternative viable, les habitants ne sont pas prêts à renoncer à la contrebande vivrière-.

    MEE

  • #2
    " Ici, il n’y a plus d’espoir.". Cela fait des décennies qu'au Maroc, il n'y a plus aucun espoir. Raison pour laquelle l'interrogation pérenne: Maroc: pourquoi partent-ils tous?"

    - « Nous n’avons plus aucun revenu » : l’arrêt de la contrebande plombe l’économie du nord du Maroc


    La fermeture de la frontière avec l’enclave espagnole de Ceuta pour cause de Covid-19, il y a un an, a mis fin au « commerce atypique » qui faisait vivre la région de Fnideq.

    Au milieu de la foule compacte rassemblée devant la grande mosquée de Fnideq, une petite ville commerçante du nord du Maroc, Amina se tient silencieuse, comme frappée de paralysie. Vêtue d’une djellaba et d’un foulard blancs, elle serre entre ses mains une photo de son voisin. L’homme, âgé d’une quarantaine d’années, pose avec ses quatre enfants devant la mer. Il s’appelait Ahmed Bouhbou.

    Des gardes-côtes espagnols ont repêché son corps il y a quelques semaines. Il avait tenté, avec deux jeunes de son quartier, de rejoindre Ceuta à la nage en traînant une bouée artisanale retenue par un filet de pêche. « Ahmed voulait simplement trouver du travail pour donner à manger à ses enfants, murmure Amina. Ici, il n’y a plus d’espoir. »

    La fermeture de la frontière avec les enclaves espagnoles pour cause de Covid-19, en mars 2020, a porté un coup sévère à l’économie de Fnideq et de ses environs. Toute la région dépend des échanges avec Ceuta et Melilla, plus à l’est, et notamment de la contrebande. Un « commerce atypique » qui privait chaque année le royaume de 4 milliards à 5 milliards de dirhams (entre 370 millions et 460 millions d’euros) de recettes fiscales, et que le gouvernement avait essayé de limiter en fermant le poste-frontière de Tarajal, dévolu aux porteurs de marchandises détaxées, fin 2019.

    « Cela fait près d’un an que nous n’avons plus aucun revenu », se lamente Halima, 39 ans, venue elle aussi manifester devant la mosquée, vendredi 12 février. Comme tous les habitants de la zone frontalière, cette mère célibataire de trois enfants avait une carte de résident lui permettant d’entrer à Ceuta sans visa. « J’étais femme de ménage là-bas, avec un contrat et une mutuelle. J’ai tout perdu du jour au lendemain », témoigne-t-elle.

    « Nous avons faim », renchérit Bouchra, une couturière de 27 ans qui a perdu ses clients à cause de la baisse du pouvoir d’achat: « Mais personne ne nous écoute, même pas au Parlement. La rue, c’était notre dernier recours. »-.

    Le Monde.fr

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