Après des années de «formation» au côté de son mentor, le fidèle collaborateur de Poutine lui succède à la tête de la Russie. Sans garantie d'avoir les coudées franches.
Le 7 mai à Moscou, une étrange passation des pouvoirs s'est déroulée sous les ors du Kremlin. Vladimir Poutine, l'ancien agent du KGB, l'homme que certains voient comme une réincarnation d'Ivan le Terrible, d'Andropov, voire de Staline lui-même, a, au faîte de sa popularité, transmis le pouvoir de son plein gré à un quadragénaire à l'air falot, flottant dans des costumes aux épaules trop larges, et qui jusqu'à voilà quelques semaines à peine était considéré comme sa «marionnette». Puis Vladimir Poutine devait être nommé Premier ministre dans les heures qui suivent l'entrée en fonction du nouveau président. Et comme si le message n'était pas suffi samment clair, les amis de Vladimir Poutine l'ont porté ces jours-ci à la présidence du parti majoritaire Russie unie, afi n de l'installer durablement dans le rôle de «leader national».
Porte-serviette ou leader ?
Qui donc va s'installer dans les majestueux bureaux présidentiels du Kremlin ? Un clone de Vladimir Poutine, ou le véritable maître de la Russie ? Un porte-serviette des «tchékistes», ou un leader moderne décidé à changer le cours de la politique russe et à en gommer les aspects les plus négatifs ? Dmitri Medvedev a-t-il les qualités nécessaires pour s'imposer dans cet invraisemblable écheveau d'intérêts, de rivalités et de violence qu'est le pouvoir russe aujourd'hui ? Sera-t-il capable de répondre aux attentes de ceux, essentiellement en Occident, qui souhaitent voir en la Russie un partenaire politique et énergétique plus maniable et moins brutal ?
Il est bien difficile de répondre aujourd'hui à toutes ces questions. En Russie plus qu'ailleurs, il convient de distinguer l'homme du système qu'il dirige ou représente. «Nous avons eu le «moulin à paroles» avec Gorbatchev, le «macho» avec Eltsine, le «soldat de l'Empire» avec Poutine, maintenant, nous avons le «premier de la classe» avec Medvedev», dit Stanislas Belkovski, un politologue russe haut en couleur qui fut autrefois dans les petits papiers du Kremlin.
La filière Saint-Pétersbourg
Cette étiquette de «premier de la classe» colle assez bien à Dmitri Medvedev. Les témoignages sont unanimes (mais comment ne le seraient-ils pas...) : il a toujours été bon élève, studieux, solidaire, attentif. Il a laissé le souvenir d'un responsable de komsomol fiable, toujours prêt à aller arracher des pommes de terre dans les kolkhozes du fi n fond de la Carélie. Ses parents étaient tous deux professeurs, absolument pas impliqués dans la politique, ni connus comme militants actifs du Parti. Il a épousé en 1989 son «amoureuse» du lycée, puis condisciple de l'université de Leningrad, Svetlana Linnik.
Son diplôme en poche, il embrasse la carrière d'enseignant, avant de tomber sous le charme du maire de Saint-Pétersbourg, le flamboyant Anatoli Sobtchak, l'un des pionniers des réformes sous Gorbatchev, concurrent d'Eltsine pour l'obtention du titre honorifique de leader russe le plus «innovant», premier maire élu de Saint-Pétersbourg, dont il organise la «privatisation». Et c'est à cette période que Medvedev rencontre un autre «fan» de Sobtchak, Vladimir Poutine, de dix ans son aîné, revenu sans gloire de RDA dans les wagons du KGB, mais qui est resté dans sa ville natale pour regarder de près cet étrange processus de privatisation qui allait y débuter sans pour autant quitter les effectifs des «services», dont il démissionnera en août 1991.
Depuis cette période, Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev entretiendront une relation quasi fraternelle. Il n'est pas très difficile de comprendre les raisons pour lesquelles Vladimir apprécie la collaboration de Dmitri : il est fiable, loyal, travailleur, fidèle à quelques principes, organisé et d'humeur égale. Surtout, il est «juriste», une spécialité que les «tchékistes» ont toujours appréciée, tant l'URSS avait le don de produire des milliers de pages de lois et règlements à jet continu, impossibles à appliquer, ce qui constitue le plus sûr moyen de pression d'un Etat totalitaire sur ses citoyens.
Lourds secrets
Au fur et à mesure que Vladimir Poutine renforce son emprise sur les leviers de pouvoir du pays, Dmitri Medvedev se voit attribuer des missions de contrôle, de surveillance, d'organisation, que ce soit à l'administration présidentielle, qu'il dirigera entre octobre 2003 et novembre 2005, ou encore à Gazprom, dont il préside le conseil d'administration quasiment sans interruption depuis juin 2000. Ce n'est qu'à partir de novembre 2005 et sa nomination comme premier vice-Premier ministre que Dmitri Medvedev devient un homme public, mais là encore muni d'une lettre de mission précise : faire déboucher les projets présidentiels d'amélioration des conditions de vie des Russes en contournant une administration gouvernementale empêtrée dans ses rivalités internes et minée par la corruption et les détournements de fonds publics.
Premier de la classe mais certainement pas enfant de choeur... Les quinze années que Dmitri Medvedev a passées auprès de Vladimir Poutine, au coeur des affaires les plus sensibles et les plus secrètes du Kremlin, font du nouveau président un personnage complexe, contradictoire, à la fois attaché au droit et décidé à combattre le «nihilisme judiciaire», et en même temps dépositaire de lourds secrets concernant, entre autres, les flux financiers occultes de Gazprom entre la Russie et l'Ukraine, les menées de son adversaire de toujours, Igor Setchine, en théorie son «adjoint» au sein de l'administration présidentielle, en réalité son rival dans la captation des actifs du groupe pétrolier Ioukos et dans le développement des portefeuilles énergétiques respectifs de Gazprom et de Rosneft.
Le 7 mai à Moscou, une étrange passation des pouvoirs s'est déroulée sous les ors du Kremlin. Vladimir Poutine, l'ancien agent du KGB, l'homme que certains voient comme une réincarnation d'Ivan le Terrible, d'Andropov, voire de Staline lui-même, a, au faîte de sa popularité, transmis le pouvoir de son plein gré à un quadragénaire à l'air falot, flottant dans des costumes aux épaules trop larges, et qui jusqu'à voilà quelques semaines à peine était considéré comme sa «marionnette». Puis Vladimir Poutine devait être nommé Premier ministre dans les heures qui suivent l'entrée en fonction du nouveau président. Et comme si le message n'était pas suffi samment clair, les amis de Vladimir Poutine l'ont porté ces jours-ci à la présidence du parti majoritaire Russie unie, afi n de l'installer durablement dans le rôle de «leader national».
Porte-serviette ou leader ?
Qui donc va s'installer dans les majestueux bureaux présidentiels du Kremlin ? Un clone de Vladimir Poutine, ou le véritable maître de la Russie ? Un porte-serviette des «tchékistes», ou un leader moderne décidé à changer le cours de la politique russe et à en gommer les aspects les plus négatifs ? Dmitri Medvedev a-t-il les qualités nécessaires pour s'imposer dans cet invraisemblable écheveau d'intérêts, de rivalités et de violence qu'est le pouvoir russe aujourd'hui ? Sera-t-il capable de répondre aux attentes de ceux, essentiellement en Occident, qui souhaitent voir en la Russie un partenaire politique et énergétique plus maniable et moins brutal ?
Il est bien difficile de répondre aujourd'hui à toutes ces questions. En Russie plus qu'ailleurs, il convient de distinguer l'homme du système qu'il dirige ou représente. «Nous avons eu le «moulin à paroles» avec Gorbatchev, le «macho» avec Eltsine, le «soldat de l'Empire» avec Poutine, maintenant, nous avons le «premier de la classe» avec Medvedev», dit Stanislas Belkovski, un politologue russe haut en couleur qui fut autrefois dans les petits papiers du Kremlin.
La filière Saint-Pétersbourg
Cette étiquette de «premier de la classe» colle assez bien à Dmitri Medvedev. Les témoignages sont unanimes (mais comment ne le seraient-ils pas...) : il a toujours été bon élève, studieux, solidaire, attentif. Il a laissé le souvenir d'un responsable de komsomol fiable, toujours prêt à aller arracher des pommes de terre dans les kolkhozes du fi n fond de la Carélie. Ses parents étaient tous deux professeurs, absolument pas impliqués dans la politique, ni connus comme militants actifs du Parti. Il a épousé en 1989 son «amoureuse» du lycée, puis condisciple de l'université de Leningrad, Svetlana Linnik.
Son diplôme en poche, il embrasse la carrière d'enseignant, avant de tomber sous le charme du maire de Saint-Pétersbourg, le flamboyant Anatoli Sobtchak, l'un des pionniers des réformes sous Gorbatchev, concurrent d'Eltsine pour l'obtention du titre honorifique de leader russe le plus «innovant», premier maire élu de Saint-Pétersbourg, dont il organise la «privatisation». Et c'est à cette période que Medvedev rencontre un autre «fan» de Sobtchak, Vladimir Poutine, de dix ans son aîné, revenu sans gloire de RDA dans les wagons du KGB, mais qui est resté dans sa ville natale pour regarder de près cet étrange processus de privatisation qui allait y débuter sans pour autant quitter les effectifs des «services», dont il démissionnera en août 1991.
Depuis cette période, Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev entretiendront une relation quasi fraternelle. Il n'est pas très difficile de comprendre les raisons pour lesquelles Vladimir apprécie la collaboration de Dmitri : il est fiable, loyal, travailleur, fidèle à quelques principes, organisé et d'humeur égale. Surtout, il est «juriste», une spécialité que les «tchékistes» ont toujours appréciée, tant l'URSS avait le don de produire des milliers de pages de lois et règlements à jet continu, impossibles à appliquer, ce qui constitue le plus sûr moyen de pression d'un Etat totalitaire sur ses citoyens.
Lourds secrets
Au fur et à mesure que Vladimir Poutine renforce son emprise sur les leviers de pouvoir du pays, Dmitri Medvedev se voit attribuer des missions de contrôle, de surveillance, d'organisation, que ce soit à l'administration présidentielle, qu'il dirigera entre octobre 2003 et novembre 2005, ou encore à Gazprom, dont il préside le conseil d'administration quasiment sans interruption depuis juin 2000. Ce n'est qu'à partir de novembre 2005 et sa nomination comme premier vice-Premier ministre que Dmitri Medvedev devient un homme public, mais là encore muni d'une lettre de mission précise : faire déboucher les projets présidentiels d'amélioration des conditions de vie des Russes en contournant une administration gouvernementale empêtrée dans ses rivalités internes et minée par la corruption et les détournements de fonds publics.
Premier de la classe mais certainement pas enfant de choeur... Les quinze années que Dmitri Medvedev a passées auprès de Vladimir Poutine, au coeur des affaires les plus sensibles et les plus secrètes du Kremlin, font du nouveau président un personnage complexe, contradictoire, à la fois attaché au droit et décidé à combattre le «nihilisme judiciaire», et en même temps dépositaire de lourds secrets concernant, entre autres, les flux financiers occultes de Gazprom entre la Russie et l'Ukraine, les menées de son adversaire de toujours, Igor Setchine, en théorie son «adjoint» au sein de l'administration présidentielle, en réalité son rival dans la captation des actifs du groupe pétrolier Ioukos et dans le développement des portefeuilles énergétiques respectifs de Gazprom et de Rosneft.
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